Théâtre

D’après la vraie vie de Nicolas Ramon, jeune champion Handisport. Bouleversant
Par la compagnie rennaise Quidam. Auteur et metteur en scène Loïc Choneau.


5000 METRES EN OR

12/06/2024


Voici une pièce triangulaire en un acte. Un angle handicap, l’autre le sport, troisième angle la
puissance d’un gosse.
Triangle doux et dur comme Quidam, cette Compagnie rennaise qui va où peu vont, se faufilent dans
le délicat, crée l’émotion, sans pathos, crie sans larmes.
C’est d’ailleurs la question de Nico, le héros du stade et de la pièce. Nico déplore de pleurer à
l’intérieur, sans larmes.
Il rit dedans aussi, sans rire. Comme amorti en tout depuis…
… Depuis son accident.
Théâtre triangulaire auquel il faut ajouter la bissectrice d’un drame de la petite enfance, de la force
de vie et de ce qu’il faut nommer l’accident. Un temps zéro d’où tout repart.
Ce moment de théâtre s’intitule : 5000 mètres en or.
L’auteur metteur en scène Loïc Choneau dit n’avoir rien écrit mais seulement écouté les récits de la
famille de Nicolas Ramon, médaillé or 2023 Handisport. Avant et surtout après. Pendant et surtout
maintenant.
Pendant : c’est la vraie histoire d’une pizza achetée sur le bas-côté. Du petit Nicolas, deux ans, qui
soudain, pourquoi, on ne saura jamais, file retrouver sa sœur dans l’auto garée de l’autre côté de la
route. Une voiture. Une maman qui crie, secourt Nico, trop tard.
Après : coma, blessure, hémiplégie, troubles cérébelleux…
Vient la longue renaissance de l’enfant et de ce que cette renaissance crée, diffuse, infuse, irradie
notamment sa sœur, la plus petite, pour qui jamais on n’a dit Nicolas donne un coup de main à
Juliette mais toujours l’inverse. Juliette et Nicolas, deux doigts d’une main, ils jouent, se taquinent, se
tiennent l’un l’autre, par moment ne font qu’un. Ils sont là dans un décor simple, un sac de sport,
deux plots et une haie.
On sait ce que la différence crée.
On sait ce que le handicap crée.
Bien sûr que non, on ne se sait pas. Sauf dans ce récit croisé du père, de la mère et dans ce qui se
joue entre le frère et la sœur. Des dialogues de connivence, des colères éruptives, soudaines. Nico
lui-même ignore d’où sort ce cri de lui.
À suivre le sport, la musique, le dépassement, la compétition, le rêve, la gagne, les chaussettes à
mettre d’une seule main, vous serez rassuré car l’acteur, Damien Le Délézir, toujours juste, y
parvient !
Compétition. Exploit. Nico est face à nous, il court, on y croit.

On y croit d’ailleurs de bout en bout à ces deux acteurs qui font trembler la position de l’acteur. On
en arrive à se demander si c’est Nicolas lui-même qui joue son rôle tellement les dialogues
embarquent avec leur lot de petits accrocs subtils, ces minuscules ratages, tout ce qui fait l’effort de
l’un à ressembler à tout le monde et à révéler, par ce désir, l’intangible écart.
Compétition, disions-nous : le 5000 mètres ! À la fin, ce n’est pas Nicolas qui pleure, c’est sa mère
dans les tribunes face à son fils champion de France. Son fils du dépassement. Des déséquilibres
compensés, des gestes maîtrisés, de la voix recouvrée. Penser le pas qu’on va faire, fabriquer la
foulée d’après. Vivre à côté est vivre, non ?
On repère l’à peine, l’un peu, le presque invisible.
On sent le bonheur d’exister, de courir à perdre haleine, sans s’arrêter. On sent la puissance vitale.
On sourit, on est étreint. Théâtre du double et de l’identification.
Stop, Nico, tu ne sens pas la douleur. Tu vas trop loin. Deux tibias niqués en même temps, c’est rare !
Stop Nico, ta peau des pieds se confond au tissu des chaussettes ou vice versa.
Damien Le Délézir et Hélène Biard incarnent un théâtre doux, dur, un acte militant que Quidam
donne à voir pour aller au plus près du sensible et le discuter. Les deux acteurs jouent le subjectif
juste à l’endroit où il est partageable. Théâtre social. Débat à suivre !
Le 10 juillet Nicolas Ramon portera la flamme olympique.

Gilles Cervera

La pièce a été jouée jeudi 13 juin à la Maison de Quartier de Villejean, à Rennes, suivie d'un échange entre Nicolas Ramon et la centaine de personnes présentes. D'autres rendez-vous se profilent (Montgermont le 24 septembre, Kerpape, Vitré, trois soutenus par la Mutualité française...). Pour prendre contact, aller sur Quidam

Dans la même rubrique