(Photo Sabuhi Mammadli)
La première chose qui m’a frappé chez Joanna Botteau, c’est son nom qui n’avait rien d’azerbaïdjanais. J’étais à ce moment-là à la recherche d’informations sur les victimes des inondations de la ville d’Imishli. Intrigué, je me suis renseigné et j’ai découvert que c’était le nom d’une femme de 83 ans, vivant près du village de Murguzali. Je n’ai eu de cesse alors que d’en savoir plus sur cette vieille dame.
Une aventure d’amour en pleine guerre
L’histoire de Joanna commence comme un roman à l’eau de rose. Jeune fille de bonne famille, elle tombe amoureuse d’un jeune homme venu de son Azerbaïdjan natal rejoindre la Résistance. « Nous vivions à Lyon où mon père était un homme en vue. Il avait des liens étroits avec le Général de Gaulle. Il fournissait secrètement des armes aux partisans. Il aidait les blessés à se cacher », se rappelle Joanna.
Shammad Shirmammadov, soldat soviétique, est capturé et fait prisonnier de guerre en Italie. Il réussit à s’échapper et à passer en France en 1944. Il rejoint la Résistance et devient ami de Paul Botteau qui a une sœur absolument ravissante.
Deux ans après la fin de la guerre, Shammad et Joanna persuadent Jean Botteau de les laisser se marier. « Mon père organisa un mariage en grande pompe à Paris et, un mois après, j’avais un visa du consulat soviétique pour entrer en Azebaïdjan », dit-elle, « nous avons voyagé pendant deux mois à travers toute l’Europe, puis Moscou et enfin Baku. »
Shammad Shirmammadov, soldat soviétique, est capturé et fait prisonnier de guerre en Italie. Il réussit à s’échapper et à passer en France en 1944. Il rejoint la Résistance et devient ami de Paul Botteau qui a une sœur absolument ravissante.
Deux ans après la fin de la guerre, Shammad et Joanna persuadent Jean Botteau de les laisser se marier. « Mon père organisa un mariage en grande pompe à Paris et, un mois après, j’avais un visa du consulat soviétique pour entrer en Azebaïdjan », dit-elle, « nous avons voyagé pendant deux mois à travers toute l’Europe, puis Moscou et enfin Baku. »
Le choc
Au début de l'aventure (archives personnelles de Joanna Botteau)
De Baku, ils partent pour Imishli et enfin Murguzalli, où Joanna se souvient d’avoir été « horrifiée par la chaleur et le nombre de moustiques. Ce qui était le plus horrible, c’était de voir cette petite française élégante arriver en carriole au village », ajoute-t-elle en riant.
On avait annoncé à la famille de Shammad qu’il avait été tué à la guerre. On imagine alors sans mal l’accueil fait au jeune couple. « Quand nous sommes rentrés dans la cour, toute la famille était là. Aussitôt qu’ils ont vu Shammad, ils se sont mis à crier, à pleurer et à se jeter par terre. On a compris ensuite que, le croyant mort, ils avaient déjà célébré ses obsèques et porté le deuil. »
A la demande de la famille, Joanna se convertit à l’Islam et change son prénom pour Amina. « Au début, j’ai eu du mal à m’adapter à une culture et à des coutumes si différentes. C’était aussi très dur de supporter le climat. La chaleur a failli me tuer. Je pensais que les mouches et les moustiques pouvaient dévorer les gens : je n’avais jamais vu cela avant. Mais je n’ai jamais regretté ma décision. Notre fils Raphaël est né un an plus tard. Malheureusement, notre bonheur n’a pas duré longtemps, Shammad est mort peu de temps après. »
La mère de Joanna alors tente de sortir sa fille d’Union Soviétique, venant même jusqu’à Baku pour la rencontrer. Mais jamais, les autorités n’accepteront que Joanna quitte le pays avec son fils, citoyen soviétique. « Ma mère m’a dit qu’il n’y avait pas d’autre solution que d’abandonner l’enfant et partir. J’ai refusé : c’était tous les deux ou personne. Donc nous sommes restés. »Après cette rencontre, elle n’a plus revu sa famille. Ils se sont beaucoup écrits, surtout avec son frère Paul, alors diplomate en Inde.
La coutume voulait que la veuve épouse le membre de la famille le plus proche. Elle va donc se marier avec le cousin de son défunt mari. La famille s’agrandit d’un fils et de deux filles. Aujourd’hui, Joanna a trente petits-enfants et vingt-deux arrière petits-enfants.
On avait annoncé à la famille de Shammad qu’il avait été tué à la guerre. On imagine alors sans mal l’accueil fait au jeune couple. « Quand nous sommes rentrés dans la cour, toute la famille était là. Aussitôt qu’ils ont vu Shammad, ils se sont mis à crier, à pleurer et à se jeter par terre. On a compris ensuite que, le croyant mort, ils avaient déjà célébré ses obsèques et porté le deuil. »
A la demande de la famille, Joanna se convertit à l’Islam et change son prénom pour Amina. « Au début, j’ai eu du mal à m’adapter à une culture et à des coutumes si différentes. C’était aussi très dur de supporter le climat. La chaleur a failli me tuer. Je pensais que les mouches et les moustiques pouvaient dévorer les gens : je n’avais jamais vu cela avant. Mais je n’ai jamais regretté ma décision. Notre fils Raphaël est né un an plus tard. Malheureusement, notre bonheur n’a pas duré longtemps, Shammad est mort peu de temps après. »
La mère de Joanna alors tente de sortir sa fille d’Union Soviétique, venant même jusqu’à Baku pour la rencontrer. Mais jamais, les autorités n’accepteront que Joanna quitte le pays avec son fils, citoyen soviétique. « Ma mère m’a dit qu’il n’y avait pas d’autre solution que d’abandonner l’enfant et partir. J’ai refusé : c’était tous les deux ou personne. Donc nous sommes restés. »Après cette rencontre, elle n’a plus revu sa famille. Ils se sont beaucoup écrits, surtout avec son frère Paul, alors diplomate en Inde.
La coutume voulait que la veuve épouse le membre de la famille le plus proche. Elle va donc se marier avec le cousin de son défunt mari. La famille s’agrandit d’un fils et de deux filles. Aujourd’hui, Joanna a trente petits-enfants et vingt-deux arrière petits-enfants.
Son rêve
Plus le temps passe, plus son rêve de venir se recueillir sur les tombes de sa famille en France, devient fort.
Elle a déjà essayé dans les années 90. Elle avait alors sollicité l’aide de Ahmadiya Jabrailov, qui avait, comme son mari, combattu dans la Résistance, ce qui lui avait valu la Croix de Guerre et bien d’autres honneurs. Persécuté par les autorités soviétiques à son retour, il avait pu enfin être reconnu comme héros lorsque le Président de Gaulle s’enquit de lui lors de sa visite à Moscou en 1966. « J’étais sûre que ce partisan légendaire et ami proche du Général pouvait m’aider à aller en France. »
Bien qu’il l’eut promis, cela ne put se faire car Jabailov fut frappé par une tragédie : son fils, blessé dans le conflit de Nagorny Karabahk, mourut peu de temps après. « Mon rêve s’est arrêté là », confie Joanna
Alors que je m’apprêtais à partir, Joanna m’a demandé de l’aider. « Il ne me reste pas beaucoup de temps à vivre. Si je meurs avant de rendre visite à ma patrie, mon esprit ne sera jamais en repos. »
Je n’étais pas sûr de ce que je pouvais faire, mais de retour à Baku, j’ai téléphoné à l’ambassade de France pour leur parler de cette citoyenne française qui voulait tout simplement revoir son pays d’origine. La porte-parole de l’ambassade, Jamila Akhundova, m’a assuré que le cas de Joanna serait pris en compte et qu’un membre du consulat la contacterait. « Si elle est en mesure de fournir les documents requis, elle obtiendra son visa », a expliqué Mme Akhundova.
Mais Joanna devait aussi prouver qu’elle avait assez d’argent à la banque pour avoir le droit de se rendre en France. « Rappelez-vous, l’Europe est en crise, m’a rétorqué Zevfira Guliyeva du consulat, l’ambassade de France ne peut assumer les coûts du voyage. » Joanna ne pourrait-elle jamais revoir le pays de son enfance ?
Finalement son rêve s'est réalisé. Son histoire a ému. A l'automne 2011, munie d'un visa de trois mois, Joanna a revu son pays natal et sa famille. Au retour, son esprit aura trouvé le repos.
Sabuhi Mammadli
Traduction de la Rédaction
Version originale sur le site d’IWPR
Elle a déjà essayé dans les années 90. Elle avait alors sollicité l’aide de Ahmadiya Jabrailov, qui avait, comme son mari, combattu dans la Résistance, ce qui lui avait valu la Croix de Guerre et bien d’autres honneurs. Persécuté par les autorités soviétiques à son retour, il avait pu enfin être reconnu comme héros lorsque le Président de Gaulle s’enquit de lui lors de sa visite à Moscou en 1966. « J’étais sûre que ce partisan légendaire et ami proche du Général pouvait m’aider à aller en France. »
Bien qu’il l’eut promis, cela ne put se faire car Jabailov fut frappé par une tragédie : son fils, blessé dans le conflit de Nagorny Karabahk, mourut peu de temps après. « Mon rêve s’est arrêté là », confie Joanna
Alors que je m’apprêtais à partir, Joanna m’a demandé de l’aider. « Il ne me reste pas beaucoup de temps à vivre. Si je meurs avant de rendre visite à ma patrie, mon esprit ne sera jamais en repos. »
Je n’étais pas sûr de ce que je pouvais faire, mais de retour à Baku, j’ai téléphoné à l’ambassade de France pour leur parler de cette citoyenne française qui voulait tout simplement revoir son pays d’origine. La porte-parole de l’ambassade, Jamila Akhundova, m’a assuré que le cas de Joanna serait pris en compte et qu’un membre du consulat la contacterait. « Si elle est en mesure de fournir les documents requis, elle obtiendra son visa », a expliqué Mme Akhundova.
Mais Joanna devait aussi prouver qu’elle avait assez d’argent à la banque pour avoir le droit de se rendre en France. « Rappelez-vous, l’Europe est en crise, m’a rétorqué Zevfira Guliyeva du consulat, l’ambassade de France ne peut assumer les coûts du voyage. » Joanna ne pourrait-elle jamais revoir le pays de son enfance ?
Finalement son rêve s'est réalisé. Son histoire a ému. A l'automne 2011, munie d'un visa de trois mois, Joanna a revu son pays natal et sa famille. Au retour, son esprit aura trouvé le repos.
Sabuhi Mammadli
Traduction de la Rédaction
Version originale sur le site d’IWPR