Emily Duthion, gérante salariée associée de la Scic Énergies renouvelables en pays de Rance
Emily Duthion a fait du bois sa passion. Celui qui agrémente les haies bocagères, nous chauffe, habille nos intérieurs, fait notre oxygène. Au sein de la Scic, Société coopérative d’intérêt collectif, dénommée « Énergies renouvelables en pays de Rance », elle le valorise, sous toutes ses formes, aux côtés de deux autres gérants salariés associés, d’une équipe de douze salariés et de cent sociétaires, tous unis autour de ce projet d’économie sociale et solidaire.
Le bois comme ressource énergétique
Le bois déchiqueté est utilisé en paillage ou en combustible
La jeune femme, originaire de Plouër-sur-Rance, a découvert l’initiative collective en 2009, à l’occasion d’un stage qu’elle fait à Cœur émeraude, l’association qui préfigure le futur parc naturel régional. Titulaire d’une licence de développement de projet en développement durable, elle travaille d’abord en librairie dans les franchises en Rhône-Alpes.
Dix ans plus tard, elle revient en pays de Saint-Malo et se forme à la conduite de projet en développement durable. Au cours de son stage, elle réalise le bilan énergétique des communes du futur parc et découvre tout l’intérêt que représente le bois comme ressource énergétique.
Dix ans plus tard, elle revient en pays de Saint-Malo et se forme à la conduite de projet en développement durable. Au cours de son stage, elle réalise le bilan énergétique des communes du futur parc et découvre tout l’intérêt que représente le bois comme ressource énergétique.
« J’ai alors rencontré Jérémy Dauphin, qui avait participé à créer la coopérative dans le pays de Dinan. Avec lui, j’ai décelé les besoins et les opportunités qu’il y avait sur ce territoire en énergies renouvelables. Sans hésiter, j'ai rejoint la scic et intégré l'aventure, d’abord bénévolement puis comme salariée.
Créer sur le territoire des « réseaux de chaleur »
L’idée : créer une filière courte intégrée dans des réseaux de chaleur
L’initiative a vu le jour le 1er avril 2008 après deux ans de préfiguration au sein du Conseil de développement du pays de Dinan. Une des interrogations porte alors sur la place des énergies renouvelables dans le territoire avec ce constat que le bois disponible est méconnu et mal répertorié. Après les désastres occasionnés par le remembrement, quelques haies bocagères ont bien été replantées mais leur entretien laisse à désirer. Sans compter que l’on continue de brûler sur place le bois taillé pour leur entretien.
Pendant deux années, l’équipe inventorie le volume de bois disponible sur le pays de Dinan et repère les acteurs et professionnels intéressés pour se fédérer autour d’une filière bois. L’idée est de créer une filière courte entre la captation du bois pour lui donner une valeur économique et l’intégrer dans des réseaux de chaleur de communes rurales dans un rayon de 20 à 30 kilomètres. Un « réseau de chaleur », c’est ce circuit de production de bois-énergie que pourrait assurer la scic pour alimenter une chaufferie collective et ainsi chauffer plusieurs bâtiments.
Pendant deux années, l’équipe inventorie le volume de bois disponible sur le pays de Dinan et repère les acteurs et professionnels intéressés pour se fédérer autour d’une filière bois. L’idée est de créer une filière courte entre la captation du bois pour lui donner une valeur économique et l’intégrer dans des réseaux de chaleur de communes rurales dans un rayon de 20 à 30 kilomètres. Un « réseau de chaleur », c’est ce circuit de production de bois-énergie que pourrait assurer la scic pour alimenter une chaufferie collective et ainsi chauffer plusieurs bâtiments.
Diversifier le revenu de l’agriculteur
Depuis 2010, un million d’arbres replantés en haies bocagères
La coopérative réunit alors 45 sociétaires, agriculteurs, exploitants forestiers, bureaux d’étude, élus communaux. Jérémy Dauphin est embauché à mi-temps pour assurer la coordination grâce au soutien du conseil de développement et du Conseil général des Côtes-d’Armor qui subventionne le poste, de 2008 à 2010. L’ingénieur agricole de formation propose une préfiguration du dispositif qui séduit les sociétaires et va être tentée. Plusieurs communes sont alors intéressées pour remplacer l’énergie fioul ou gaz par du bois déchiqueté. Mais le démarrage se fait lentement et seules les communes de Plénée-Jugon et de Saint-Alban s’équipent alors de chaufferies-bois.
« Il faut vraiment être motivé pour s’engager dans la démarche, quasi militant ! L’idée que défendait alors Jérémy, était de diversifier le revenu de l’agriculteur en donnant une valeur économique à l’arbre et à la haie dans une exploitation agricole. »
On replante et on prend soin des arbres
Broyeur de végétaux et fendeuse sont fournis aux habitants - © T.Ruellan
En 2010, comme annoncé, le soutien de la collectivité cesse. Les sociétaires s’interrogent alors sur le modèle économique et la pérennité du dispositif qu’ils ont imaginé. L’heure est venue de diversifier les activités autour du bois-énergie. Le programme Breizh Bocage apporte une première réponse. La dynamique, lancée en Bretagne quelques années plus tôt, vise à reconquérir la qualité de l’eau en reconstruisant talus et billons, ces petits monticules plantés d’arbres et d’arbustes pour résister aux intempéries.
La Scic répond aux marchés publics lancés alors pour replanter le bocage et recrute des planteurs d’arbres. Les sociétaires pépiniéristes prêtent main-forte et fournissent les végétaux. On plante sans compter, redonnant ainsi vie au bocage dinannais. Le nouveau label « Haies », dans lequel une vingtaine d’agriculteurs s’est aujourd’hui engagée, apporte un crédit supplémentaire à la nécessité de planter de nouvelles haies.
La Scic répond aux marchés publics lancés alors pour replanter le bocage et recrute des planteurs d’arbres. Les sociétaires pépiniéristes prêtent main-forte et fournissent les végétaux. On plante sans compter, redonnant ainsi vie au bocage dinannais. Le nouveau label « Haies », dans lequel une vingtaine d’agriculteurs s’est aujourd’hui engagée, apporte un crédit supplémentaire à la nécessité de planter de nouvelles haies.
« Chaque hiver, nous replantons ainsi 60 à 80.000 arbres. Depuis 2010, c’est un million d’arbres qui ont été replantés en haies bocagères, soit mille kilomètres ! Les premières tailles de formation de ces arbres ont commencé cette année. Nous connaissons désormais chaque linéaire de haie, les âges de plantation, les essences présentes, les coupes réalisées. Entre ce qui a été arasé et ce qui a été replanté, on est désormais parvenus juste à l’équilibre. »La scic recrute aussi des élagueurs qui assurent un soin aux arbres remarquables et un entretien tout au long de leur vie. Elle établit un diagnostic de la ressource disponible sur le territoire, parvient, avec l’aide de bureaux d’étude, à chiffrer précisément la quantité de bois-énergie nécessaire pour une chaufferie-bois. Elle est aujourd’hui en mesure d’établir des plans de gestion qui veillent à l’adéquation de la ressource mobilisable, assurent une exploitation durable des linéaires de haies tout en privilégiant les agriculteurs de la commune concernée.
Les activités de la scic se diversifient
"Un beau projet de territoire rentable à moyen terme"
En 2010, Jean-François Rimasson, négociant en bois-bûche à La Vicomté-sur-Rance part en retraite. Il est sociétaire et propose de céder son entreprise à la Scic. Julien Robert, alors en licence professionnelle bois à Nantes, est embauché pour assurer le rachat de ce négoce, continuer à fournir les quelque 700 clients et transmettre ce savoir-faire. Il prospecte, étoffe le fichier clients, imagine une plateforme à Tréméreuc près de Dinan et le fonctionnement de la filière labellisée « Bretagne bois-bûche ».
Ce sont aujourd’hui plus de 1500 clients qui se fournissent en bois-bûche à la scic. Emily a en charge les animations et la gestion globale de la coopérative. Elle ne perd pas une occasion de participer à un conseil municipal, une réunion publique ou technique, une animation pédagogique pour faire connaître les bienfaits de l’arbre.
Ce sont aujourd’hui plus de 1500 clients qui se fournissent en bois-bûche à la scic. Emily a en charge les animations et la gestion globale de la coopérative. Elle ne perd pas une occasion de participer à un conseil municipal, une réunion publique ou technique, une animation pédagogique pour faire connaître les bienfaits de l’arbre.
« Substituer de l’énergie fossile à de l’énergie bois, certes, c’est un investissement mais à moyen et long terme, c’est rentable. C’est aussi un beau projet de territoire. »
Paillage, bois-d’œuvre, gestion de la ressource
Emily Duthion, Gérald Solon (à d.) et Jérémy Dauphin sont les trois gérants salariés de la société coopérative
Lorsque le bois déchiqueté n’est pas utilisé en bois-énergie, il sert de paillage pour protéger les arbres et les cultures, limitant ainsi l’évaporation et assurant une nourriture au sol. La Scic développe cette nouvelle activité proposant la vente aux particuliers et aux collectivités. Elle vend désormais autant de tonnage de bois pour des chaufferies que pour du paillage, sur différentes plateformes réparties sur le territoire.
En 2017, une étude est menée pour envisager une filière locale de valorisation de bois-d’œuvre avec l’intervention régulière d’élagueurs grimpeurs spécialisés. Les arbres les plus intéressants sont repérés puis débités en planches ou en billots. C’est une occasion pour une commune de valoriser des arbres qu’elle est contrainte d’abattre comme celle de Trélivan qui a ainsi réalisé du mobilier urbain.
En 2017, une étude est menée pour envisager une filière locale de valorisation de bois-d’œuvre avec l’intervention régulière d’élagueurs grimpeurs spécialisés. Les arbres les plus intéressants sont repérés puis débités en planches ou en billots. C’est une occasion pour une commune de valoriser des arbres qu’elle est contrainte d’abattre comme celle de Trélivan qui a ainsi réalisé du mobilier urbain.
« On replante, on gère la ressource, on vend le bois sous toutes ses formes, on informe, on sensibilise, on anime tant localement auprès de tous les publics qu’au niveau européen pour mutualiser des pratiques innovantes. Nous sommes en train de construire une énergie renouvelable locale et une économie durable et c’est passionnant ! »
Une gouvernance solidaire et partagée
Le bois est valorisé sous toutes ses formes - © T. Ruellan
Au fil des ans, la scic n’a cessé de se développer en fonction d’opportunités mais aussi en fonction des compétences des salariés intégrant l’équipe. La société coopérative est aujourd’hui constituée de 100 sociétaires répartis à parts égales, en quatre catégories : les propriétaires de la ressource que sont les agriculteurs et les propriétaires forestiers, les salariés titulaires, les partenaires solidaires que sont les communes, les départements et les communautés de communes et enfin, les partenaires économiques ayant des intérêts avec les activités de la Scic comme des entreprises de travaux agricoles, des bureaux d’étude ou des pépinières.
L’assemblée générale élit des gérants salariés chargés de la mise en œuvre du projet par mandats de trois ans, reproductibles ou non. Jérémy Dauphin est ainsi gérant depuis 2008, en charge des plantations et du bois-énergie, Emily depuis 2011, en charge de la coordination, de l’administration et du développement. Gérald Solon les a rejoints en 2015, en charge de la filière bois-bûche. Un comité d’éthique et d’orientation accompagne l’équipe. Dans toute prise de décision concernant le projet de la coopérative, un homme, une femme égale une voix qu’il s’agisse d’un agriculteur, d’une salariée, d’une banque ou d’une communauté de communes…
L’assemblée générale élit des gérants salariés chargés de la mise en œuvre du projet par mandats de trois ans, reproductibles ou non. Jérémy Dauphin est ainsi gérant depuis 2008, en charge des plantations et du bois-énergie, Emily depuis 2011, en charge de la coordination, de l’administration et du développement. Gérald Solon les a rejoints en 2015, en charge de la filière bois-bûche. Un comité d’éthique et d’orientation accompagne l’équipe. Dans toute prise de décision concernant le projet de la coopérative, un homme, une femme égale une voix qu’il s’agisse d’un agriculteur, d’une salariée, d’une banque ou d’une communauté de communes…
« Le principe est que tout euro provenant du territoire est utilisé pour le territoire et le fonctionnement de la Scic. Toute la valorisation de la chaîne de l’arbre est ainsi réinjectée vers les acteurs locaux. Une partie du bénéfice de 60.000 € par an est placée comme « réserve partageable », l’autre est utilisée pour le bien-être au travail, la sécurité, l’amélioration de l’outil de production. Les sociétaires veulent que chaque part sociale investie soit utilisée pour monter un outil dynamique, pas pour s’enrichir ! Jusqu’à présent, un consensus s’est fondé autour de ce projet d’économie sociale et solidaire. »
La scic s’étend sur le Pays de Rance
En 2020, la scic s’est installée dans un nouveau bâtiment à Tréméreuc, non loin de Dinan
En 2020, la scic s’installe dans un nouveau bâtiment d’entreprise à Tréméreuc, non loin de Dinan, tout en bois bien sûr et en murs de paille. Fondée au départ sur le pays de Dinan, la scic s’est progressivement élargie aux territoires voisins. Elle intervient désormais sur Dinan agglomération mais aussi sur la communauté de communes Côte d’Émeraude, Saint-Malo agglomération-baie du Mont-Saint-Michel et sur la communauté d’agglomération Lamballe terre & mer. Toutes les activités sont aujourd’hui pérennes. La ressource est valorisée, entretenue et permet d’alimenter une quinzaine de chaufferies-bois. Le chiffre d’affaires, de 40.000 € les premières années, est aujourd’hui d’1,3 million d’euros.
La Scic est devenue administratrice de Cœur Émeraude et développe la notion d'entreprendre sur le territoire du futur parc naturel régional. Elle a lancé en 2019, le groupe entrePreNeuR, qui réunit une soixantaine d’entreprises de tous domaines pour améliorer les pratiques environnementales et mettre en avant les entreprises du territoire. Emily est devenue présidente du pôle de l'économie sociale et solidaire Horizons solidaires du pays de Saint-Malo, défendant inlassablement son projet pour le territoire et les économies d'énergie. L’avenir ? Elle le voit de manière plutôt sereine vu l’intérêt que représente aujourd’hui l’énergie bois par rapport à l’énergie fossile.
La Scic est devenue administratrice de Cœur Émeraude et développe la notion d'entreprendre sur le territoire du futur parc naturel régional. Elle a lancé en 2019, le groupe entrePreNeuR, qui réunit une soixantaine d’entreprises de tous domaines pour améliorer les pratiques environnementales et mettre en avant les entreprises du territoire. Emily est devenue présidente du pôle de l'économie sociale et solidaire Horizons solidaires du pays de Saint-Malo, défendant inlassablement son projet pour le territoire et les économies d'énergie. L’avenir ? Elle le voit de manière plutôt sereine vu l’intérêt que représente aujourd’hui l’énergie bois par rapport à l’énergie fossile.
« Sans doute y aura-t-il un moment où la ressource ne sera plus suffisante. Il nous faudra alors stopper l’installation de nouvelles chaufferies mais il y a encore de la marge ! Pour l’instant, nous sommes uniquement approvisionneurs de bois déchiqueté, l’établissement ou la collectivité étant propriétaire de la chaufferie et de son réseau. Nous réfléchissons à l’idée de proposer une réponse complète avec une étude préalable, l’installation d’une chaufferie et de son silo, un approvisionnement et une maintenance assurés. Nous devons sans cesse convaincre que l’on peut conquérir une partie de l’autonomie énergétique de notre territoire. »
POUR ALLER PLUS LOIN...
Contact
ed.pays.dinan@gmail.com
Société Coopérative d'Intérêt Collectif
Énergies renouvelables Pays de Rance
Les Landes, rue de Dinard, 22490 Trémereuc
www.scic-energiesrenouvelables.fr
02.96.82.36.35 / 06.68.96.81.25
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02.96.82.36.35 / 06.68.96.81.25
Emily Duthion : "Nous devons sans cesse convaincre que l’on peut conquérir une partie de l’autonomie énergétique de notre territoire." - © T.Ruellan