Charlotte Iung fait du Yarn Bombing à Rennes.
Yarn Bombing (yarn : fil, bombing : graffiti). On imagine Charlotte Iung partir en guérilla urbaine, armée de grenade en laine, et faire tournoyer un nunchaku d'aiguilles à tricoter. La réalité est plus douce. Le Yarn Bombing trouve son origine chez Magdalena Sayeg, une Américaine qui, un jour de grisaille, décide de tricoter un « protège-poignée » coloré pour sa porte de magasin. La porte ouverte, c'est dehors que la laine enveloppe des statues, des vélos, des panneaux.
C'est l'ère mystérieuse du graffiti-tricot qui naît sans bruit, avec préméditation. Le mode d'action ? Repérer l'endroit à « yarnbomber », prendre les mesures discrètement, tricoter où l'on souhaite et poser le tricot sur mesure. Si Magdalena Sayeg est devenue une pro du marketing, derrière les mailles colorées, Charlotte y voit un moyen de « faire sa petite révolution, à son échelle ».
C'est l'ère mystérieuse du graffiti-tricot qui naît sans bruit, avec préméditation. Le mode d'action ? Repérer l'endroit à « yarnbomber », prendre les mesures discrètement, tricoter où l'on souhaite et poser le tricot sur mesure. Si Magdalena Sayeg est devenue une pro du marketing, derrière les mailles colorées, Charlotte y voit un moyen de « faire sa petite révolution, à son échelle ».
Résister à la vitesse d'un monde connecté qui accélère
La jeune femme prône le retour aux activités manuelles pour résister à la perte de contrôle des choses, à l'obsolescence programmée et à la vitesse grandissante d'un monde connecté. Après être passée aux Beaux-Arts de Quimper, Charlotte décide d'opter pour une « vie calme » sur Rennes : « Je ne veux pas d'une vie d'artiste, alors, je veux être prof. Au départ, je ne faisais pas forcément de tricot urbain mais plutôt des pulls, des coutures, des vêtements... Mais j'ai vu que ça existait et que c'était une bonne idée. » Elle commence à tricoter-graffer en avril 2012 : « J'ai ouvert le blog YarnBombing Rennes pour mettre les photos. Puisque c'est éphémère, autant avoir une trace photographique. » Internet, royaume de l'instantané qui reste.
"Ça permet de voir les choses qu'on ne voit plus"
La première "intervention" en centre-ville.
Mettre un nœud sur la tête d'une statue est sa première action. Charlotte veut donner « des couleurs à la ville de Rennes » par « interventions ». Elle réchauffe des abris-bus ou des rampes d'escaliers : « Ça permet de voir les choses qu'on ne voit plus. On ne prend jamais le temps de se balader, de regarder autour de nous. Pourtant, regardez, il y a des choses qui se passent ; il y a des gens qui sont là ! »
Elle ajoute de l'humour pour interpeller. Dans sa rue, elle brode un carré « Urinoir ? » sur un poteau, exaspérée que ça sente l'urine les lendemains de fête. Il se dégrade doucement, et un jour, il disparait. Des commerçants, des passants, mais « c'est souvent la municipalité qui enlève ».
Elle ajoute de l'humour pour interpeller. Dans sa rue, elle brode un carré « Urinoir ? » sur un poteau, exaspérée que ça sente l'urine les lendemains de fête. Il se dégrade doucement, et un jour, il disparait. Des commerçants, des passants, mais « c'est souvent la municipalité qui enlève ».
"Jouer avec les codes de la ville, comme les graffeurs"
Café tricot organisé par la MJC Antipode, janvier 2013.
Dans la ville, tous les chas sont gris et c'est à la laine de leur donner vie : « Je mets souvent différentes couleurs, parce qu'on a souvent les mêmes. C'est normal, ce sont les panneaux de circulation, des choses qui ont faites pour ne pas gêner le regard du conducteur. Alors, on joue avec ça. »
Parfois, certains vont jusqu'à masquer les panneaux pour les personnaliser, les rendre plus chaleureux. Mais Charlotte précise : « Ce n'est pas mon propos. J'ai juste envie de jouer avec les codes de la ville, comme les graffeurs. » Avec un avantage certain, celui de ne rien dégrader : « Un tag va peut-être détruire davantage... Et encore, il y a une différence entre un graff fait à la va-vite et un graff où il y a une portée artistique et réfléchie. »
Les actions de Charlotte font écho à une jeunesse qui s'agrippe au concret pour résister au vent de l'immatériel, des spéculations et du monde virtuel. Plus que la peur du lendemain, c'est parfois même la peur de l'aujourd'hui : « On produit des choses parce qu'on ne nous en donne pas le loisir. C'est aussi ce côté très lent, de voir la chose se construire qui me plait. Et les mettre dans la rue, pour s'approprier le lieu qui est à moi comme aux autres. Enfin, c'est inviter les autres à faire. » Quand elle le peut, Charlotte utilise un système de récupération, en faisant appel aux dons ou en s'adressant à des dépôts-vente.
Parfois, certains vont jusqu'à masquer les panneaux pour les personnaliser, les rendre plus chaleureux. Mais Charlotte précise : « Ce n'est pas mon propos. J'ai juste envie de jouer avec les codes de la ville, comme les graffeurs. » Avec un avantage certain, celui de ne rien dégrader : « Un tag va peut-être détruire davantage... Et encore, il y a une différence entre un graff fait à la va-vite et un graff où il y a une portée artistique et réfléchie. »
Les actions de Charlotte font écho à une jeunesse qui s'agrippe au concret pour résister au vent de l'immatériel, des spéculations et du monde virtuel. Plus que la peur du lendemain, c'est parfois même la peur de l'aujourd'hui : « On produit des choses parce qu'on ne nous en donne pas le loisir. C'est aussi ce côté très lent, de voir la chose se construire qui me plait. Et les mettre dans la rue, pour s'approprier le lieu qui est à moi comme aux autres. Enfin, c'est inviter les autres à faire. » Quand elle le peut, Charlotte utilise un système de récupération, en faisant appel aux dons ou en s'adressant à des dépôts-vente.
Tisser le lien entre les générations
Après les photos publiées de ce qu'elle appelle ses « interventions », le centre régional d'information des jeunes de Rennes (CRIJ) lui propose d'organiser des cafés-tricot ponctuels. : « Ça fait le lien entre les générations. Des jeunes tricotent et des grands-mères leur disent "Attends, je vais te montrer". Ça permet aussi de sortir de l'isolement quelques personnes âgées ou de les ré-inclure dans un rapport avec les générations suivantes. »
Charlotte ne court pas après les projets
Charlotte a fait l'acquisition, non sans fierté, d'une machine à tricoter.
L'étudiante va travailler pour différentes structures, un salon ou encore l'association les ZékaR, avec laquelle elle a un projet pour décembre : « Dans ces cas précis, je donne de mon temps mais je n'avance pas les fournitures. Ou j'accepte une petite rétribution, si on me le propose. Je préfère travailler pour des associations ou des théâtres comme font France Tricot sur Paris. Des agences de pub aussi sont intéressées mais je ne cours pas après. J'en ai déjà refusé un qu'il fallait rendre dans un délai de deux semaines car ce n'est pas mon but. » Pour mener à bien ses projets, elle a quand même acheté un métier à tricoter (d'occasion bien sûr) qui fait gagner un temps fou en assemblage de mailles. Ralentir, oui, mais mener à bien et à temps ses projets, aussi.
Violette Goarant
Violette Goarant