L'histoire commence il y a quelque 20 ans. Nous sommes dans le Haut Mustang, au royaume des Lobas qui s'ouvre alors tout juste aux étrangers. À 3 900 m, dans leurs montagnes qui touchent la frontière tibétaine, les villageois de Dhye partagent leur vie précaire et millénaire, entre leurs chèvres, leurs yaks et leurs chevaux, au milieu de leurs champs d'orge et de légumes.
Un drame survient dans une famille, chez les Gurung : les parents meurent. Une petite fille se retrouve seule, Yangchen, 5 ans. Elle est alors envoyée dans un orphelinat indien. Elle a des parrains en Occident : Michel et Édith Houdan, de la petite commune du Tronquay, dans le Calvados.
Onze ans plus tard, Yangchen revient dans son village. Il a bien changé. Faute de pluies suffisantes à la mousson et de neiges sur les sommets de l'Annapurna, la rivière est devenue un ruisseau souvent à sec, les sources se sont épuisées, les villageois de Dhye ne peuvent plus irriguer. Elle en parle aussitôt à sa famille de Normandie. Nous sommes en 2008 : à deux ans de la retraite, Michel Houdan, directeur adjoint d'une association d'insertion sociale, prend l'affaire à cœur. Monter des dossiers, il sait faire.
Un drame survient dans une famille, chez les Gurung : les parents meurent. Une petite fille se retrouve seule, Yangchen, 5 ans. Elle est alors envoyée dans un orphelinat indien. Elle a des parrains en Occident : Michel et Édith Houdan, de la petite commune du Tronquay, dans le Calvados.
Onze ans plus tard, Yangchen revient dans son village. Il a bien changé. Faute de pluies suffisantes à la mousson et de neiges sur les sommets de l'Annapurna, la rivière est devenue un ruisseau souvent à sec, les sources se sont épuisées, les villageois de Dhye ne peuvent plus irriguer. Elle en parle aussitôt à sa famille de Normandie. Nous sommes en 2008 : à deux ans de la retraite, Michel Houdan, directeur adjoint d'une association d'insertion sociale, prend l'affaire à cœur. Monter des dossiers, il sait faire.
« Ils ne nous ont pas attendus »
« Avec des gens qui se prennent en main, on ne peut qu'aider », commente-t-il ce matin en sortant de sa sacoche des documents, des photos, cinq ans de combat et d'enthousiasme. « Ils ne nous ont pas attendus », insiste-t-il, en soulignant le travail accompli depuis que la décision de déplacer le village s'est imposée.
Tous les mois ou les six semaines, ils partent faire un chantier à Thangchung, le nouveau lieu, situé au bord d'une autre rivière 15 km plus bas, à une demi-journée de marche. Ils ont entrepris d'aménager le terrain avec leurs simples outils à main, des bâtiments se sont élevés, des « centaines de tonnes de pierres » ont été bougées : grâce à 35 000 euros versés par le gouvernement népalais, un bulldozer les aide heureusement aujourd'hui...
« Toutes les familles doivent participer aux travaux, sinon elles payent une contribution », explique Michel Houdan. À Dhye, on pratique la démocratie participative à la népalaise. Partout, au Népal, existent les "Comités de village", l'équivalent en gros de nos mairies. En plus a été créé un comité de déplacement, avec un bureau élu, qui est en train de se transformer en ONG. Ainsi les relations vont être d'ONG à ONG : pas question pour Michel Houdan que l'association "Du Bessin au Népal" qu'il a fondée (mais qu'il ne préside pas) "donne" aux villageois. La charité n'est pas le genre de la maison.
Tous les mois ou les six semaines, ils partent faire un chantier à Thangchung, le nouveau lieu, situé au bord d'une autre rivière 15 km plus bas, à une demi-journée de marche. Ils ont entrepris d'aménager le terrain avec leurs simples outils à main, des bâtiments se sont élevés, des « centaines de tonnes de pierres » ont été bougées : grâce à 35 000 euros versés par le gouvernement népalais, un bulldozer les aide heureusement aujourd'hui...
« Toutes les familles doivent participer aux travaux, sinon elles payent une contribution », explique Michel Houdan. À Dhye, on pratique la démocratie participative à la népalaise. Partout, au Népal, existent les "Comités de village", l'équivalent en gros de nos mairies. En plus a été créé un comité de déplacement, avec un bureau élu, qui est en train de se transformer en ONG. Ainsi les relations vont être d'ONG à ONG : pas question pour Michel Houdan que l'association "Du Bessin au Népal" qu'il a fondée (mais qu'il ne préside pas) "donne" aux villageois. La charité n'est pas le genre de la maison.
Penser le nouveau village dans 20 ans
Donc, l'association du Tronquay « accompagne, suggère, trouve des financements », et s'active au sein du "Comité international de coordination pour le déplacement de Dhye" qui réunit, outre les villageois et les Normands, un géographe du CNRS spécialiste du Mustang, un anthropologue népalais, un membre de l'ambassade du Népal en France, un architecte, un membre d'Électriciens Sans Frontières... Des compétences diverses pour sauver un village et sa culture. La communication entre tous est assurée par Yangchen, la filleule, qui prépare aujourd'hui en Grande-Bretagne un master de relations internationales.
La dynamique commune qui s'est créée passionne Michel Houdan. Le village n'organise pas seulement son déplacement, c'est une occasion pour lui se se développer. En voyant loin. « On leur dit : "Il faut penser à la qualité de vie dans 20 ans. Il faut amener l'eau, l'électricité, le chauffage dans les maisons dès le départ, traiter les eaux usées ; ils trouvent seulement le temps un peu long, il faut avoir l'argent… »
La dynamique commune qui s'est créée passionne Michel Houdan. Le village n'organise pas seulement son déplacement, c'est une occasion pour lui se se développer. En voyant loin. « On leur dit : "Il faut penser à la qualité de vie dans 20 ans. Il faut amener l'eau, l'électricité, le chauffage dans les maisons dès le départ, traiter les eaux usées ; ils trouvent seulement le temps un peu long, il faut avoir l'argent… »
« L'Hôtel du bord du ruisseau »
Prévu pour les 24 familles (154 habitants) d'aujourd'hui donc avec 24 maisons, le futur village valorisera mieux ses productions, la laine de cachemire par exemple : « Aujourd'hui, elle est préparée un peu à Dhye puis vendue aux Chinois qui la préparent réellement... et la revendent aux Népalais pour la tisser. On va trouver des fonds pour acheter le matériel, le village va préparer la laine comme le font les Chinois ».
D'autant que la région se désenclave peu à peu : au Népal, pays culturellement coupé en deux, Chinois et Indiens investissent dans des routes pour maîtriser réciproquement leur influence... Les gens de Dhye, qui ont perdu plus de la moitié de leur terre, peuvent regarder vers le tourisme. Un tourisme raisonné - l'éco-système est aujourd'hui fragilisé - et d'ailleurs limité : le gouvernement népalais impose au touriste une taxe de 50 € par jour et une présence d'au moins dix jours. « Ils ont déjà implanté une grande tente pour le tourisme, poursuit Michel Houdan. Ils l'ont appelée "L'Hôtel du bord du ruisseau" : les trekkeurs peuvent y dormir, se nourrir, s'approvisionner. »
Et les pommiers ? De quoi faire bien sûr une belle histoire "népalo-normande". Les villageois ont décidé d'en planter sur le nouveau lieu. À ce jour, ils en sont à 800. « Nous leur avons dit :"Essayez de faire du bio, ça se vendra mieux", ils ont monté une coopérative bio. » Et puis, il y a eu le dernier voyage là-bas en avril.
D'autant que la région se désenclave peu à peu : au Népal, pays culturellement coupé en deux, Chinois et Indiens investissent dans des routes pour maîtriser réciproquement leur influence... Les gens de Dhye, qui ont perdu plus de la moitié de leur terre, peuvent regarder vers le tourisme. Un tourisme raisonné - l'éco-système est aujourd'hui fragilisé - et d'ailleurs limité : le gouvernement népalais impose au touriste une taxe de 50 € par jour et une présence d'au moins dix jours. « Ils ont déjà implanté une grande tente pour le tourisme, poursuit Michel Houdan. Ils l'ont appelée "L'Hôtel du bord du ruisseau" : les trekkeurs peuvent y dormir, se nourrir, s'approvisionner. »
Et les pommiers ? De quoi faire bien sûr une belle histoire "népalo-normande". Les villageois ont décidé d'en planter sur le nouveau lieu. À ce jour, ils en sont à 800. « Nous leur avons dit :"Essayez de faire du bio, ça se vendra mieux", ils ont monté une coopérative bio. » Et puis, il y a eu le dernier voyage là-bas en avril.
Entre agriculteurs, entre tous : « un échange »
« Je suis allé avec deux agriculteurs d'ici. Avec les villageois, ils ont discuté de leurs méthodes de cultures, ils ont parlé de la protection des végétaux et bien sûr des pommiers ; les Normands ont dit : "Avec ces pommes on peut faire du cidre et avec le cidre, on peut faire du pommeau, on va vous apprendre." »
« Le Tronquay est un village de production laitière, ajoute Michel Houdan, aujourd'hui les producteurs n'ont pas la vie facile. Certains se sont pourtant mobilisés pour adhérer à l'association. Des gens, eux-mêmes en difficultés économiques, trouvent intéressant d'aller aider des gens à l'autre bout du monde en disant "Ça nous ouvre, ça nous empêche de ne regarder que nos difficultés". » Fidel Devkota, l'anthropoloque népalais, après avoir filmé les villageois de Dhye, revient au Tronquay cet été pour montrer l'autre côté, ces agriculteurs normands en difficultés.
Depuis le premier jour du parrainage de la petite Yangchen, c'est au fond la même logique qui continue : « C'est l'échange. "Vous nous donnez de la valorisation, de l'estime de soi, du sens à la vie… tout ça c'est un partage, il n'y en a pas un qui donne plus, on doit se remercier tous ensemble" ». Et « ça redonne de l'oxygène à tout le monde. »
Michel Rouger
D'autres photos sur le document PDF ci-dessous
« Le Tronquay est un village de production laitière, ajoute Michel Houdan, aujourd'hui les producteurs n'ont pas la vie facile. Certains se sont pourtant mobilisés pour adhérer à l'association. Des gens, eux-mêmes en difficultés économiques, trouvent intéressant d'aller aider des gens à l'autre bout du monde en disant "Ça nous ouvre, ça nous empêche de ne regarder que nos difficultés". » Fidel Devkota, l'anthropoloque népalais, après avoir filmé les villageois de Dhye, revient au Tronquay cet été pour montrer l'autre côté, ces agriculteurs normands en difficultés.
Depuis le premier jour du parrainage de la petite Yangchen, c'est au fond la même logique qui continue : « C'est l'échange. "Vous nous donnez de la valorisation, de l'estime de soi, du sens à la vie… tout ça c'est un partage, il n'y en a pas un qui donne plus, on doit se remercier tous ensemble" ». Et « ça redonne de l'oxygène à tout le monde. »
Michel Rouger
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