05/05/2016

Dagny a commencé l'informatique à 99 ans


A l'aube de ses cent ans, Dagny Carlsson s'est mise à l'informatique lors d'un cours pour retraités dans la bibliothèque de sa commune à Stockholm, en Suède. Aujourd'hui, à 104 ans, cette Suédoise tient un blog qui documente ses moments de vie sur Internet. A l'occasion, elle enseigne même les rudiments du clic à des retraités.


Dagny Carlsson a commencé ses cours d'informatique à l'âge de 99 ans.

Dans une petite chambre transformée en bureau, son Ipad charge à côté de son PC fixe. Deux lampes se chargent d'éclairer l'une le clavier et l'autre le bureau. Dagny Carlsson, 104 ans cette année, chausse ses lunettes et clique, assurée. « Mieux vaut tard que jamais », lance-t-elle, le regard bleu vif par dessus ses gros verres. Cette femme suédoise s'est mise à l'informatique à l'âge de 99 ans, inscrite un jour à un cours pour retraités organisé par la bibliothèque de sa commune.
De blog, Dagny en a même tenu deux. Le premier était hébergé par le service d'information de santé suédois, Vårdguiden. Elle y postait des articles en tant que centenaire. Puis, elle a migré pour un autre et parler de sa vie tout court. Dagny dédie ses soirées à ce deuxième blog. Elle y raconte ses activités, ses repas au restaurant et se prête même au jeu du photomontage. Elle photographie même ses pensées.


« Mon réseau social, c'est moi »

Facebook, Twitter ? « Je n'ai pas besoin. Mon réseau social, c'est moi », clame-t-elle. Même s'il était parfois difficile de convaincre sa petite soeur alors âgée de 90 ans de se mettre aux mails. Son côté aventureux n'a rien de virtuel. Quand nous sonnons à sa porte le jour du reportage, elle ouvre grand et nous laisse entrer, sans savoir qui nous sommes. C'est ensuite qu'elle se remémore notre échange par téléphone et nous pousse au salon. La voilà donc, Dagny Carlsson, marchant vite et parlant fort dans son appartement stockholmois. Elle va chercher ses fleurs qui prennent l'air sur le balcon. Des peintures de paysages marins ornent son salon et des photos d'elle, plus jeune, sont encadrés dans les étagères. Elle vit seule depuis la disparition de son mari, elle qui a assisté à plus de funérailles qu'elle ne peut se souvenir, comme elle dit.

La curiosité comme secret

Capture d'écran du blog de Dagny.

Dagny a toujours rêvé être écrivain. Alors le blog devient son papier, son clavier sa plume et le tout constitue « [s]a revanche ». Mieux vaut tard que jamais, pour cette jeune fille qui se dit volontiers timide : « Aujourd'hui, j'ose ». Bien sûr, l'informatique, c'est toujours un peu compliqué. Une fenêtre antivirus qui fait irruption ? Dagny gère. Les icônes et le texte de son ordinateur sont à la taille normale. Parfois, elle donne un coup de main aux cours d'informatique. Elle enseigne aux petits jeunes de 78 ans comment se créer une boîte de courrier électronique ou faire du traitement de texte.


On lui demande souvent « quel est le secret de sa longévité ». Elle plante son regard intense mangé par ses rides dans les yeux de son interlocuteur. « Le secret, c'est la curiosité et les rencontres », répond-t-elle sans ambages. Avec même un petit apéro de temps en temps. Elle aime faire rire, écoute avec attention tant que son appareil auditif le permet. Si parfois il faut se rapprocher et répéter, elle répond au tac au tac, souvent avec humour. S'ensuit alors un rire franc et chaleureux qui saisit tout le monde. C'est ainsi, Dagny retourne vers le futur.


Un passé ordinaire et douloureux

En Suède, les médias la décrivent comme la blogueuse la plus âgée au monde.

Dans ses silences, on mesure le passé en elle. Dans le sud de la Suède, Dagny est née en 1912 « l'année où le Titanic a coulé », précise-t-elle systématiquement. Père absent, elle est élevée par une mère rustre qui l'enferme souvent dans un placard pour la punir. Traumatisée, l'enfant développe des problèmes d'élocution. Sa grand-mère s'indigne du traitement infligé à l'enfant et la protège. Dagny grandit et suit une formation pour être secrétaire. Mais sous l'impulsion de sa mère, elle devient couturière dans un atelier de confection bien qu'elle déteste coudre. Elle gravit les échelons et se marie avec un homme alcoolique et tyrannique.

Alors, âgée de 37 ans, Dagny s'enfuit et commence une nouvelle vie à Stockholm. Elle trouve une place de chef d'usine de confection. Puis, l'industrie se portant mal, elle travaille pour la sécurité sociale suédoise. C'est le moment qu'elle préfère dans sa vie professionnelle. La vie y était « amusante ». Elle rencontre son second mari, Harry. A la mort de celui-ci, Dagny s'approche de la vie de centenaire. Malgré le chagrin et l'absence, Dagny fait le constat que si la vie est toujours là, il faut continuer à vivre. L'illustration même du pragmatisme suédois.


L'urgence de vivre

La distinction suédoise de "Senior de l'année" lui a été décernée en 2015.

« Je suis centenaire et blogueuse », résume-t-elle à la télévision suédoise. Elle est une petite célébrité nationale. Des projets ? Dagny veut voyager mais elle ajoute en riant que personne ne veut partir avec elle de peur qu'elle ne décède. Elle rit mais elle le sait : « A mon âge, je peux mourir demain. »


Dans le silence, la présence d'esprit de Dagny est presque tactile. Quiconque se trouve près d'elle relativise les tracas, les problèmes d'égo, les angoisses du lendemain. Elle ne se plaint pas de la vieillesse qui s'empare du corps. C'est une femme ordinaire qui se surprend d'être encore là mais qui l'accepte par bon sens.

Elle n'a rien à prouver sauf nous montrer à nous, cette grande majorité de jeunots que nous formons à ses yeux, qu'il est urgent de vivre en faisant sien le temps qui passe.


Violette Goarant
Interprète : Fabian Hamnqvist



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