Francis Colin (Photo Mélanie Grenon)
Quand on le questionne sur son changement de trajectoire, Francis Colin s’étonne : « C’est toujours de la formation, c’est ça qui m’intéresse. Comme je voulais changer de métier, je me suis dit qu’au lieu d’apprendre aux salariés à utiliser Microsoft et autres, j’allais leur apprendre à faire moins de déchets, à appliquer les gestes qu’on peut faire chez soi dans l’entreprise. » Et c’est vrai que depuis le début, l’on retrouve chez lui ce goût pour la transmission du savoir, quel que soit le domaine.
Après une formation d’ingénieur en physique-chimie à Paris XIII, il est embauché comme chimiste chez Poulenc. Mais au bout d’un an, il quitte l’entreprise pour rentrer dans l’éducation nationale. « Ça ne m’intéressait pas », confie-t-il. Il devient alors professeur de mathématiques, de technologie et de physique en lycée. Mais là encore, l’expérience sera de courte durée.
Au bout de deux ans, il tombe sur une annonce. « Ils cherchaient des ingénieurs comme moi pour faire des formations en informatique ». On est à la fin des années 80, et la micro-informatique est en plein essor. « Il n’y avait pas encore Windows, se souvient-il. Il fallait apprendre le système d’exploitation. » Alors il forme des adultes, sous forme de stages courts de deux, trois, quatre jours, à utiliser les logiciels de traitement de texte, les tableurs, les bases de données… Il travaille plusieurs années au sein d’une entreprise, avant de se mettre à son compte. En 1994, il quitte Paris pour Rennes, « juste histoire de déménager ». Si ce métier lui plaît, en vérité, il ne s’est jamais vraiment posé la question. « Une fois que t’es parti dans un truc et que tu gagnes ta vie comme ça… oui, pour moi, c’était bien ».
Et puis, au début des années 2000, c’est le déclic. « J’ai commencé à me poser des questions. A quoi ça servait de faire tout ça ? Qu’est-ce qu’on pouvait faire pour changer, pour régler les problèmes de la Planète ? Qu’est-ce qu’on pouvait faire, chacun, pour que les choses s’améliorent ? Tous les matins, quand t’allumes ta radio, on te dit que rien ne va plus, que ça va péter de partout. Donc j’ai décidé d’arrêter et d’essayer de faire quelque chose. » Il commence par s’inscrire à Greenpeace, puis dans les associations locales qui gravitent autour de la Maison de la Consommation et de l’Environnement.
Après une formation d’ingénieur en physique-chimie à Paris XIII, il est embauché comme chimiste chez Poulenc. Mais au bout d’un an, il quitte l’entreprise pour rentrer dans l’éducation nationale. « Ça ne m’intéressait pas », confie-t-il. Il devient alors professeur de mathématiques, de technologie et de physique en lycée. Mais là encore, l’expérience sera de courte durée.
Au bout de deux ans, il tombe sur une annonce. « Ils cherchaient des ingénieurs comme moi pour faire des formations en informatique ». On est à la fin des années 80, et la micro-informatique est en plein essor. « Il n’y avait pas encore Windows, se souvient-il. Il fallait apprendre le système d’exploitation. » Alors il forme des adultes, sous forme de stages courts de deux, trois, quatre jours, à utiliser les logiciels de traitement de texte, les tableurs, les bases de données… Il travaille plusieurs années au sein d’une entreprise, avant de se mettre à son compte. En 1994, il quitte Paris pour Rennes, « juste histoire de déménager ». Si ce métier lui plaît, en vérité, il ne s’est jamais vraiment posé la question. « Une fois que t’es parti dans un truc et que tu gagnes ta vie comme ça… oui, pour moi, c’était bien ».
Et puis, au début des années 2000, c’est le déclic. « J’ai commencé à me poser des questions. A quoi ça servait de faire tout ça ? Qu’est-ce qu’on pouvait faire pour changer, pour régler les problèmes de la Planète ? Qu’est-ce qu’on pouvait faire, chacun, pour que les choses s’améliorent ? Tous les matins, quand t’allumes ta radio, on te dit que rien ne va plus, que ça va péter de partout. Donc j’ai décidé d’arrêter et d’essayer de faire quelque chose. » Il commence par s’inscrire à Greenpeace, puis dans les associations locales qui gravitent autour de la Maison de la Consommation et de l’Environnement.
Les déchets : une découverte qui vous change la vie
En 2003, Francis Colin répond à une annonce du CIELE (Centre d’Information sur l’Energie et L’Environnement), une association rennaise qui recherche des familles volontaires pour peser leurs déchets. Cette initiative, pionnière en France, sera reprise par l’ADEME (Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie) deux ans plus tard. Le programme, intitulé « Dix gestes au quotidien pour des déchets en moins », va changer sa vie. C’est là qu’il découvre l’existence des déchets, et celle du compost. « Avant, j’étais au courant de rien. Je faisais comme tout le monde, je jetais sans savoir ce que je jetais. Moi la poubelle, je la passais dans le vide-ordures et je ne savais pas où est-ce qu’elle allait. Je ne savais pas qu’il y avait des incinérateurs, que ça posait problème, qu’il y avait des centres d’enfouissement… Tout ça, je ne connaissais pas. »
Tout commence lorsque Francis, consciencieux, souhaite appliquer le dixième geste du programme : faire du compost. Il habite en immeuble, et n’a donc pas de jardin. Que faire alors de ses déchets organiques ? Dans un premier temps, il donne ses déchets à une amie qui a une maison. Puis, « comme ça devenait fatigant », il installe le premier composteur en entreprise, dans le bureau où travaille sa femme. « Et pour pas que ce soit que pour moi, j’ai formé tout le monde, j’ai invité les salariés à participer ». L’idée du composteur collectif est née. « Le compost, c’est le truc qui rapporte le plus en poids de déchets », insiste-t-il. Il décide donc d’installer des composteurs dans les immeubles, « puisque personne ne le fait ». En effet, les associations écologistes cherchent davantage à sensibiliser les enfants que les salariés, et organisent des animations de compostage individuel et non collectif. « Je me suis démarqué », souligne-t-il.
Tout commence lorsque Francis, consciencieux, souhaite appliquer le dixième geste du programme : faire du compost. Il habite en immeuble, et n’a donc pas de jardin. Que faire alors de ses déchets organiques ? Dans un premier temps, il donne ses déchets à une amie qui a une maison. Puis, « comme ça devenait fatigant », il installe le premier composteur en entreprise, dans le bureau où travaille sa femme. « Et pour pas que ce soit que pour moi, j’ai formé tout le monde, j’ai invité les salariés à participer ». L’idée du composteur collectif est née. « Le compost, c’est le truc qui rapporte le plus en poids de déchets », insiste-t-il. Il décide donc d’installer des composteurs dans les immeubles, « puisque personne ne le fait ». En effet, les associations écologistes cherchent davantage à sensibiliser les enfants que les salariés, et organisent des animations de compostage individuel et non collectif. « Je me suis démarqué », souligne-t-il.
« Un investissement pour faire des économies »
L'équipe d'Eisenia
Il se met alors en quête d’immeubles où développer son projet. En janvier 2006, il installe son premier composteur dans un immeuble rue de Nantes, à la demande de l’un des habitants. « Le syndic a trouvé ça génial et il m’a proposé d’autres immeubles, et c’est parti comme ça. » Au sein des groupes de travail de la Maison de la Consommation et de l’Environnement, il est en relation avec le service des déchets de Rennes-Métropole, qui décide de soutenir son initiative. Très vite, le projet fait l’objet d’articles dans la presse, et les demandes affluent. L’installation des composteurs est financée par Rennes-Métropole, dans le cadre du Programme Local de Prévention des Déchets. « C’est un investissement pour faire des économies », explique-t-il, puisque ce sont autant de déchets en moins à prendre en charge pour Rennes-Métropole.
Pendant deux ans, Francis travaille « un peu bénévolement, le temps que ça se mette en route et que ça se concrétise par des commandes ». En 2008, il s’associe avec Isabelle, rencontrée « sur le quinzième immeuble », pour créer Eisenia. En congé parental, cette comptable « ne voulait pas retourner dans sa boîte, ça ne lui plaisait pas du tout ». En 2009, ils sont rejoints par Sandrine, elle aussi en congé parental et en pleine crise vocationnelle. Là aussi, c’est le bouche-à-oreille qui fonctionne : c’est l’animatrice d’un foyer de jeunes travailleurs où ils installent un composteur qui, sachant qu’ils cherchent quelqu’un, les met en contact avec Sandrine. La dernière recrue, Elise, a une trajectoire moins surprenante puisqu’elle sort tout droit d’une école de communication et environnement à Cergy-Pontoise. Elle a fait son stage de fin d’études à Eisenia, et a été embauchée dans la foulée.
Aujourd’hui, Eisenia recense pas moins de 272 composteurs installés dans l’agglomération, et devrait passer le cap des 300 pendant l’été. Chacun permet d’éviter à peu près une tonne de déchets par an, soit 272 tonnes en tout. Une goutte d’eau sur les 90 000 tonnes de déchets pris en charge chaque année par l’agglomération, qui pourrait peser bien plus lourd si tous les habitants y mettaient du leur. « Sur chaque immeuble, ce sont 20% des habitants qui jouent le jeu. Si tout le monde participait, on pourrait éviter plus de 1 000 tonnes de déchets par an, soit 1% », estime-t-il.
Pendant deux ans, Francis travaille « un peu bénévolement, le temps que ça se mette en route et que ça se concrétise par des commandes ». En 2008, il s’associe avec Isabelle, rencontrée « sur le quinzième immeuble », pour créer Eisenia. En congé parental, cette comptable « ne voulait pas retourner dans sa boîte, ça ne lui plaisait pas du tout ». En 2009, ils sont rejoints par Sandrine, elle aussi en congé parental et en pleine crise vocationnelle. Là aussi, c’est le bouche-à-oreille qui fonctionne : c’est l’animatrice d’un foyer de jeunes travailleurs où ils installent un composteur qui, sachant qu’ils cherchent quelqu’un, les met en contact avec Sandrine. La dernière recrue, Elise, a une trajectoire moins surprenante puisqu’elle sort tout droit d’une école de communication et environnement à Cergy-Pontoise. Elle a fait son stage de fin d’études à Eisenia, et a été embauchée dans la foulée.
Aujourd’hui, Eisenia recense pas moins de 272 composteurs installés dans l’agglomération, et devrait passer le cap des 300 pendant l’été. Chacun permet d’éviter à peu près une tonne de déchets par an, soit 272 tonnes en tout. Une goutte d’eau sur les 90 000 tonnes de déchets pris en charge chaque année par l’agglomération, qui pourrait peser bien plus lourd si tous les habitants y mettaient du leur. « Sur chaque immeuble, ce sont 20% des habitants qui jouent le jeu. Si tout le monde participait, on pourrait éviter plus de 1 000 tonnes de déchets par an, soit 1% », estime-t-il.
« Il faut travailler en équipe, tu ne fais pas ça tout seul »
« Ça demande que les gens s’en occupent de A à Z », rappelle-t-il. « Il y a du soin à apporter à chaque apport, à bien équilibrer, à bien aérer, à rajouter ce qu’il faut quand il faut… ». Et quand le composteur est plein, au bout de trois ou quatre mois, il faut le déplacer pour faire la place à un composteur vide. « Il faut s’organiser, travailler en équipe. C’est un des avantages du système, c’est que tu ne fais pas ça tout seul », souligne Francis. « Ça c’est tout notre boulot d’animation, de mettre en place le dispositif sur la première année ». Après, les habitants s’organisent de façon autonome. En général, cela fonctionne bien, même s’il y a eu « quelques cas d’abandons, cinq ou six ».
Il faut environ un an pour que le compost soit prêt à l’usage. Mais rares sont les habitants qui s’en servent comme engrais. « Le compost, il sert à rien. Il sert à réduire les déchets. C’est un peu notre souci, on n’est pas dans une approche ‘‘jardin’’ », regrette Francis. « Ils ne font pas ça pour avoir du compost, affirme-t-il. Ce qu’ils attendent, c’est un gain financier. Le jour où on paiera le poids de la poubelle, ils espèrent bien payer moins cher. » Le compost profite donc aux espaces verts de l’immeuble ou, à défaut, aux parcs et jardins des environs. « L’idée, c’est que le compost reste sur place », insiste-t-il. Il montre donc aux habitants intéressés comment l’utiliser pour leurs plantes vertes, leurs balconnières…
« On forme tous les jours les habitants sur les projets », raconte-t-il. Mais pour mettre le compostage à la portée de tous, Eisenia dispense également des formations dans le cadre de l’ADEME. D’une part, elle forme les chargés de mission des collectivités et des associations à développer des projets de compostage collectif. D’autre part, elle anime des stages de formation organisés par Rennes-Métropole à destination des habitants intéressés par le compostage.
Il faut environ un an pour que le compost soit prêt à l’usage. Mais rares sont les habitants qui s’en servent comme engrais. « Le compost, il sert à rien. Il sert à réduire les déchets. C’est un peu notre souci, on n’est pas dans une approche ‘‘jardin’’ », regrette Francis. « Ils ne font pas ça pour avoir du compost, affirme-t-il. Ce qu’ils attendent, c’est un gain financier. Le jour où on paiera le poids de la poubelle, ils espèrent bien payer moins cher. » Le compost profite donc aux espaces verts de l’immeuble ou, à défaut, aux parcs et jardins des environs. « L’idée, c’est que le compost reste sur place », insiste-t-il. Il montre donc aux habitants intéressés comment l’utiliser pour leurs plantes vertes, leurs balconnières…
« On forme tous les jours les habitants sur les projets », raconte-t-il. Mais pour mettre le compostage à la portée de tous, Eisenia dispense également des formations dans le cadre de l’ADEME. D’une part, elle forme les chargés de mission des collectivités et des associations à développer des projets de compostage collectif. D’autre part, elle anime des stages de formation organisés par Rennes-Métropole à destination des habitants intéressés par le compostage.
« Créer des relations au sein de l’entreprise »
Eisenia organise aussi des stages payants d’une demi-journée pour les entreprises et les collectivités qui veulent former leurs salariés au développement durable : éco-achat, déplacements doux, économies d’énergie… Les salariés sont invités à écrire une charte d’engagements : éviter d’imprimer, éteindre la lumière en partant… « C’est des petits trucs cons, mais si tout le monde le fait… », souligne Francis.
Il préconise aussi l’achat d’une machine à café permettant d’utiliser des tasses au lieu des gobelets jetables à usage unique. « Le gars qui ne fait pas attention, il achète le premier distributeur, et il va payer toute sa vie des gobelets en plastique. Il va en jeter mille par jour, et il dira ‘‘ben ouais mais je ne peux pas faire autrement’’ », s’amuse-t-il. De même pour les déplacements : « Payer des voitures à tout le monde, rembourser des kilomètres, et en plus pendant qu’ils conduisent ils ne travaillent pas… ce n’est pas très rentable ! Ils me disent : ‘‘J’aurais bien pris le train mais j’ai mon rendez-vous à 9 h 30 et le train arrive à 9 h 40’’. Fallait regarder avant ! »
Ce qui motive les dirigeants à former leurs salariés ? Pour Francis, « c’est l’argent, il n’y a que ça », même s’il admet que « les entreprise qu’on touche sont celles dont le dirigeant est au courant et a envie de faire quelque chose ». En plus des économies réalisées, « ça permet de créer des relations au sein de l’entreprise, d’avoir des gens plus motivés, et donc d’augmenter la productivité. » Le but de ces stages, c’est « d’amener les gens à réfléchir. Après on ne touche que les gens qui ont envie de réfléchir et qui prennent le temps de se poser des questions. »
Il préconise aussi l’achat d’une machine à café permettant d’utiliser des tasses au lieu des gobelets jetables à usage unique. « Le gars qui ne fait pas attention, il achète le premier distributeur, et il va payer toute sa vie des gobelets en plastique. Il va en jeter mille par jour, et il dira ‘‘ben ouais mais je ne peux pas faire autrement’’ », s’amuse-t-il. De même pour les déplacements : « Payer des voitures à tout le monde, rembourser des kilomètres, et en plus pendant qu’ils conduisent ils ne travaillent pas… ce n’est pas très rentable ! Ils me disent : ‘‘J’aurais bien pris le train mais j’ai mon rendez-vous à 9 h 30 et le train arrive à 9 h 40’’. Fallait regarder avant ! »
Ce qui motive les dirigeants à former leurs salariés ? Pour Francis, « c’est l’argent, il n’y a que ça », même s’il admet que « les entreprise qu’on touche sont celles dont le dirigeant est au courant et a envie de faire quelque chose ». En plus des économies réalisées, « ça permet de créer des relations au sein de l’entreprise, d’avoir des gens plus motivés, et donc d’augmenter la productivité. » Le but de ces stages, c’est « d’amener les gens à réfléchir. Après on ne touche que les gens qui ont envie de réfléchir et qui prennent le temps de se poser des questions. »
L’initiative d’Eisenia, pionnière en France, a fait des émules, et le réseau Compost Citoyen regroupe désormais une vingtaine de structures, principalement associatives, qui développent le compostage collectif sur l’ensemble du territoire. Désormais, la SCOP cherche à étendre son activité aux quartiers, aux lotissements, aux restaurants. Son nouveau défi est d’intégrer les aires de compostage dès la conception des ZAC, en lien avec les promoteurs. Le premier contrat de ce type est en cours à Melesse, où les plans du futur lotissement, qui devrait sortir de terre d’ici à quatre ans, prévoient déjà une zone réservée aux composteurs.
Marion Bastit
Si vous souhaitez installer un composteur dans votre immeuble, vous former aux techniques de compostage ou former vos salariés au développement durable, quelques contacts utiles :
Eisenia : 02 99 50 07 18 www.eisenia.coop
Rennes-Métropole : 0 800 01 14 31
blogducomposteur.blogspot.com
Marion Bastit
Si vous souhaitez installer un composteur dans votre immeuble, vous former aux techniques de compostage ou former vos salariés au développement durable, quelques contacts utiles :
Eisenia : 02 99 50 07 18 www.eisenia.coop
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