"En 2002, j’achète une petite parcelle de 80 ares dont 30 ares de sapins coupés par le propriétaire avant la vente ; une parcelle très humide et peu praticable. Les souches ont pourri pendant quelques années et le printemps 2010, très sec, m’a permis de pratiquer le dessouchage. Un entrepreneur local est venu avec tracto et bull pour faire le travail. Objectif : remettre en herbe ce coin de champ après plus de 30 ans de sapins. Le temps est bien sec ; les travaux avancent vite, les souches étant bien pourries. Allez ! Un coup de chisel et roto-herse et enfin, ce coin de champ sera de nouveau accessible aux vaches.
Un garde-chasse et un gendarme dans la cour
Patatras ! La Police de l’Environnement rôde : une action d’une semaine a été diligentée par l’Office National de la Chasse qui est aussi habilité à faire respecter la Loi sur l’Environnement. Un garde-chasse, flanqué d’un gendarme, débarque dans la cour de la ferme et m’apprend que je suis en infraction vis-à-vis de la loi : j’ai dessouché une parcelle sans déclaration préalable de travaux. De plus, habitant dans les Monts d’Arrée en « site inscrit », les travaux entrepris sont considérés comme une dégradation, voire une mutilation pour l’environnement, notre patrimoine commun.
Le garde-chasse dresse un procès-verbal et me demande d’arrêter les travaux et de faire une déclaration de travaux à la préfecture. Le chantier est arrêté ; les quatre mois (délai administratif) passent ; aucun objection aux travaux n’est faite : le PNRA apporte son accord. Tout roule, l’affaire est close. Enfin pour moi... mais pas pour la justice.
Le garde-chasse dresse un procès-verbal et me demande d’arrêter les travaux et de faire une déclaration de travaux à la préfecture. Le chantier est arrêté ; les quatre mois (délai administratif) passent ; aucun objection aux travaux n’est faite : le PNRA apporte son accord. Tout roule, l’affaire est close. Enfin pour moi... mais pas pour la justice.
Prise d'ADN, empreintes, photo...
Samedi 28 novembre, la gendarmerie de Sizun me convoque pour m’entendre sur le sujet. J’arrive à 9 h 30 et ressors à 11 h 30 et encore, j’ai frôlé la garde à vue. !! Le procès-verbal du garde-chasse s’est transformé en deux délits : - Exécution de travaux sur un monument naturel ou site inscrit sans information préalable à l’administration. - Dégradation ou mutilation volontaire d’un site inscrit.
Qui dit “délit” dit inscription au Fichier National Automatisé des Empreintes Génétiques (FNAEG), c’est-à-dire fichage ADN. J’en reste sans voix.
Abasourdi, je refuse d’abord. Les gendarmes (un peu gênés mais pressés d’en finir) m’annoncent qu’un refus, c’est de nouveau un délit et que, cerise sur le gâteau , ils peuvent me mettre en garde à vue !!
On est samedi matin. Il a neigé cette nuit . Il faut amener du foin aux génisses, pailler sous les vaches qui ne sortent plus avec la neige, aller livrer les fromages… Je me laisse faire… : prise d’ADN dans la bouche, empreinte de tous les doigts, des mains, deux fois les index, et la photo de face et de profil !!!
1, 25 million de Français au fichier des empreintes génétiques
Les gendarmes me lâchent, je sors de la gendarmerie, j’ai changé de monde, de société. Je suis fiché au FNAEG comme 1 257 182 français dont seulement 285 140 personnes condamnées (chiffres du 30/01/10 source CNIL). Tout citoyen soupçonné d’un crime ou d’un délit est susceptible d’un relevé ADN., sauf ….les délits d’abus de confiance, abus d’autorité publique, banqueroute ou favoritisme, c’est-à-dire les abus de biens sociaux, la corruption ou le trafic d’influence !!! C’est la LSI (Loi de Sécurité Intérieure) dont l’auteur est un certain Nicolas SARKOZY, loi votée en 2003 alors qu’il était ministre de l’Intérieur.
Loin de moi l’idée de stigmatiser la défense de l’environnement ! Ce papier se veut surtout le témoignage de la dérive policière d’un état et de son président, plus enclin à bichonner les banques (le grand capital) et les nantis (le profit) qu’à construire une société basée sur la création de richesses réparties équitablement et en totale cohérence avec notre environnement (oui je sais, on le saurait déjà).
A l’heure actuelle, l’affaire suit son cours , elle est entre les mains du procureur. Je ne suis pas inquiet mais il existe des matins bruns…..
Au printemps, lorsque vous retournerez dans vos champs, dans vos jardins, vous promener à la campagne, méfiez-vous : vous êtes (peut-être) déjà COUPABLE ! »
Alain JACOB, Sizun (29)
NDLR.
- Le titre est de l'auteur, les intertitres de la rédaction.
- Alain Jacob a finalement fait l'objet d'un “rappel à la loi” mais reste, en cas de nouveau “délit', sous la menace de trois ans de prison avec sursis et d'une amende pouvant aller jusqu'à 45 000 €.