06/02/2020

Des citoyens participatifs et têtus veulent libérer Ploudalmézeau

Reportage : Michel Rouger


A la pointe de la Bretagne, là où le supertanker Amoco Cadiz vint vomir 227 000 tonnes de pétrole il y a tout juste 42 ans, règne depuis 2001 une "Dame de fer" finistérienne. Son pouvoir absolu a provoqué l'émergence d'une liste qui s'est lancée à l'assaut de la forteresse aux municipales avec une arme maîtresse diamétralement opposée : la participation citoyenne. Et ce n'est pas d'aujourd'hui qu'ils la fourbissent.


Au premier rang, au centre, la tête de liste, Logann Vince, 30 ans

PLOUDALMEZEAU.mp3  (2.56 Mo)

En ce samedi matin de novembre, on les a trouvés chez Logann, pas loin de l'Eglise dont la flèche gothique règne sur Ploudalmézeau et jusqu'à Portsall, le célèbre port souillé de 1978, à 3 km à vol d'oiseau, où vivent plus du tiers des 6 300 habitants. Logann, c'est l'âme de l'équipe, qui ne veut toujours pas aujourd'hui s'afficher comme tête de liste mais qui le sera bien sûr, probablement fin janvier : Logann Vince, 30 ans, professeur de musique, animateur de soirées et promenades philo ainsi que du grand réveillon qui rassemble une bonne centaine d'habitants au Nouvel An. 

Un tract à faire, un de plus. Quatre femmes, trois hommes et une matinée de discussion :
- Il faut insister sur le participatif, bien montrer que ce n'est pas bouclé.
- On pourrait mettre "Partagez vos idées et faites évoluer le projet.
-  Accompagnez-nous pour faire évoluer la liste. 
-  Sortir de l'autoritarisme.

"Même battus, on est venu à tous les conseils municipaux"

Ne pas oublier l'autoritarisme. C'est la faiblesse de Marguerite : Marguerite Lamour, 63 ans,  maire depuis 2001, conseillère départementale, députée dix ans durant, membre des Républicains. La petite équipe s'est engagée dans la vie de la commune pour faire avancer des projets et en même temps une nouvelle façon de gouverner. Apporter une "bouffée d'oxygène" comme dit une voix. Et ça fait longtemps qu'ils ont commencé : un atout de leur campagne et une particularité dans ces municipales 2020 où surgissent bien des listes citoyennes sans expérience. 

Pendant que les autres continuent à bosser sur le tract, Annie et Emilie racontent. 
Après les dernières élections, même battus, on est venu à tous les conseils municipaux. Nous étions aux moins cinq-six. On pouvait voir et analyser les projets, assister aux prises de décisions. Et on partageait les infos. 
Ensuite, parallèlement, le petit groupe de citoyens têtus est parti discuter avec les habitants, en cherchant de nouvelles façons de faire. Il y a eu les "balades citoyennes" dans Ploudal et Portsall, avec un cheval. 
On demandait aux gens "Qu'est-ce qu'il faut améliorer dans la commune ?" Après, Logann et Annie sont allés porter ces réflexions des habitants à la mairie.

Des réunions de citoyens chaque lundi depuis un an

Ont succédé les "Cafés citoyens". 
Venait qui voulait. La plupart du temps, on se retrouvait à une vingtaine. C'est une école pour s'écouter, se connaître. Le but : prendre un moment pour réfléchir ensemble, proposer des projets à soumettre à la municipalité, par exemple sur l'accès au numérique. Qu'est-ce qui existe sur la commune ? Qu'est-ce qui manque ? Après on a travaillé en commissions, on a établi le diagnostic et rédigé des projets. Le thème du premier était : "la démocratie à l'échelle de la commune"

Et puis, les élections municipales se sont approchées. Changement de braquet. Un an tout juste avant le scrutin, le 22 mars 2019, ont démarré les réunions du lundi soir. Des réflexions par ateliers de 20 h 15 à 22 h 15 qui vont se poursuivre jusqu'à la veille des élections. Émilie apprécie :
La politique, l'économie, ici c'est concret, pratique, ça me plaît. Je n'ai pas envie de râler sur mon canapé. Je veux participer à la vie de la société.

Quel que soit le résultat des élections

L'esprit de participation n'est pas resté enfermé dans les réunions du lundi soir. "L'équipe à Logann" est partie sur le terrain proposer un questionnaire, sonnant aux portes, interrogeant les gens sur les marchés...   A ce jour, on a eu près de deux-cents réponses. Trois-cents propositions sont remontées. Nous les avons classées selon les compétences municipales. Un gros travail ! Beaucoup d'idées se recoupent avec les nôtres. Par exemple, avoir une aide au multimedia dans la commune, participer aux programmes culturels...

C'est aussi un an avant les élections que la liste a commencé à s'ébaucher, une liste sans étiquettes, ouverte à quiconque voulait s'engager. Elle s'est étoffée au fil des mois. Le moment est venu en janvier de positionner chacun selon ses compétences, son degré d'engagement, tout en respectant la parité femmes-hommes. Un moment délicat, surtout pour les places éligibles, même dans les listes participatives !

Plus les élections approchent, plus la "Liste participative Ploudal-Portsall" met les bouchées doubles pour rencontrer les associations, les entreprises, les forces vives. Il faut espérer que, quoi qu'il arrive, ce travail de mobilisation aura payé pour gonfler la... participation le jour du vote le 15 mars. Et après, une chose est sûre, ce travail continuera : "Les non-élus viendront préparer les conseils municipaux."  Ici, ils le prouvent depuis des années : la participation citoyenne n'est pas qu'un slogan électoral. 

La liste participative a finalement obtenu 23,21 des voix le 15 mars devant la liste estampillée à gauche (15,06 %) mais loin derrière la maire sortante dont la liste a été élue dès le premier tour avec 61,73% des voix. Les trois élus, Logann Vince, Annie Quentel et Fabrice Almeras, vont continuer à activer la participation des citoyens de Ploudalmézeau aux décisions qui les concernent. 

Pour aller plus loin : le programme, l'équipe, la campagne...

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