Alors Zahia et Soaz entonnèrent un air chaâbi, le chant si populaire en Algérie : Zahia en arabe, Soaz en breton.
Savoirs populaires
De g. à d. : Ida, Nadia et Dominique
C'était un soir d'octobre 2011 lors d'une « balade à travers les mémoires d'ici et d'ailleurs », leur troisième spectacle en deux ans. Tout a commencé en effet en 2009, à l'initiative de Dominique Crestin, sociologue, baroudeuse des quartiers, des associations et du développement local, habituée « du goudron des villes et de la terre des campagnes », comme elle aime dire, et de son compère tout aussi étonnant Marc Clérivet, ingénieur agro, musicien et expert en danse haute-bretonne.
Ensemble, ils invitent des Rennais à rassembler le patrimoine immatériel, multiculturel, dont chacun est riche. Et lancent une opération qu'ils baptisent POK, un drôle de nom mais qui sonne et résonne bien partout dans le monde (baiser en breton, main en gallo, recette de cuisine thaï...). Des savoirs populaires multiples et des récits de vie vont nourrir un blog associé aujourd'hui à Histoires Ordinaires.
Ensemble, ils invitent des Rennais à rassembler le patrimoine immatériel, multiculturel, dont chacun est riche. Et lancent une opération qu'ils baptisent POK, un drôle de nom mais qui sonne et résonne bien partout dans le monde (baiser en breton, main en gallo, recette de cuisine thaï...). Des savoirs populaires multiples et des récits de vie vont nourrir un blog associé aujourd'hui à Histoires Ordinaires.
Un patrimoine à restituer pour échanger
Dominique Crestin
« Je suis toujours émerveillée de voir comment les gens sont riches », se plaît à répéter Dominique Crestin. Autant dire que la démarche est claire : « Ce patrimoine, il ne s'agit pas de le muséifier, il faut le restituer puis échanger.» Pour cela, le blog est un bon outil. Il en est un autre : la scène. Avec son collègue Marc, elle se met en quête de « personnes pour mettre en scène, mettre en musique. » Et ils ne tardent pas à trouver.
Pour mettre en scène les récits des habitants collectés par POK, il y aura Nadia Ragonnet. Pour le chant, la chorale Oy Hakol Tov ! d'Ida Simon-Barouh que dirige un ami de Marc, Lilian Duault. Les trois femmes sont sur la même longueur d'ondes. À son arrivée à Rennes en 1990, Nadia, la psychologue éducatrice spécialisée, a entrepris de créer une compagnie de danse et de théâtre « où il y aurait des jeunes et des moins jeunes, des professionnels et des amateurs, des gens de tous les horizons. » Quant à Ida, elle a un exigence viscérale pour la chorale juive Oy Hakol Tov ! : « Vient qui veut, juif ou pas juif »...
Pour mettre en scène les récits des habitants collectés par POK, il y aura Nadia Ragonnet. Pour le chant, la chorale Oy Hakol Tov ! d'Ida Simon-Barouh que dirige un ami de Marc, Lilian Duault. Les trois femmes sont sur la même longueur d'ondes. À son arrivée à Rennes en 1990, Nadia, la psychologue éducatrice spécialisée, a entrepris de créer une compagnie de danse et de théâtre « où il y aurait des jeunes et des moins jeunes, des professionnels et des amateurs, des gens de tous les horizons. » Quant à Ida, elle a un exigence viscérale pour la chorale juive Oy Hakol Tov ! : « Vient qui veut, juif ou pas juif »...
Paci Bès, « association pacifiste, culturelle et laïque »
Nadia Ragonnet
Nadia, soutenue par Le Théâtre de la Paillette et le Mouvement de la Paix, a pu créer en 2002 l'« association pacifiste, culturelle et laïque » Paci Bès : de Paci, la paix, et de Bès, le dieu de la paix, de la danse et le protecteur de la femme enceinte dans la mythologie égyptienne. Ainsi, depuis dix ans, elle monte des spectacles militants reposant sur les sept piliers de l'Unesco : un jour, pour Gaza, avec des textes du grand poète palestinien Mahmoud Darwich ; un autre à partir d'écrits du penseur anti-colonialiste Frantz Fanon...
Elle a lancé aussi des ateliers d'écriture « avec des gens dont certains, dit-elle, auraient dû être ennemis » : un Palestinien, une Juive, des Africains, Algériens, Afghans, Haïtiens ; des Bretons aussi... Elle utilise une méthode imaginée à Medellin, en Colombie, entre gangs opposés : travailler sur la mémoire des grands parents et autres référents pour montrer qu'il y a des tas de points communs.
Elle a lancé aussi des ateliers d'écriture « avec des gens dont certains, dit-elle, auraient dû être ennemis » : un Palestinien, une Juive, des Africains, Algériens, Afghans, Haïtiens ; des Bretons aussi... Elle utilise une méthode imaginée à Medellin, en Colombie, entre gangs opposés : travailler sur la mémoire des grands parents et autres référents pour montrer qu'il y a des tas de points communs.
« Je ne demande pas à ceux qui viennent à Paci Bès ce qu'ils font dans la vie, s'ils sont profs ou femmes de ménage, ni de quel quartier ils viennent », souligne-t-elle. Elle est athée, dit-elle aussi, et laïque convaincue : « On est amené à faire des fêtes pour chacun : Hanoukka pour les juifs, l'Aïd pour les musulmans. » Et l'auberge Paci Bès n'est pas près de changer ; à la dernière rentrée, il y a eu trois nouveaux : un Africain, un Breton, une Marocaine.
« La laïcité, les Lumières, ça voulait dire quelque chose ! »
Ida Simon-Barouh
Ida Simon-Barouh, pour sa part, est née dans une famille juive venue de Turquie. Elle n'est pas croyante. « Il y a beaucoup de manières d'être juif, déclare-t-elle ; l'identité juive est culturelle et je suis pour une société pluriculturelle : l'émulation religieuse entre chrétiens, musulmans, juifs, c'est épouvantable. Chercher à se fermer aux autres, c'est horrible. »
« Nos parents, ajoute-t-elle, nous disaient : "Ne vous faites pas remarquer". Il fallait s'intégrer ; la laïcité, les Lumières, ça voulait dire quelque chose ! Il faut vraiment se bagarrer pour garder cette chose formidable en France. J'ai 73 ans et, finalement, l'intégration à la française ce n'est pas si mal. »
« Nos parents, ajoute-t-elle, nous disaient : "Ne vous faites pas remarquer". Il fallait s'intégrer ; la laïcité, les Lumières, ça voulait dire quelque chose ! Il faut vraiment se bagarrer pour garder cette chose formidable en France. J'ai 73 ans et, finalement, l'intégration à la française ce n'est pas si mal. »
Elle, l'ethnologue, n'a cessé de chercher à comprendre l'autre, explorant sans relâche les relations inter-ethniques. Elle s'est notamment passionnée pour les cultures cambodgienne et vietnamienne ; elle a raconté l' « histoire d'ethnicité plurielle » d' « une Cambodgienne nommée Bonheur » ; elle a observé « Les étrangers dans la ville », titre d'un autre de ses ouvrages ; puis l'ethnologue est revenue tardivement à sa judéité en publiant en 2009 une étude approfondie sur « Les Juifs à Rennes ».
Ce soir, chez Dominique, elles revivent avec passion leur aventure commune riche de quatre spectacles (à découvrir en détails sur le blog de POK). Quand elles se retrouvent ainsi ensemble, leurs voix vont parfois crescendo ! Quand il s'agit par exemple du port du voile ou de la pression du religieux sur les activités culturelles juives. Vastes sujets ! Terminons plutôt en chansons : après le chaâbi "arabo-breton" de Zahia et Soaz, un chant yiddish d'Oy Hakol Tov !...
Michel Rouger
Michel Rouger