George Marks a fait revivre le centre-ville d'Arnaudville.
George est un artiste. Un artiste visuel, comme il le précise. Visuel pour qui le regarde, ses actions accompagnent ses paroles. Il est un manuel : ses mains se joignent, s'étirent, se tordent pour former des contacts parfois incongrus, inhabituels. George est ainsi, il ne remet rien à demain mais bien tout à deux mains, à deux personnes, à trois, à des communautés, au monde entier. George met en relation sans demander de patienter : il y va, accompagné, jamais seul. Parce qu'à plusieurs, on est stronger, on est plus fort.
« Ni les politiques, ni personne ne voulait rien voir »
Alors jeune artiste, George a vécu treize ans à une heure d'Arnaudville, sa petite ville de Louisiane où habite sa famille. En 2004, son père tombe malade. George court à son chevet. Il se révèle : « C'était là où j'avais besoin d'être ». Les trottoirs d'Arnaudville ne sont foulés que par des dealers, les bâtiments se vident, la ville se meurt. George s'entoure alors de ses amis et sa famille. Ensemble, ils décident de... marcher. D'aller à pieds faire leurs courses à l'épicerie du coin. George met les mains sur ses yeux : « Ni les politiques, ni personne ne voulaient rien voir : il n'y a pas de problème de drogues, il y a des déchets dans nos bayous ? Mais non, la ville est propre… » Devant la démission générale, ils s'organisent pour alerter les policiers à propos des dealers : « Les policiers ne recevaient aucune plainte, donc, cela voulait dire que tout allait bien. On a décidé de se plaindre, tous en même temps ». Une personne repère un dealer en action ? Un appel aux neuf autres personnes de leur équipe, et tous appellent les trois polices des trois paroisses qui forment Arnaudville. « Dix coups de téléphone multipliés par trois, vous ne pouvez pas les ignorer » sourit George, l'éclat aux yeux.
« Ni les politiques, ni personne ne voulait rien voir »
Alors jeune artiste, George a vécu treize ans à une heure d'Arnaudville, sa petite ville de Louisiane où habite sa famille. En 2004, son père tombe malade. George court à son chevet. Il se révèle : « C'était là où j'avais besoin d'être ». Les trottoirs d'Arnaudville ne sont foulés que par des dealers, les bâtiments se vident, la ville se meurt. George s'entoure alors de ses amis et sa famille. Ensemble, ils décident de... marcher. D'aller à pieds faire leurs courses à l'épicerie du coin. George met les mains sur ses yeux : « Ni les politiques, ni personne ne voulaient rien voir : il n'y a pas de problème de drogues, il y a des déchets dans nos bayous ? Mais non, la ville est propre… » Devant la démission générale, ils s'organisent pour alerter les policiers à propos des dealers : « Les policiers ne recevaient aucune plainte, donc, cela voulait dire que tout allait bien. On a décidé de se plaindre, tous en même temps ». Une personne repère un dealer en action ? Un appel aux neuf autres personnes de leur équipe, et tous appellent les trois polices des trois paroisses qui forment Arnaudville. « Dix coups de téléphone multipliés par trois, vous ne pouvez pas les ignorer » sourit George, l'éclat aux yeux.
Objectif : récupérer la ville
Les dealers déplacés, il faut rassembler les compétences pour « récupérer » la ville. Ouverture en fanfare : « On a cherché quels musiciens vivaient dans la région. On a commencé à programmer des concerts, seulement les week-ends pour être bien concentré sur l'Art ou le travail la semaine ». Pour attirer du monde au centre-ville, ils décident alors de créer des attractions culturelles, soutenues par le pôle touristique qui désespérait. Le collectif s'appelera Nunu. C'est juste avant Katrina en août 2005.
George pèse ses mots : « L'ouragan a joué un grand rôle en Louisiane. Il n'y avait aucune connexion entre la Nouvelle-Orléans, Lafayette ou Bâton-Rouge. Katrina a pris tout ce monde et l'a bien secoué. C'était terrible. Les gens ont été déplacés... Mais ça les a forcés à s'exposer à d'autres cultures, d'autres manières de penser ». La représentante du consulat français qui, avant ne sortait pas de la Nouvelle Orléans, vient voir NUNU. Fascinée par leurs initiatives, elle restera à Arnaudville « six heures au lieu d'une » s'enorgueillit George.
George pèse ses mots : « L'ouragan a joué un grand rôle en Louisiane. Il n'y avait aucune connexion entre la Nouvelle-Orléans, Lafayette ou Bâton-Rouge. Katrina a pris tout ce monde et l'a bien secoué. C'était terrible. Les gens ont été déplacés... Mais ça les a forcés à s'exposer à d'autres cultures, d'autres manières de penser ». La représentante du consulat français qui, avant ne sortait pas de la Nouvelle Orléans, vient voir NUNU. Fascinée par leurs initiatives, elle restera à Arnaudville « six heures au lieu d'une » s'enorgueillit George.
Utiliser ce qui est disponible
Nunu est un collectif qui rassemble différentes associations de Louisiane.
Un autre tourbillon s'empare d'Arnaudville. Constructeur, celui-là. George prend une feuille. Il liste en capitales les pôles Education, Politique, Finance et Civil (artistes inclus) : « En fait, ce sont divers groupes d'organisations d'individus. On savait que si c'était seulement artistique, financier ou politique, ça ne marcherait pas. » Dans la mouvance de récupération de la ville, c'est tout ce qui les entoure qu'il faut s'approprier : « Utiliser ce qui est disponible, ce qui est sur le territoire. On peut créer ce qu'on veut, l'Art a lieu partout, tout le temps. Donc, tu n'as pas d'excuse : "Je n'ai pas la bonne peinture, le bon pinceau, le bon studio…" Non, tu fais. C'est tout un processus. »
« Nous connaissons des Français qui font la même chose que vous »
Sur le territoire de Louisiane, les racines s'emmêlent : Cajuns, Créoles, Natifs... Les communautés se côtoient, Nunu les fait se connaître. Par la culture française par exemple. L'association « la Table française » organise des repas où l'on parle et mange français. Le « Coudre point » organise des sessions de couture. Les arbres typiques d'Arnaudville, les bayous, redeviennent fierté des habitants et objets d'admiration des touristes. Un jour, Philippe Aldon, du consulat français de Louisiane, contacte George : « Nous connaissons des Français qui font la même chose que vous. » Les « Articulteurs », à Redon (35) , sur lesquels nous avons fait un reportage. Pour George, les « Articulteurs », c'est difficile à prononcer mais facile à contacter.
Coup de foudre franco-américain
George et Casey, lors de leur passage à Redon en octobre 2013.
La visite des Américains à Redon, en 2011, c'est le coup de foudre entre les deux collectifs. Les idées, les projets... Ça fuse, ça fusionne, on ne se refuse rien. Le « rêvalisable » de Marco Felez des Articulteurs a trouvé son alter-echo. En 2012, le collectif Nunu participe à la « fête des Fruits de l'Automne » à Peillac, commune de 2000 habitants. Et en face, à Arnaudville, le collectif Nunu crée « la Semaine française ». À Redon, en octobre 2013, la fête annuelle de la « Bogue d'Or » est dédiée à la Louisiane. Pas de jumelage, un vrai partage. Le partenariat avec les Articulteurs les aide à se légitimer auprès des acteurs politiques de Louisiane : « Nous voulions prouver que c'était réel ». Aussi réel qu'une bière commune, la Bayoust, en préparation pour avril 2014. L'ambassade de France à New-York invite NUNU pour en parler, les soutenir. Les racines francophiles sortent de terre.
Les origines de NUNU
Le père de George est pour beaucoup dans l'histoire de NUNU. Cet homme timide parcourait mers et océans, en tant que capitaine de bateau. Lorsque George était petit, son père revenait avec des vidéos cassettes qu'il achetait sur place : « Au lieu d'acheter un bibelot, il ramenait un film fait par les habitants. Je ne m'étais pas rendu compte à quel point ça m'a marqué. Car aujourd'hui, ça prend sens avec la célébration de la culture ». NUNU est le surnom du père de George qui lui ressemblait beaucoup.
Avec son succès, le collectif NUNU s'adapte sans se perdre. Le petit collectif familial des débuts trouve un autre sens quand un petit garçon pointe son doigt vers George : « Nounours ! ». Le manque de cheveux sur son crâne forme des oreilles d'ours, s'esclaffe doucement George. Le petit garçon avait vu juste. Puis, après un travail en concertation avec des étudiants, le nom du collectif découvre son sens dans la diversité des gens et des cultures. C'est comme une « somme de différentes parties » explique George. Visuellement, le « nunu » est dessiné comme des maillons de chaînes qui s'imbriquent. George croise les doigts, serre ses mains. Tout est là, tout y était depuis le début.
Avec son succès, le collectif NUNU s'adapte sans se perdre. Le petit collectif familial des débuts trouve un autre sens quand un petit garçon pointe son doigt vers George : « Nounours ! ». Le manque de cheveux sur son crâne forme des oreilles d'ours, s'esclaffe doucement George. Le petit garçon avait vu juste. Puis, après un travail en concertation avec des étudiants, le nom du collectif découvre son sens dans la diversité des gens et des cultures. C'est comme une « somme de différentes parties » explique George. Visuellement, le « nunu » est dessiné comme des maillons de chaînes qui s'imbriquent. George croise les doigts, serre ses mains. Tout est là, tout y était depuis le début.
Merci de m'aider t'aider m'aider t'aider m'aider t'aider...
De l'addition des connaissances nait la multiplication des savoirs. Logique ? George définit sa dynamique : « Au lieu de voir comment nous sommes différents, nous regardons comment nous sommes similaires. Quel est notre point commun. Ensuite, nous célébrons les différences, sans les voir de manière négative. (…) Nous sommes plus forts grâce à ça. Je suis une personne meilleure parce que je te connais. Tu es une personne meilleure parce que tu me connais. Merci de m'aider t'aider m'aider t'aider m'aider t'aider... C'est comme ça que ça marche, tout le temps. »
On peut être artiste dans les petites villes
L'étiquette de la Bayoust, bière commune entre Redon et Arnaudville.
On peut être artiste dans les petites villes. George le reconnaît volontiers : « En tant qu'artiste, je pensais que le prochain changement serait d'aller vers une plus grande ville, comme New-York ou Los Angeles. Mais revenir à Arnaudville m'a fait me rendre compte que c'était là où je voulais être. Que c'est là que j'ai un plus grand impact. Puisque ce sont mes racines, c'est là d'où je viens. » Pourtant, un réseau se fait plus facilement en grande métropole, non ? George secoue la tête : « Je pense que c'est le contraire. Dans les plus petites communautés, c'est comme jeter un petit caillou : ça fait des ondulations qui peuvent grandir. Alors que dans l'océan, en Californie, ça fait un gros « plouf » et ça finit au fond ». Des cailloux, George en a plein. Son rire sucré enrobe les anecdotes. Son regard en coin souligne sa surprise de gamin, d'être là, au milieu de réseaux à construire des rêves et des relations. Il complote, confie ce qu'il prépare comme prochain grand coup à renfort de noms, marques et fusion de produits locaux. Sa base est solide, l'énergie de son envol est contagieuse. Une fois lancé, on ne peut plus l'arrêter.
Violette Goarant
Also available in ENGLISH VERSION
Violette Goarant
Also available in ENGLISH VERSION