Christian est originaire de Haute-Bretagne, né en 1956, à Médréac au nord de Montauban-de-Bretagne. Son père, maréchal-ferrant, se transforme l’été en entrepreneur de travaux agricoles. Le petit garçon a plaisir à participer aux moissons avec son frère. Il aime la vie des villages, la solidarité qui s’y tricote et la langue qu’on y parle, le gallo.
Il rejoint Rennes pour une première année à l’université en administration économique et sociale, rate l’entrée en seconde année : « Ce n’est pas grave, lui lance son père. Comme ça, tu iras bosser plus tôt ! » C’est le plein emploi et le travail ne manque pas. Christian est embauché à l’office HLM comme "gratte-papier" ! L’informatisation se met en place et intéresse le jeune homme. Il reprend les cours du soir à l’université, obtient finalement sa licence d’AES et poursuit avec des études en méthodes informatiques appliquées à la gestion des entreprises. Les ordinateurs commencent alors à faire partie de nos vies.
Il rejoint Rennes pour une première année à l’université en administration économique et sociale, rate l’entrée en seconde année : « Ce n’est pas grave, lui lance son père. Comme ça, tu iras bosser plus tôt ! » C’est le plein emploi et le travail ne manque pas. Christian est embauché à l’office HLM comme "gratte-papier" ! L’informatisation se met en place et intéresse le jeune homme. Il reprend les cours du soir à l’université, obtient finalement sa licence d’AES et poursuit avec des études en méthodes informatiques appliquées à la gestion des entreprises. Les ordinateurs commencent alors à faire partie de nos vies.
Bretagne ateliers « cherche informaticien »
Lassé de l’administration, qui n’avance pas suffisamment vite à son goût en matière d’équipements informatiques, il répond en 1986 à cette annonce de Bretagne Ateliers, une entreprise adaptée de Rennes : "Cherche informaticien". Il est séduit par son dirigeant, Jean-Michel Quéguiner. Il découvre le handicap, un secteur qu’il ne va plus quitter :
« C’était une entreprise adaptée remarquable, avec ceci de particulier : elle venait de l’industrie. Présidée par Eugène Douard, son fondateur, elle était née de la volonté du monde patronal et non de parents de personnes handicapées comme c’était souvent le cas à l’époque. »Rapidement, Christian fait sienne la conviction de l’association : l’emploi est bien la condition nécessaire à l’intégration sociale, le travail est possible pour tous à condition d’être adapté :
« Eugène Douard ne parlait jamais de personnes handicapées mais de personnes aux talents cachés. À nous de les révéler ! »
En charge de la vie intérieure de l’entreprise
On fait à Christian une confiance totale. Le jeune informaticien commence à adapter l’outil aux besoins de l’entreprise : gestion des présences, suivi du personnel, suivis économiques, analyses de gestion, programmation d’outils de comptabilité :
« Nous étions sous-traitants de grands groupes, notamment de Citroën avec qui nous devions mettre en place des outils de production synchrones. Tous les salariés étaient reconnus travailleurs handicapés. C’était une expérience variée, tant d’un point de vue humain que de l’organisation. »Au fil du temps, Christian devient responsable de la gestion, de l’informatique et du personnel, tout ce qui concerne la vie intérieure de l’entreprise :
« Je n’avais aucune formation sociale mais je me sentais à l’aise avec tous ces gens qui avaient tellement galéré dans leur vie. Quand on est issu d’un milieu rural, simple, la différence fait partie du quotidien. »
Directeur des Ateliers de la Mabilais
Au bout de treize ans, en 1998, le président Eugène Douard propose à Christian de prendre en intérim, la direction des Ateliers de la Mabilais, un ésat situé à Noyal-sur-Vilaine, suite au départ précipité de son directeur :
« Monsieur Douard en était aussi le président. Il avait créé autant d’associations que de problèmes à régler ! »Cette nouvelle fonction lui plaît tant et si bien que Françoise Clanchin, PDG de Triballat à Noyal, qui venait de succéder à Eugène Douard au poste de présidente, propose de l’embaucher.
« J’étais alors très partagé reconnaissant de ce que Bretagne Ateliers m’avait apporté, mais j’ai cependant accepté de relever le défi. »
Ouvrir les portes des CAT
Tandis qu’il découvre son nouvel établissement, il s’intéresse aussi à ses voisins. Il sympathise avec Gérard Brière, qui est alors directeur du centre d’aide par le travail Le Pommeret à Bréal-sous-Montfort.
« Il m’a d’abord proposé une formation en commun avec d’autres collègues pour réaliser une œuvre d’art dans le jardin de son CAT. Puis, il m’a proposé de participer à un programme expérimental financé par l’Agefiph pour donner la chance à chaque personne accompagnée d’essayer un autre métier. »Christian sent qu’il y a là une nouvelle opportunité offerte aux travailleurs handicapés, celle de progresser et de valoriser ses talents. Ils se retrouvent à quatre, responsables des centres de La Simonière à Hédé, des Ateliers de l’Espoir à Rennes, de La Mabilais à Noyal et du Pommeret à Bréal. Ils créent un projet nommé "Inter CAT" et proposent aux personnes qu’ils accompagnent de circuler d’établissement en établissement pour s’initier à un autre métier, pendant un, deux, quinze jours…
« Une centaine de personnes vont y participer. On a vu des gens heureux, sortir de leur timidité, fiers de pouvoir dire : "Je sais faire telle et telle chose, j’ai réussi !" Nous avions alors envie d’aller plus loin. »
Reconnaître sans juger ni pénaliser
Il faut se souvenir qu’à cette époque, les CAT sont pointés du doigt pour leur manque de coopération et d’ouverture. Un livre leur a fait du tort, celui de Pascal Gobry, « l’enquête interdite » (éditions le Cherche midi, 2002), les nommant de « boites noires ». Alors, les quatre directeurs, blessés dans leur intime conviction, sont bien décidés à faire la lumière et à faire tomber ces murs qui les isolent. Yves Deniaud, coordinateur du programme départemental pour l’insertion des personnes handicapées en Ille-et-Vilaine, les encourage à poursuivre l’initiative avec le soutien d’un financement européen.
Un premier dossier est déposé et retenu, à condition d’étendre l’expérimentation sur les quatre départements de la Bretagne administrative. À Linz en Autriche, Gérard Brière et Christian Guitton scellent un partenariat transnational. Sur la route, les deux complices imaginent alors un dispositif qui progressivement, reconnaît les compétences des personnes accompagnées avec des modalités d’évolution proposées à chaque travailleur, des formations des encadrants, une évaluation financière, la reconnaissance par les ministères, l’inscription dans le droit commun par le biais des référentiels-métiers, le lien avec l’entreprise, la mise en perspective de la personne... Toute l’ingénierie est pensée. La loi de modernisation sociale a organisé la VAE pour les citoyens. Eux, affirment la RAE, la reconnaissance des acquis de l’expérience en affirmant que « personne ne sait rien faire ».
Un premier dossier est déposé et retenu, à condition d’étendre l’expérimentation sur les quatre départements de la Bretagne administrative. À Linz en Autriche, Gérard Brière et Christian Guitton scellent un partenariat transnational. Sur la route, les deux complices imaginent alors un dispositif qui progressivement, reconnaît les compétences des personnes accompagnées avec des modalités d’évolution proposées à chaque travailleur, des formations des encadrants, une évaluation financière, la reconnaissance par les ministères, l’inscription dans le droit commun par le biais des référentiels-métiers, le lien avec l’entreprise, la mise en perspective de la personne... Toute l’ingénierie est pensée. La loi de modernisation sociale a organisé la VAE pour les citoyens. Eux, affirment la RAE, la reconnaissance des acquis de l’expérience en affirmant que « personne ne sait rien faire ».
La reconnaissance des ministères
Différent et Compétent était né. Françoise Clanchin, présidente de l’association, encourage Christian et va même jusqu’à se porter caution financière pour que le projet aboutisse.
« Ce qui me plait bien dans ce projet, c’est que la reconnaissance professionnelle forme l’individu et contribue à son autonomie. Nous affichions le travail comme clé d’émancipation en sachant qu’un travailleur polyvalent dans l’atelier est aussi polyvalent dans sa vie. »L’initiative séduit les établissements bretons et une association régionale voit le jour, Aresat Bretagne :
« Il y avait dans la région cette tradition humaniste d’entraide, des réseaux déjà constitués et bien actifs. »Le projet se déploie et s’affine grâce à la rencontre avec des professionnels de l’Éducation nationale et du ministère de l’Agriculture qui eux aussi, ont envie de faire bouger les lignes de leurs organisations. Le partenariat transnational se développe avec bientôt le soutien de l’université de Magdeburg en Allemagne et d’une structure d’insertion en Slovaquie. Les directeurs de CAT partagent leurs préoccupations et se trouvent réconfortés par cette nouvelle dynamique qui booste leur organisation et leurs équipes. L’initiative est repérée au niveau ministériel. Elle aboutit à l’écriture d’un décret qui incite les établissements médicosociaux à appliquer la démarche de reconnaissance des acquis de l’expérience.
La dissémination en métropole et outre-mer
Puis l’idée se répand dans d’autres régions, en métropole et en outre-mer, rencontrant partout le même engouement. Un réseau national coopératif voit le jour, Différent et Compétent Réseau, dirigé aujourd'hui par Magdeleine Grison. Il réunit dix-neuf collectifs territoriaux et près de huit-cents établissements. Christian en reste le président, conciliant avec tact et diplomatie, les intérêts de chaque organisation et dirigeant, animé par cette unique et forte conviction de valoriser la personne en situation de handicap. Les remises d’attestation de compétences donnent lieu chaque année à d’émouvantes cérémonies. Le 7 novembre dernier, pour la première fois, les cérémonies ont toutes été organisées le même jour pour un "Compétence Day" national. Depuis le début, ce sont près de 17.000 personnes qui ont ainsi reçu le précieux document, parfois pour certains, la première reconnaissance officielle de leur travail.
Des assises nationales réunissent, d’abord chaque année, puis tous les deux ans, l’ensemble des participants et ce sont à chaque fois, des moments de réflexion intenses partagés. Et depuis, la démarche ne cesse d’évoluer et de s’enrichir. Christian a passé la barre du grand navire à Anne-Laure Bourreau, directrice d’un établissement dans la Haute-Vienne :
Des assises nationales réunissent, d’abord chaque année, puis tous les deux ans, l’ensemble des participants et ce sont à chaque fois, des moments de réflexion intenses partagés. Et depuis, la démarche ne cesse d’évoluer et de s’enrichir. Christian a passé la barre du grand navire à Anne-Laure Bourreau, directrice d’un établissement dans la Haute-Vienne :
« Le dispositif s’est adapté aux évolutions et aux attentes de chaque collectif. Il est devenu une grande entreprise collaborative. La question aujourd’hui est de conserver cette dynamique de créativité. »
Révéler les compétences cachées : un savoir-faire aujourd'hui à transmettre
Tout au long de ces années, Christian s’est efforcé de maintenir la dynamique dans son propre établissement, le faisant bénéficier de tous les acquis extérieurs. Il a ainsi développé l’idée d’un esat 100% numérique pour offrir aux travailleurs l’accès aux outils modernes de communication et lutter contre la fracture numérique. Chacun est désormais équipé d’une tablette numérique, y navigue grâce à des modalités accessibles et adaptées. Il peut y prendre rendez-vous avec qui il souhaite dans l’établissement, consulter son dossier, observer l’évolution de ses compétences ou, plus simplement, prendre connaissance du menu du jour… Est venue, pour Christian, l’heure de tourner la page, de transmettre avant de quitter la scène professionnelle :
Texte et photos : Tugdual Ruellan
« Je m’y attelle encore pendant quelques mois ! J’ai été heureux de rencontrer toutes ces personnes avec des compétences cachées. Notre métier est de les révéler. Je n’ai rien fait d’autre… »
Texte et photos : Tugdual Ruellan