La fuite en Algérie... et le retour
Dans le pays de ses parents, les choses se passent plutôt bien. Il fait ses deux ans de service militaire puis s'installe dans la Kabylie familiale. Il se reconstruit et son identité devient claire: « Je n'arrivais pas à m'intégrer. Dans le village, ils parlaient de blé, de vaches, de tout ça, moi j'avais envie de parler de filles, de boites de nuit! Je me suis dit: "Je suis un mec de France". Il n'y a que les Français de souche qui ont un problème avec l'intégration, pas nous. C'est la France qui a du mal à reconnaître qu'on en Français...»
«C'était la première fois qu'on disait que j'étais intelligent»
Contre ceux qui «vendent de la peur»
Quand un ancien délinquant forme les policiers
Que dit-il aux policiers?
«Je commence par les faire travailler sur les préjugés. Je me présente. "Je suis arabe." Leurs visages deviennent déjà un peu bizarres. J'ajoute: "Je viens d'un quartier, j'ai fait de la taule..." Je le vois tout de suite: ils ne m'aiment pas. Mais à la fin, ils m'applaudissent tous, ils viennent me voir, me serrent la main. Je leur ai expliqué des choses qu'on ne leur apprend pas dans les écoles de police. 90% des policiers viennent de la province, à 90% ça leur fait peur, à 90% ils cherchent à quitter, quelque chose ne va pas. Ils le disent eux-mêmes. Sarkozy demande aux policiers de ne pas comprendre mais d'arrêter les délinquants. C'est n'importe quoi. On avancera le jour où on connaîtra un peu mieux les gens d'en face.»
Même chose pour les surveillants de prison. Yazid Kherfi tâche de convaincre aussi les éducateurs. Pas plus simple! «Beaucoup font ça pour la sécurité de l'emploi.Ils ne sont pas très motivés. Certains ont Bac + 10 mais ne vont même pas parler aux gosses. Pourquoi aucun animateur ou éducateur ne travaille-t-il le soir aujourd'hui? Pourquoi la nuit, n'y a-t-il que des policiers dans la rue? Où sont les travailleurs sociaux? A l'heure où la souffrance est la plus importante, ils ne sont pas là. Donc, j'essaie de trouver d'autres personnes: en prison, il y en a.»
«Il faut mettre des guerriers non-violents sans les quartiers»
il vient de recruter quelqu'un qui sort de prison. «Il avait pris huit ans pour meurtre. J'ai réussi à le faire sortir au bout de quatre ans, aujourd'hui il travaille, il fait de la médiation dans les quartiers, il est non-violent. Je prends des personnes qui me ressemblent. Il faut une relève.»
«Ce n'est pas gagné... »
«C'est difficile. Plein de gens ne m'aiment pas. Les gens sont dépassés. Je leur ai demandé ce qu'ils voyaient comme solution, plein ont répondu: "Faut tuer les jeunes". Même ceux qui sont passés comme moi par la prison disent: "Les jeunes, maintenant, c'est des fous". Avec des jeunes, on a rénové un appartement. Quand on a demandé à l'occuper, une pétition a été lancée. Les adultes détestent les jeunes parce qu'ils mettent le bazar et en ont marre de la vie, la précarité, tout ça: ils pensent que tout est de la faute des jeunes, ils sont les boucs-émissaires. Ce n'est pas gagné... »
«Où sont les gens bien pensants?»
Michel ROUGER.