Grâce au documentaire de Mélina Huet "Avec les vivantes" (voir ci-dessous), une visio et une vraie entrevue, nous avons, Marie-Anne et moi, rencontré Louise Jacquot-Thierry. A tout juste 29 ans, Louise, diplômée de gynécologie-obstétrique et de médecine légale est interne à l’hôpital sud de Rennes. Une quinzaine de jours avant la date prévue de son premier accouchement, elle nous accueille avec un délicieux thé vert dans son appartement plein de charme à deux pas de la Vilaine.
Déjà ado, une obsession : « faire naître des bébés »
Louise a grandi à Dieppe auprès de parents instituteurs. Dès l’adolescence, elle savait très clairement qu’elle « voulait faire naître des bébés » ; elle n’a jamais changé d’avis et énonce avec conviction « je veux faire ça toute ma vie ».
Après ses études à Rouen, elle opte pour le service réputé du CHU de Rennes. La première année d’internat signe la découverte du métier, ses dures conditions physiques lorsqu’il faut assurer les gardes de nuit, la station debout prolongée au bloc et psychiques quand elle est confrontée à la mort, à tous les fluides corporels, à la peur mais aussi heureusement, la plupart du temps lorsque tout se passe très bien, aux merveilleuses émotions lors de la mise au monde des bébés : « Une naissance, j’en pleure encore », conclut-elle.
Néanmoins, au terme de cette première année, Louise doute, la fatigue l’envahit, elle envisage de bifurquer vers la médecine générale mais finalement décide de tester pendant six mois un autre aspect de la médecine. Cela la conduit à l’Unité Hospitalière Sécurisée Inter-régionale (UHSI) du centre hospitalier, autrement dit le service de santé réservé aux prisonniers et prisonnières où se côtoient personnel pénitentiaire et soignants. Durant six mois, elle découvre ce milieu particulier, la variété des soins à dispenser ainsi que la médecine légale à laquelle l’unité appartient.
Après ses études à Rouen, elle opte pour le service réputé du CHU de Rennes. La première année d’internat signe la découverte du métier, ses dures conditions physiques lorsqu’il faut assurer les gardes de nuit, la station debout prolongée au bloc et psychiques quand elle est confrontée à la mort, à tous les fluides corporels, à la peur mais aussi heureusement, la plupart du temps lorsque tout se passe très bien, aux merveilleuses émotions lors de la mise au monde des bébés : « Une naissance, j’en pleure encore », conclut-elle.
Néanmoins, au terme de cette première année, Louise doute, la fatigue l’envahit, elle envisage de bifurquer vers la médecine générale mais finalement décide de tester pendant six mois un autre aspect de la médecine. Cela la conduit à l’Unité Hospitalière Sécurisée Inter-régionale (UHSI) du centre hospitalier, autrement dit le service de santé réservé aux prisonniers et prisonnières où se côtoient personnel pénitentiaire et soignants. Durant six mois, elle découvre ce milieu particulier, la variété des soins à dispenser ainsi que la médecine légale à laquelle l’unité appartient.
Impossible de soigner quelqu'un d'autre que les femmes
Au bout de deux mois, sa décision est prise :
« Je ne peux soigner personne d'autre que des femmes. Les problématiques autres ne me font pas vibrer. La vie de la femme c’est l’affectivité, la sexualité, le couple, la ménopause, la vieillesse, les violences obstétricales, les violences. Ce sont des sujets centraux encore peu enseignés et peu accompagnés par les soignants, j’ai éprouvé le besoin de réfléchir à l’aspect qui peut être paternaliste de la spécialité, faire tomber les normes de genre, etc. Les violences dont les femmes sont victimes, les expertises, la justice tout cela est en lien avec la gynécologie, cela fait sens. Tout s’est imbriqué, j’ai foncé avec l’appui de mon chef de service.
« Durant mon stage à l’UHSI, les femmes m’ont confié des éléments de leur parcours de vie, des psycho-traumatismes subis, cela a été les premiers contacts avec les violences et leurs conséquences. Je me suis rendu compte que cela touche des femmes de tous âges, de tous milieux sociaux. Si on regroupe incestes, violences, c’est énorme et on connaît les conséquences que ça a sur la santé des femmes : maladies sexuellement transmissibles, troubles de la sexualité, douleurs chroniques, cancers, etc. Si on fait de la gynécologie sans savoir d’où viennent les symptômes on passe à côté de beaucoup de diagnostics et de femmes qui souffrent. Les gynécologues restent les premiers dépositaires de la parole des femmes. »
« Penser le soin, la relation soignant-soigné »
« Après une année de gynéco, j’adorais la spécialité mais ça manquait de sens, il me semblait indispensable de prendre du recul sur la pratique médicale, avoir des clés de problématisation et de compréhension, réfléchir à pourquoi et comment on fait les choses. En deuxième année, j’avais découvert la médecine légale, les violences faites aux femmes. Cela a rendu évident et naturel le besoin de compléter ma formation en termes de philosophie et l’éthique afin de penser le soin, la relation soignant-soigné, organiser le système de santé et donner du sens. C’est la raison pour laquelle en troisième et quatrième années j’ai suivi, en parallèle à mon internat, les cours de Master 1 et 2 de « Philosophie, éthique médicale hospitalière appliquée », de l’université Gustave Eiffel à Paris. »C’est ainsi que Louise se lance en troisième année en complétant son cursus par la formation "Philosophie et éthique" et par celle en médecine légale. En parallèle, elle se documente, se renseigne et sollicite la Maison des femmes de Saint-Denis dirigée par Ghada Hatem-Gantzer qui lui dit : « Venez travailler chez moi pendant six mois ».
Une Maison des femmes à Rennes
Le docteur Jean-Philippe Harlicot, chirurgien au CHU, spécialiste de la reconstruction du clitoris avait depuis quelques temps l’idée de combler le manque de prise en charge de ces femmes. Il avait à cœur de monter un projet. Il réunit une équipe et sollicite Louise pour en faire partie.
La voilà en immersion à la Maison des Femmes de Saint Denis. Très rapidement, elle est convaincue qu’il n’y a rien de mieux à inventer car ce qu’a imaginé et mis en œuvre Ghada Hatem et son équipe est exactement ce qu’il faut faire, ça marche et c’est logique car c’est une prise en charge multidisciplinaire dans une unité de temps et de lieu. Pour se reconstruire, les femmes ont besoin de soins avec un panel de soignants et de non soignants : médecins, sages-femmes, infirmiers, psychologues, sophrologues, assistantes sociales, conseillères conjugales, animatrices d’ateliers psychocorporels, coiffeurs, esthéticiennes...
Louise veut encore aller plus loin dans ses réflexions sur la philosophie et l’éthique et compléter sa vision avec la philosophie politique et une méthodologie de recherche en sciences sociales. Elle sollicite son chef de service afin de pouvoir suivre les cours de Master Science politique santé et action publique. Elle se dit très chanceuse car son chef de service, le Pr Vincent Lavoué et le doyen, le Pr. Eric Bellissant particulièrement sensibles à ces sujets et visionnaires valident sa demande.
De ce fait, cette année Louise jongle avec les cours, sa grossesse et sa grande implication avec ses collègues pour la création de la Maison des femmes de Rennes dont l'ouverture est espérée pour fin 2021 - début 2022 afin d' assurer le suivi de plusieurs centaines de femmes en file active.
Nous en reparlerons !
Texte : Alberte Skoric
Photo : Marie-Anne Divet
La voilà en immersion à la Maison des Femmes de Saint Denis. Très rapidement, elle est convaincue qu’il n’y a rien de mieux à inventer car ce qu’a imaginé et mis en œuvre Ghada Hatem et son équipe est exactement ce qu’il faut faire, ça marche et c’est logique car c’est une prise en charge multidisciplinaire dans une unité de temps et de lieu. Pour se reconstruire, les femmes ont besoin de soins avec un panel de soignants et de non soignants : médecins, sages-femmes, infirmiers, psychologues, sophrologues, assistantes sociales, conseillères conjugales, animatrices d’ateliers psychocorporels, coiffeurs, esthéticiennes...
Louise veut encore aller plus loin dans ses réflexions sur la philosophie et l’éthique et compléter sa vision avec la philosophie politique et une méthodologie de recherche en sciences sociales. Elle sollicite son chef de service afin de pouvoir suivre les cours de Master Science politique santé et action publique. Elle se dit très chanceuse car son chef de service, le Pr Vincent Lavoué et le doyen, le Pr. Eric Bellissant particulièrement sensibles à ces sujets et visionnaires valident sa demande.
De ce fait, cette année Louise jongle avec les cours, sa grossesse et sa grande implication avec ses collègues pour la création de la Maison des femmes de Rennes dont l'ouverture est espérée pour fin 2021 - début 2022 afin d' assurer le suivi de plusieurs centaines de femmes en file active.
Nous en reparlerons !
Texte : Alberte Skoric
Photo : Marie-Anne Divet
Pour en savoir plus
• Une femme sur trois a déjà été victime de violences dans le monde
• En France, tous les trois jours, une femme décède sous les coups de son conjoint • 40% des cas de violences conjugales débutent lors de la première grossesse
• 7% des femmes seront victimes d'un viol au cours de leur vie
• 720 millions de filles sont victimes de mariages précoces
• Près de 130 millions de femmes ont été victimes d'excision
• 3,6 milliards d'euros par an : c'est le coût des violences faites aux femmes, en termes d'aides sociales, de soins et de capacité de production
La Maison des femmes de Rennes (MDF35) : le projet
Il s'agit de créer au CHU un lieu d’accueil et de prise en charge
médico-psycho-sociale accolé à l’hôpital Sud regroupant des ressources
dédiées aux femmes victimes de violences.
Une équipe mobilisée :
Dr. Cloé Guicheteau, praticienne attachée au Centre IVG - Planification Familiale
Dr. Jean-Philippe Harlicot, chirurgien gynécologue spécialisé dans la reconstruction clitoridienne pour les femmes victimes d'excision
Louise Jacquot-Thierry, interne des hôpitaux en gynécologie-obstétrique et médecine légale
Dr. Amélie Jouault, médecin du Centre IVG
Dr. Pauline Le Goff, praticienne hospitalière urgentiste, référente violences faites aux femmes
Dr. Valentine Van Goethem, médecin légiste
Une association : « La maison des femmes de Rennes » a été créée pour soutenir et promouvoir le développement de la prise en charge des femmes victimes de violences au CHU - lamaisondesfemmes35@gmail.com – Tél. 06 99 15 90 89
Des partenaires institutionnels et/ou associatifs : à Rennes, le tissu associatif est très riche, de nombreux acteurs ont été rencontrés pour leur présenter le projet, ils ont tous la volonté de s’y impliquer.
La Maison des femmes s’occupera de la santé des femmes et désignera un référent en charge du suivi global et régulier, de la transmission des infos afin qu’elles n’aient pas à répéter plusieurs fois leur histoire. Des réunions multidisciplinaires régulières permettront de construire au mieux les parcours de soin personnalisés pour chaque patiente.
Les patientes victimes de violences pourront bénéficier d’une prise en charge individuelle globale comprenant, en fonction de leurs besoins : psychologue, psychiatre, sexologue, gynécologue, médecine générale et légale, conseils conjugaux et familiaux... Complétée suivant les problématiques par la pédiatrie, le service d’addictologie, des spécialités médicales et chirurgicales...
Elles pourront également bénéficier d’une prise en charge collective au sein de la Maison des femmes via des ateliers animés par des professionnels de la MDF35 ou par des partenaires : groupes de paroles, ateliers psychocorporels, ateliers de reconstruction de l’estime de soi.
Par ailleurs, elles profiteront de ressources externes : conseils juridiques et accès aux droits, dispositifs d’aide aux victimes, d’aide aux femmes migrantes, permanences d’avocats spécialisés dans les violences intra-familiales, de la mise à l’abri et d’hébergement, de réinsertion professionnelle, etc. Le partenariat avec la police facilitera le dépôt de plainte.
La Maison des femmes de Rennes a la volonté de dupliquer la Maison des femmes de Saint-Denis et s'inscrit dans la dynamique nationale qu'elle a créée.