La chaumière de Joëlle et Armel Mandart est au bout d’un chemin creux, dans la campagne de Brec'h, en Pays d’Auray. Nous avons un peu tourné et Armel guettait notre arrivée. C’est autour de la vaste cheminée, confortablement installés dans de profonds canapés, que nous les écoutons dérouler le fil d’une vie consacrée au théâtre et à la musique. « Tu peux fumer à ton aise dans l’âtre, l’aspiration est garantie, lance Joëlle à Christophe, le photographe d’Histoires Ordinaires qui écrase discrètement son mégot ».
Théâtre et musique, passions mêlées
Au départ Joëlle et Armel avaient chacun un métier. Professeur de Français et Latin en collège et lycée pour Joëlle, psychologue en hôpital et expert auprès des tribunaux pour Armel. Mais depuis toujours ils nourrissent une passion pour l’écriture, le jeu théâtral et la musique. Ensemble, ils s’expriment d’abord à la compagnie dramatique des Cabaniers à Vannes. Mais le répertoire y est un peu trop classique. Alors, en 1988, ils fondent le « Théâtre du roi d’Argot » à Auray.
Durant dix sept ans, ils participent à la création de nombreux spectacles, souvent mis en scène par Armel. « Systématiquement, dans tous nos spectacles, nous mêlions théâtre et musique. J’écrivais souvent des chansons », se rappelle Armel dont nous découvrirons plus tard dans l’après midi qu’il excelle à l’accordéon, tâte du piano et joue en fanfare du saxo ténor.
Durant dix sept ans, ils participent à la création de nombreux spectacles, souvent mis en scène par Armel. « Systématiquement, dans tous nos spectacles, nous mêlions théâtre et musique. J’écrivais souvent des chansons », se rappelle Armel dont nous découvrirons plus tard dans l’après midi qu’il excelle à l’accordéon, tâte du piano et joue en fanfare du saxo ténor.
En 1992, Joëlle saute le pas
« J’en avais un peu ras le bol de passer mes week end à corriger les copies, explique-t-elle. On a fait nos comptes, les enfants étaient en fac. On s’est dit "tant pis même si on gagne moins, autant faire ce qui nous plait" ». Elle s’était formée à l’animation d’ateliers théâtre. Elle allait en faire son nouveau métier. Progressivement son activité monte en puissance sur toute la région. Les ateliers se multiplient et accueillent des enfants, des adolescents et même des adultes. Les mercredis mais aussi le soir, le week end. Armel n’est jamais loin. Ainsi à la MAL (Maison d’animation et des loisirs d’Auray) ils co-animent des ateliers, lui en bénévole, elle en professionnelle.
En parallèle, ils font vivre, avec une quinzaine d’autres comédiens amateurs le Théâtre du Roi d’Argot. « Nous options pour un théâtre de qualité, pas du mauvais boulevard, revendique Armel ». Ils montent des textes de Tardieu, Boris Vian. Sous le titre « Un, deux, trois soleil », il signe sa première adaptation sérieuse : le roman « Pluie d’été » de Marguerite Duras. « La troupe voulait jouer des textes qui servent à quelque chose ».
Ainsi, en 1995, la compagnie va se confronter à une question difficile. « Silence, on tue » - premier spectacle écrit par Armel - parle de l’inceste. « Alors que je travaillais en pédopsychiatrie depuis des années, je n’avais jamais vu un cas d’inceste, explique-t-il. J’ai pris conscience que l’on ne parlait jamais de cela au boulot. Les médecins et collègues minimisaient le problème quand on le soupçonnait. En revanche quand j’ai commencé les expertises au tribunal je me suis aperçu qu’il y en avait plein ».
La pièce met en scène une jeune fille de 14 ans. « Nous avions une comédienne de 18 ans qui faisait très jeune et a fait merveille dans le rôle », se rappelle Joëlle. Tandis qu’une autre comédienne, assistante sociale de métier, avait accepté d’animer un débat après chaque représentation. Ainsi le « Théâtre du roi d’Argot » met son art au service d’une cause sociale et fait œuvre éducative. A chaque spectacle, ils invitent des gendarmes, des juges, des médecins qui contribuent à éclairer la question. Ce fut un grand succès. Plus de 5 000 personnes on vu le spectacle en Bretagne, en région parisienne. A Auray, des salles pleines de plus de 700 spectateurs.
En parallèle, ils font vivre, avec une quinzaine d’autres comédiens amateurs le Théâtre du Roi d’Argot. « Nous options pour un théâtre de qualité, pas du mauvais boulevard, revendique Armel ». Ils montent des textes de Tardieu, Boris Vian. Sous le titre « Un, deux, trois soleil », il signe sa première adaptation sérieuse : le roman « Pluie d’été » de Marguerite Duras. « La troupe voulait jouer des textes qui servent à quelque chose ».
Ainsi, en 1995, la compagnie va se confronter à une question difficile. « Silence, on tue » - premier spectacle écrit par Armel - parle de l’inceste. « Alors que je travaillais en pédopsychiatrie depuis des années, je n’avais jamais vu un cas d’inceste, explique-t-il. J’ai pris conscience que l’on ne parlait jamais de cela au boulot. Les médecins et collègues minimisaient le problème quand on le soupçonnait. En revanche quand j’ai commencé les expertises au tribunal je me suis aperçu qu’il y en avait plein ».
La pièce met en scène une jeune fille de 14 ans. « Nous avions une comédienne de 18 ans qui faisait très jeune et a fait merveille dans le rôle », se rappelle Joëlle. Tandis qu’une autre comédienne, assistante sociale de métier, avait accepté d’animer un débat après chaque représentation. Ainsi le « Théâtre du roi d’Argot » met son art au service d’une cause sociale et fait œuvre éducative. A chaque spectacle, ils invitent des gendarmes, des juges, des médecins qui contribuent à éclairer la question. Ce fut un grand succès. Plus de 5 000 personnes on vu le spectacle en Bretagne, en région parisienne. A Auray, des salles pleines de plus de 700 spectateurs.
Ainsi naissent et prospèrent les "Editions les mandarines "
Ce succès marque un tournant pour Joëlle et Armel. Pourtant en pleine gloire, ils vont prendre de la distance avec la compagnie du roi d’Argot. « On commençait à trop s’institutionnaliser. Certains prenaient la grosse tête », constatent-ils alors. Tous deux animateurs de troupes, ils ont aussi un caractère très indépendants. Le Roi d’Argot continue sa vie, mais sans eux. « Ils font toujours un très bon travail avec une équipe renouvelée », tiennent-ils à préciser. Une autre aventure commence, celle des « Editions Les Mandarines » et de la compagnie du même nom.
Armel a écrit sa première pièce et Joëlle peine à trouver des œuvres écrites pour les enfants ou les adolescents. Ainsi est née, en 2001, l’idée de devenir éditeur de théâtre. 10 ans plus tard ce sont 40 pièces de 25 auteurs différents qui ont été éditées, pour des tirages entre 300 et 1000 exemplaires chacun. « On a baissé le nombre d’exemplaires parce que les techniques d’impression numériques permettent aujourd’hui – en restant économiques - des rééditions en petits nombres », précisent-ils.
Armel a écrit sa première pièce et Joëlle peine à trouver des œuvres écrites pour les enfants ou les adolescents. Ainsi est née, en 2001, l’idée de devenir éditeur de théâtre. 10 ans plus tard ce sont 40 pièces de 25 auteurs différents qui ont été éditées, pour des tirages entre 300 et 1000 exemplaires chacun. « On a baissé le nombre d’exemplaires parce que les techniques d’impression numériques permettent aujourd’hui – en restant économiques - des rééditions en petits nombres », précisent-ils.
L’édition théâtrale est une niche.
Moins d’une dizaine d’éditeurs de théâtre existent en France et les petits livrets oranges, bordés de verts, soigneusement imprimés, siglés « Les Mandarines » tiennent une bonne place aux rayons théâtre des bonnes librairies de l’Hexagone. Mais aussi en Belgique, au Québec « et même dans une ville du Kansas où la bibliothèque francophone nous commande une vingtaine d’exemplaire de chaque nouvelle édition », se réjouit Joëlle. Le site internet, monté et administré par leur fils, est un autre précieux vecteur de diffusion.
Joëlle et Armel font tout de A à Z : sélection des auteurs – « notre critère de choix est simple il faut que cela nous plaise » - ; conseil rédactionnel voire parfois réécriture, saisie du texte, mise en page, corrections… Seule l’impression est faite à l’extérieur. Malgré l’investissement que cela demande, le couple d’éditeur n’attend pas un revenu de cette activité. « Ce qui nous paye, ce sont les occasions de rencontres avec les auteurs, avec les lecteurs croisés quand nous sommes invités aux représentations, dans les librairies, les expositions et foires du livre, les festivals… ».
Sur ce modèle, la santé économique des éditions Les Mandarines est excellente, s’enorgueillit Joëlle. Tous les bénéfices sont réinvestis dans l’édition de nouvelles pièces au profit d’un nombre en continuelle extension d’auteurs. On a d’avance de quoi éditer sept ou huit nouveaux livrets. Chaque exemplaire est vendu 10 €. 10 % reviennent aux auteurs. Pour eux s'ajoutent les droits qu'ils toucheront à chaque représentation. « Du moins quand les troupes ont l’honnêteté de déclarer les spectacles à la SACD. Ce qui n’est pas le cas une fois sur deux » regrette la directrice des éditions. Armel a même constaté des soi-disant adaptations de ses textes, ou de pures copies, sous d’autres titres. Même en amateur, la triche existe !
14 livrets sont consacrés aux écrits d’Armel Mandart, dont la récente traduction en breton par Mona Ar Beg, de sa première pièce éditée : « Petites poucettes et autres contes », en breton « Meudigennig »,. Des auteurs d’un certain renom comme Gérard Levoyer, Jean Failler, Gérard Alle, Gérard Le Gouic sont au catalogue des éditions Les Mandarines. La demande d’auteurs est importante et la directrice de collection n’est jamais en peine pour programmer les nouvelles éditions. « Ce qu’on aime, précise Joëlle, ce sont les auteurs qui commencent en théâtre et que nous allons accompagner dans le temps ».
Joëlle et Armel font tout de A à Z : sélection des auteurs – « notre critère de choix est simple il faut que cela nous plaise » - ; conseil rédactionnel voire parfois réécriture, saisie du texte, mise en page, corrections… Seule l’impression est faite à l’extérieur. Malgré l’investissement que cela demande, le couple d’éditeur n’attend pas un revenu de cette activité. « Ce qui nous paye, ce sont les occasions de rencontres avec les auteurs, avec les lecteurs croisés quand nous sommes invités aux représentations, dans les librairies, les expositions et foires du livre, les festivals… ».
Sur ce modèle, la santé économique des éditions Les Mandarines est excellente, s’enorgueillit Joëlle. Tous les bénéfices sont réinvestis dans l’édition de nouvelles pièces au profit d’un nombre en continuelle extension d’auteurs. On a d’avance de quoi éditer sept ou huit nouveaux livrets. Chaque exemplaire est vendu 10 €. 10 % reviennent aux auteurs. Pour eux s'ajoutent les droits qu'ils toucheront à chaque représentation. « Du moins quand les troupes ont l’honnêteté de déclarer les spectacles à la SACD. Ce qui n’est pas le cas une fois sur deux » regrette la directrice des éditions. Armel a même constaté des soi-disant adaptations de ses textes, ou de pures copies, sous d’autres titres. Même en amateur, la triche existe !
14 livrets sont consacrés aux écrits d’Armel Mandart, dont la récente traduction en breton par Mona Ar Beg, de sa première pièce éditée : « Petites poucettes et autres contes », en breton « Meudigennig »,. Des auteurs d’un certain renom comme Gérard Levoyer, Jean Failler, Gérard Alle, Gérard Le Gouic sont au catalogue des éditions Les Mandarines. La demande d’auteurs est importante et la directrice de collection n’est jamais en peine pour programmer les nouvelles éditions. « Ce qu’on aime, précise Joëlle, ce sont les auteurs qui commencent en théâtre et que nous allons accompagner dans le temps ».
Le mystère Lara Mary Tredman
Parmi les auteurs Mandarines, une mystérieuse Irlandaise, Lara Mary TREDMAN, défraya la chronique des ateliers théâtre alréens. Sa pièce « Les Madeleines » évoque la vie en Irlande de jeunes filles délinquantes que l’on cachait, jusque dans les années 90, dans des institutions fermées. Les jeunes élèves de l’atelier théâtre animé par Armel s’étaient prises d’admiration pour l’écrivaine irlandaise et son sujet. Pensant l’inviter à une représentation, elles furent fort déçues en découvrant la supercherie de leur animateur théâtre. Jouant les « Romain Gary », Armel se cachait depuis deux ans derrière ce pseudonyme pour signer une pièce dont il jugeait le texte très impliquant.
Musique et théâtre ne font qu’un
Auteur de théâtre prolifique (plus de 25 pièces ou scénarios de spectacles), Armel Mandart est très joué par les troupes amateurs. Mais ce qu’il préfère par dessus tout, c’est monter lui même le spectacle. La troupe du « théâtre mandarine » tourne en ce moment « Disparaître ». « Une pièce sur l’homosexualité enfin assumée ». Jouée par 6 comédiennes et 5 comédiens, le spectacle associe un orchestre de cordes de plus de 30 exécutants pour les intermèdes musicaux.
Car la musique est l’autre passion associée d’Armel. « Enfant je rêvais d’apprendre le piano, mais mon père pensait que c’était un instrument de riche, alors il m’inscrivit au cours d’accordéon ». Longtemps Armel lui en voulut secrètement mais quand on entend les accents slaves et jazzy qu’il tire du piano à bretelle on se réjouit pour lui des choix paternels.
Si vous voulez apprécier les talents musicaux et d’auteur de chanson d’Armel, ne loupez pas les spectacles produits par l’association Kan Digor (chant libre), notamment Chal ha Dichal (tous les pays sont d’ici) avec Thierry Gahinet, Michelle Padellec qu’il accompagne et dont il harmonise les chansons. Armel est aussi un des piliers de la Fanfare du Bono, allias « les dédés en bulles » que dirige sa fille Gaëlle.
Vous ne pouvez plus ignorer que poussent à Brec’h, en pays d’Auray (Bretagne) de succulentes « Mandarines ».
Alain Jaunault
Photos :
Christophe Lemoine
Car la musique est l’autre passion associée d’Armel. « Enfant je rêvais d’apprendre le piano, mais mon père pensait que c’était un instrument de riche, alors il m’inscrivit au cours d’accordéon ». Longtemps Armel lui en voulut secrètement mais quand on entend les accents slaves et jazzy qu’il tire du piano à bretelle on se réjouit pour lui des choix paternels.
Si vous voulez apprécier les talents musicaux et d’auteur de chanson d’Armel, ne loupez pas les spectacles produits par l’association Kan Digor (chant libre), notamment Chal ha Dichal (tous les pays sont d’ici) avec Thierry Gahinet, Michelle Padellec qu’il accompagne et dont il harmonise les chansons. Armel est aussi un des piliers de la Fanfare du Bono, allias « les dédés en bulles » que dirige sa fille Gaëlle.
Vous ne pouvez plus ignorer que poussent à Brec’h, en pays d’Auray (Bretagne) de succulentes « Mandarines ».
Alain Jaunault
Photos :
Christophe Lemoine