« Il n'a pas convaincu parce que son programme était austère. Il promettait "des larmes et du sang" quand les autres parlaient de lendemains qui chantent sans nécessairement aborder les vrais sujets», avance Annie, enseignante.
Mais pour certains, le manque de qualités intrinsèques de François Bayrou explique en partie la faiblesse du score. Pour Martin, primo votant, « il n'a clairement pas les épaules. Il y a un gros manque de charisme le concernant, ce qui est dommage pour un parti qui aurait beaucoup à offrir». Une analyse que rejoint en partie Jaoven, 31 ans, pour qui Bayrou « n'a pas le charisme de certains lors de ses interventions télévisées; et puis, il y a eu un manque de communication et d'explications sur son programme».
Vladimir, 30 ans, est presque dur à l'égard du candidat Modem : « Il est trop calme, n'a pas assez de poigne contre les poids lourds, paraît trop lisse et trop terre à terre, il ne suscite pas l'espoir».
«Tourné en ridicule dans les médias»
« Il a avant tout cherché à avancer des idées, via des discours et des meetings constructifs, mais qui ne convenaient peut-être pas à ce que recherchent les médias puisqu'il n'y avait pas de phrase choc», pense Olivier, 24 ans. « Difficile pour lui de se faire entendre quand les médias et certains hommes politiques ne cessent de répéter que le centre n’existe pas » ajoute Christian, 50 ans.
Pour Martin et Jaoven, ce sont surtout les attaques humoristiques qui lui ont été néfastes. « Il est trop souvent tourné en ridicule dans les médias, présenté comme le "bouffon aux grandes oreilles"» insiste Jaoven. « Il est totalement décrédibilisé dans des émissions comme le Petit Journal ou les Guignols. Ca joue énormément sur le jugement de beaucoup de jeunes», renchérit Martin.
Au point d'influer jusque sur le moral et la confiance du candidat lui-même? C'est en tout cas ce que pense Yves-Loïc, 37 ans, pour qui il a semblé y avoir « une forme de défaitisme dans la bouche de François Bayrou, comme si, face aux sondages à la baisse, il avait lui-même abdiqué ».
«Dans mon entourage on a décroché»
« Il y a une surenchère de la part du candidat UMP face à l'immobilisme de l'autre, deux styles différents pour deux stratégies bien, trop même, ficelées par les responsables de la communication », analyse Yves-Loïc. « Les deux donnent l'impression d'avoir évité jusqu'à présent les questions essentielles dont on savait d'avance que les réponses ne seraient pas forcément reluisantes», pense pour sa part Olivier.
Au point de pousser certains à ne plus réellement s'y intéresser. C'est par exemple le cas de Meggy, 25 ans, qui « ne cherche plus forcément à creuser pour avoir des infos. J'en ai un peu ma claque, là. J'ai l'impression qu'on nous en a déjà tellement mis dans la tête pour le premier tour que je sature. »
Pour la majorité des électeurs centristes, le choix pour le second tour est fait depuis longtemps et ne risque pas d'évoluer. Et il est, à l'image des enquêtes d'opinion de ces derniers jours concernant les électeurs Modem : très divers.
« En ce qui me concerne, je voterai blanc. Je vote en effet contre Sarkozy, du fait de son bilan, et contre Hollande, du fait des divergences entre son programme et celui de Bayrou, en particulier sur le volet budgétaire », explique Olivier. « Je voterai blanc. Je sais que ce n'est pas forcément le meilleur choix, mais je n'ai envie de voter ni pour Sarkozy ni pour Hollande », renchérit pour sa part Meggy.
Pour d'autres, même s'il s'agit dans tous les cas d'un choix par défaut, si ce n'est du « moins pire », c'est le président sortant qui remporte leurs suffrages, comme l'explique Christian pour qui il s'agit de choisir « le moindre mal et peut-être le plus apte à nous sortir de la crise ». Aux yeux de Vladimir en revanche, pas de doute possible, « Sarkozy a eu sa chance et l'a brûlée. Donnons la sienne à Hollande ». « J'envisageais de voter Hollande à contrecoeur, bien que traditionnellement de droite. La dérive raciste, style FN, de Sarkozy m'est insupportable. Cela m'a confortée dans ce choix », réagit de son côté Annie.
Martin, qui vit à l'étranger, a tenté de suivre attentivement ses premières présidentielles. Il comptait sur le débat de mercredi pour enfin se faire une idée sur les deux finalistes. Mais, jeudi matin, il ne se sentait pas plus avancé. Il a trouvé le débat globalement « inintéressant ». « Les deux ont été trop dans l'extrême, presque la caricature. Ça m'énerve, ça m'attriste pour l'avenir », dit-il.
Dans tous les cas, tous, à l'image d'Annie, ils n'espèrent qu'une chose : « Vivement que ce show se termine et qu'on se remette au travail pour résoudre les vrais problèmes! ».
Erwan Lucas