La rencontre a été simple, comme toujours au Portugal. D'autant plus que l'idée est venue de Georges Dussaud. Les Portugais adorent le photographe humaniste français. Il capte si sensiblement l'âme profonde du pays que les habitants de Bragança, notamment, ont créé un centre photographique à son nom pour ne rien perdre du miroir qui leur offre. Alors quand Georges a téléphoné à Antonio, celui n'a pas tardé à arriver. Et Antonio nous a emmenés à Varge voir Fernando.
Fernando Tiza est l'un des quelque quarante fabricants de masques de la région de part et d'autre de la frontière hispano-portugaise. Bragança et ses environs en rassemblent une petite vingtaine à eux seuls, c'est dire si les mascaradas y restent vivaces. Fernando nous a entraînés dans son vieil atelier encombré, habité, animé par ces visages de métal qu'il a martelé, percé, peint d'un rouge vif : « La couleur des charrettes à bœuf », précise Antonio.
Fernando Tiza est l'un des quelque quarante fabricants de masques de la région de part et d'autre de la frontière hispano-portugaise. Bragança et ses environs en rassemblent une petite vingtaine à eux seuls, c'est dire si les mascaradas y restent vivaces. Fernando nous a entraînés dans son vieil atelier encombré, habité, animé par ces visages de métal qu'il a martelé, percé, peint d'un rouge vif : « La couleur des charrettes à bœuf », précise Antonio.
Le manuel et l'intellectuel
Pendant que Fernando enfonce sa perceuse dans un masque en devenir, Antonio commente. « Les masques, dit-il, représentent des êtres supérieurs. Depuis les temps les plus anciens, ils permettent de dire des choses en toute liberté. C'est peut-être religieux, on célébrait ainsi le renouveau de la nature lors du solstice d'hiver, mais ce n'est pas chrétien : par la suite, la religion chrétienne a greffé dessus la naissance de Jésus. »
Peu à peu, on devine qu'Antonio en connaît beaucoup. L'homme qui distille tranquillement ses commentaires est un expert masqué. Chez les frères Tiza, Fernando est le manuel, le façonnier, le travailleur : pendant vingt ans, il a fabriqué ses masques en marge de son travail à l'usine de pots d'échappement Faurecia ; aujourd'hui il continue entre les ramassages de ses châtaignes et ses diverses activités de retraité. Antonio, lui, est l'intellectuel, il n'a cessé d'étudier la tradition des masques.
Peu à peu, on devine qu'Antonio en connaît beaucoup. L'homme qui distille tranquillement ses commentaires est un expert masqué. Chez les frères Tiza, Fernando est le manuel, le façonnier, le travailleur : pendant vingt ans, il a fabriqué ses masques en marge de son travail à l'usine de pots d'échappement Faurecia ; aujourd'hui il continue entre les ramassages de ses châtaignes et ses diverses activités de retraité. Antonio, lui, est l'intellectuel, il n'a cessé d'étudier la tradition des masques.
Théâtre de rue et critique sociale
Fernando
Antonio Pinelo Tiza, professeur de lycée dans la vie, a réalisé une thèse devenue un livre de quelque 350 pages, "Mascaradas e Pauliteiros" où il pose un double regard d'ethnographe et d'éducateur. Il est aussi président de l'Académie ibérica da mascara. Présente au Portugal et en Espagne, au Brésil aussi, l'académie rassemble une cinquantaine d'érudits qui l'ont créée en 2007 pour défendre cette tradition millénaire. « Il y a une quinzaine d'années, elle avait tendance à disparaître... », note Antonio.
« Tous les ans, poursuit-il, les jeunes garçons sélectionnent divers évènements, ils écrivent, mémorisent, racontent sous leurs masques. Sous la forme de théâtre de rue, cela reste de la critique sociale. » Antonio Tiza a conservé ces écrits « depuis quarante ans ». Quarante ans d'histoires au quotidien. Même s'il s'agit d'un rite de passage, même si les jeunes garçons célibataires utilisent aussi - parfois surtout - leur camouflage pour tenter d'émoustiller les jeunes filles du coin, il y a là une forme vivante de démocratie locale.
« Tous les ans, poursuit-il, les jeunes garçons sélectionnent divers évènements, ils écrivent, mémorisent, racontent sous leurs masques. Sous la forme de théâtre de rue, cela reste de la critique sociale. » Antonio Tiza a conservé ces écrits « depuis quarante ans ». Quarante ans d'histoires au quotidien. Même s'il s'agit d'un rite de passage, même si les jeunes garçons célibataires utilisent aussi - parfois surtout - leur camouflage pour tenter d'émoustiller les jeunes filles du coin, il y a là une forme vivante de démocratie locale.
Une tradition revenue avec la démocratie
Antonio
La millénaire tradition a donc parfois été interrompue. Notamment durant les quelque 50 ans de dictature subie par les Portugais avant que la Révolution des Œillets vienne les libérer au printemps 1974. « La PIDE (la police d'État) n'aimait pas ne pas savoir ce qui se passait dans les villages ; il faut dire aussi que les jeunes étaient envoyés en Afrique faire la guerre, ce n'était pas une période pour faire la fête... Dès 1974, j'ai mis le masque ! »
Depuis, la passion des deux frères n'a jamais faibli. Du solstice au nouvel an, de la rue à l'église, les deux retraités vont être de nouveau aux premières loges des mascarades, Fernando l'œil sur ses masques, Antonio l'oreille attentive à la richesse, à l'ivresse parfois, des mots. En tout état de cause, on devrait rester loin des Saturnales et Dionysiaques qui, au solstice d'hiver, égayaient les rues de Bragança aux temps romains.
Michel Rouger
Photos Marie-Anne Divet
Depuis, la passion des deux frères n'a jamais faibli. Du solstice au nouvel an, de la rue à l'église, les deux retraités vont être de nouveau aux premières loges des mascarades, Fernando l'œil sur ses masques, Antonio l'oreille attentive à la richesse, à l'ivresse parfois, des mots. En tout état de cause, on devrait rester loin des Saturnales et Dionysiaques qui, au solstice d'hiver, égayaient les rues de Bragança aux temps romains.
Michel Rouger
Photos Marie-Anne Divet
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