Lors de notre voyage d’un an à travers le monde, nous avons choisi de participer au Wwoofing, le réseau mondial de fermes bio où, en échange de quelques heures de travail, les hôtes offrent gîte et couvert et surtout partagent leur savoir-faire et leur quotidien : rien de mieux pour découvrir les cultures! Accueillis chez Marie-Thérèse et Pierre, nous avons découvert une famille incroyable mais aussi un sacré projet de vie.
La maison, solidement plantée au bord du fjord du Saguenay, paraît exister depuis toujours. Pourtant, le couple a bien baroudé avant de travailler la terre. Tout en m’expliquant comment enlever les doryphores des pommes de terre, Marie-Thérèse Thévard raconte :
« À 20 ans, j’ai découvert l’alimentation saine, puis les idées de Gandhi que j’ai approfondies en visitant les communautés de l’Arche de Lanza del Vasto. L’alimentation saine implique la fraîcheur des aliments. Pour moi, qui venait d’un milieu agricole, il allait de soi que, si je voulais des produits frais, j’avais juste à les produire. S’est rattaché à ça l’équité, l’écologie, l’égalité, la protection de la nature, les problèmes énergétiques… »
La maison, solidement plantée au bord du fjord du Saguenay, paraît exister depuis toujours. Pourtant, le couple a bien baroudé avant de travailler la terre. Tout en m’expliquant comment enlever les doryphores des pommes de terre, Marie-Thérèse Thévard raconte :
« À 20 ans, j’ai découvert l’alimentation saine, puis les idées de Gandhi que j’ai approfondies en visitant les communautés de l’Arche de Lanza del Vasto. L’alimentation saine implique la fraîcheur des aliments. Pour moi, qui venait d’un milieu agricole, il allait de soi que, si je voulais des produits frais, j’avais juste à les produire. S’est rattaché à ça l’équité, l’écologie, l’égalité, la protection de la nature, les problèmes énergétiques… »
Créer une communauté
Pierre Gilbert, quant à lui, après avoir voyagé aux États-Unis puis en Europe, a rencontré Marie-Thérèse dans la ferme bio où elle travaillait. Il était venu faire les saisons pour payer son voyage en Inde. Finalement, ils sont partis ensemble : « Le thème m’intéressait, c’était un pèlerinage sur les pas de Gandhi. Nous avons rencontré des disciples de Gandhi qui avaient participé à des luttes non-violentes et qui faisaient un travail impressionnant auprès des plus pauvres. C’est sûr que ce voyage n’a fait que nous conforter dans notre idée de fonder quelque chose inspiré de ses idées. »
À leur retour en France, ils continuent leur tournée des communautés de l’Arche puis Pierre repart au Québec. Quand Marie-Thérèse le rejoint, il a acheté un magasin d’alimentation saine à La Baie. Marie-Thé explique : « C’était un peu le début de notre GREB (Groupe de recherches écologiques de La Baie) : l’idée était d’avoir un magasin afin de vendre les produits que nous aurions cultivés dans la communauté que nous voulions fonder. »
Environ un an après, ils trouvent un terrain à vendre. « Nous avons réuni quelques personnes intéressées par le projet. Nous avons loué cette parcelle de terre avec option d’achat et, durant tout l’hiver, nous avons mis sur papier le projet que nous voulions monter, quel genre de groupe ou de communauté nous voulions être. Nous n'avons pas choisi une communauté de l’Arche à cause de sa connotation religieuse. »
À leur retour en France, ils continuent leur tournée des communautés de l’Arche puis Pierre repart au Québec. Quand Marie-Thérèse le rejoint, il a acheté un magasin d’alimentation saine à La Baie. Marie-Thé explique : « C’était un peu le début de notre GREB (Groupe de recherches écologiques de La Baie) : l’idée était d’avoir un magasin afin de vendre les produits que nous aurions cultivés dans la communauté que nous voulions fonder. »
Environ un an après, ils trouvent un terrain à vendre. « Nous avons réuni quelques personnes intéressées par le projet. Nous avons loué cette parcelle de terre avec option d’achat et, durant tout l’hiver, nous avons mis sur papier le projet que nous voulions monter, quel genre de groupe ou de communauté nous voulions être. Nous n'avons pas choisi une communauté de l’Arche à cause de sa connotation religieuse. »
Perd-on en qualité de vie en vivant seulement d’énergies renouvelables ?
En juin 1990, avec une partie du groupe et d’autres personnes non adhérentes susceptibles de vendre leur part plus tard, ils passent à l'achat. Il est décidé que chacun aura sa maison et son espace privé. « Pierre avait vu plusieurs communautés où les jardins étaient communs. Mais ce sont toujours les mêmes qui se lèvent tôt et travaillent le plus. Donc, il a été décidé que chaque famille produirait ce qu’elle aurait envie de consommer. » Dans l’écohameau, l’entraide et le partage sont encouragés par divers projets menés en commun : coupes de bois, équipements, fêtes ou encore, par exemple, la construction d'un four à pain.
À la naissance du GREB et de l'écohameau, on ne savait pas quand allait s’amorcer le déclin des ressources. « Cela n’importait pas mais notre démarche était éthique : nous croyions que notre système basé sur l’épuisement des ressources sans égard aux générations futures était inacceptable et qu’il importait d’explorer des alternatives sans tarder », comme on peut le lire sur le site du GREB. Ils ne se lancent pas pour échapper eux-mêmes à une catastrophe mais pour expérimenter, essayer, diffuser réussites et échecs : bref, ils veulent créer un laboratoire de vie.
Dès la première année, ils utilisent les ressources renouvelables et les plus locales possibles : bois ou solaire passif pour le chauffage des maisons et de l’eau domestique, toilette à compost… Ils essaient d’atteindre une certaine autosuffisance alimentaire (œufs, lait, viande, potager, etc.) mais aussi une autoproduction énergétique. Par ailleurs, ils commencent une collection précieuse d’outils et d'engins de culture en train de disparaître à cause de la production de masse.
À la naissance du GREB et de l'écohameau, on ne savait pas quand allait s’amorcer le déclin des ressources. « Cela n’importait pas mais notre démarche était éthique : nous croyions que notre système basé sur l’épuisement des ressources sans égard aux générations futures était inacceptable et qu’il importait d’explorer des alternatives sans tarder », comme on peut le lire sur le site du GREB. Ils ne se lancent pas pour échapper eux-mêmes à une catastrophe mais pour expérimenter, essayer, diffuser réussites et échecs : bref, ils veulent créer un laboratoire de vie.
Dès la première année, ils utilisent les ressources renouvelables et les plus locales possibles : bois ou solaire passif pour le chauffage des maisons et de l’eau domestique, toilette à compost… Ils essaient d’atteindre une certaine autosuffisance alimentaire (œufs, lait, viande, potager, etc.) mais aussi une autoproduction énergétique. Par ailleurs, ils commencent une collection précieuse d’outils et d'engins de culture en train de disparaître à cause de la production de masse.
Tout ce qui peut être composté est récupéré
En 1994, un physicien, Patrick Déry, achète une part au GREB et vient y habiter deux ans après. Il commence une maisonnette en ballots de paille mais trouve la construction trop longue. Avec un diplômé en architecture, Martin Simard, il invente une technique rapide et accessible à tous, la « technique GREB », un système de construction avec bois, paille, mortier et liaisons métalliques qui est performant sur le plan thermique mais aussi économique et durable. En 2001, Marie-Thé et Pierre construisent ainsi leur maison, pour eux et leurs quatre enfants.
Patrick Déry travaille aussi sur le pic qui frappe la production du phosphore, cette ressource qui, comme le pétrole, est non renouvelable et donc épuisable, moins médiatisée mais tout aussi cruciale. Patrick Déry est en pointe sur le sujet et le GREB avec lui. En 2007, il publie ses premières études. Il souligne que « toute la fertilité de la production agricole actuelle, même bio, est basée sur l’extraction de phosphate de roche » (à lire en ligne ici). Il n'y a pas de substitut au phosphore, il convient donc de ne pas épuiser les sols.
Dans les maisons de l’écohameau, tout ce qui peut être composté est récupéré : fumiers, déchets de table, matières fécales, éventuellement les vêtements faits de fibres naturelles… « Il ne doit y avoir aucune perte de matière si on ne veut pas appauvrir nos terres », commente Marie-Thé.
Patrick Déry travaille aussi sur le pic qui frappe la production du phosphore, cette ressource qui, comme le pétrole, est non renouvelable et donc épuisable, moins médiatisée mais tout aussi cruciale. Patrick Déry est en pointe sur le sujet et le GREB avec lui. En 2007, il publie ses premières études. Il souligne que « toute la fertilité de la production agricole actuelle, même bio, est basée sur l’extraction de phosphate de roche » (à lire en ligne ici). Il n'y a pas de substitut au phosphore, il convient donc de ne pas épuiser les sols.
Dans les maisons de l’écohameau, tout ce qui peut être composté est récupéré : fumiers, déchets de table, matières fécales, éventuellement les vêtements faits de fibres naturelles… « Il ne doit y avoir aucune perte de matière si on ne veut pas appauvrir nos terres », commente Marie-Thé.
Témoigner qu'un autre mode de vie est possible
Leur laboratoire de vie écologique fonctionne, preuves à l'appui. Marie-Thé est surtout présente sur la ferme, Pierre travaille pour l'entreprise Feu vert, spécialisée dans les foyers de masse. À côté de cela, le fonctionnement démocratique au sein du GREB reste une préoccupation constante, encore davantage aujourd’hui avec l’arrivée de nouveaux adhérents dans l’écohameau. Marie-Thérèse s'interroge toujours : « Quelle méthode adopter ? Le mieux est l’unanimité, mais elle n’est pas toujours facile à atteindre. Il y a aussi le consensus, mais si une personne bloque, ça peut prendre beaucoup de temps. C’est pour ça que nous regardons vers la sociocratie et la méthode N-Street qui vient de la communauté du même nom en Californie. Nous avons aussi découvert la communication non-violente de Marshall Rosenberg il y a une dizaine d'années et elle nous a bien servi lors d'un conflit majeur en 2004. Lors de nos prochaines réunions, nous allons voir quelle méthode nous pouvons adopter. »
Pour conclure, j'ai demandé à Marie-Thérèse Thévard et Pierre Gilbert, 52 et 54 ans aujourd'hui, leurs joies et leur difficultés dans la diffusion de leurs idées. Réponse : « Nous n’avons jamais vraiment cherché à convaincre mais plutôt à témoigner qu’un autre mode de vie était possible. Le GREB est un groupe de recherches écologiques et dans ce sens, nous voulions savoir comment il était possible de vivre de manière écologique au Saguenay. Est-ce que nous pourrions avoir une nourriture diversifiée et équilibrée? Pourrions-nous avoir le confort dans nos maisons sans devoir se lever la nuit pour chauffer le poêle, par exemple, et sans avoir une consommation excessive d’énergie ? Notre objectif était d’abord de chercher et d'expérimenter jusqu'où nous pourrions aller dans un mode de vie basé sur les ressources renouvelables et ensuite de témoigner et d’éduquer ceux qui le demandent et qui ont un intérêt. Nous n’interpellons pas, mais nous partageons et répondons quand les gens se sentent interpellés. »
Aude Schmuck
POUR ALLER PLUS LOIN
L'association française APPROCHE-paille forme à la construction selon la technique du GREB : une approche libre de droit du bâtiment écologique sans démarche commerciale, elle est reproductible sans condition par tous les auto-constructeurs. L’association a été créée par deux neveux de Marie-Thérèse Thévard venus aider à la construction de leur maison en 2001. Ils ont écrit un livre « Construire sa maison en paille selon la technique du GREB » (éditions À contrevent) et organisent des formations : par leur biais, la technique GREB est devenue connue, davantage d’ailleurs en France et en Europe qu’au Québec.
Pour conclure, j'ai demandé à Marie-Thérèse Thévard et Pierre Gilbert, 52 et 54 ans aujourd'hui, leurs joies et leur difficultés dans la diffusion de leurs idées. Réponse : « Nous n’avons jamais vraiment cherché à convaincre mais plutôt à témoigner qu’un autre mode de vie était possible. Le GREB est un groupe de recherches écologiques et dans ce sens, nous voulions savoir comment il était possible de vivre de manière écologique au Saguenay. Est-ce que nous pourrions avoir une nourriture diversifiée et équilibrée? Pourrions-nous avoir le confort dans nos maisons sans devoir se lever la nuit pour chauffer le poêle, par exemple, et sans avoir une consommation excessive d’énergie ? Notre objectif était d’abord de chercher et d'expérimenter jusqu'où nous pourrions aller dans un mode de vie basé sur les ressources renouvelables et ensuite de témoigner et d’éduquer ceux qui le demandent et qui ont un intérêt. Nous n’interpellons pas, mais nous partageons et répondons quand les gens se sentent interpellés. »
Aude Schmuck
POUR ALLER PLUS LOIN
L'association française APPROCHE-paille forme à la construction selon la technique du GREB : une approche libre de droit du bâtiment écologique sans démarche commerciale, elle est reproductible sans condition par tous les auto-constructeurs. L’association a été créée par deux neveux de Marie-Thérèse Thévard venus aider à la construction de leur maison en 2001. Ils ont écrit un livre « Construire sa maison en paille selon la technique du GREB » (éditions À contrevent) et organisent des formations : par leur biais, la technique GREB est devenue connue, davantage d’ailleurs en France et en Europe qu’au Québec.