Pédagogue par conviction, philosophe par état, paysan par essence
« Pierrot, mon gosse, mon frangin, mon poteau… » comme chante Renaud. Avec lui, tout commence toujours par une chanson. Parce que Pierrot Amoureux (« si, si, je vous assure, Pierrot est bien mon prénom, et Amoureux, c’est mon nom ! ») a gardé la tête dans les étoiles. Pédagogue par conviction, philosophe par état, paysan par essence, il sillonne la France de long en large et les territoires d’Outre-mer pour que l’on reconnaisse la compétence de tous, surtout de celles et de ceux que l’on a pendant des années oubliés.
« Considérez chacun, comme s’il était déjà ce qu’il pourrait être et il vous permettra de devenir ce que vous-même, vous êtes ». C'est ainsi qu'il signe ses courriels. Pierrot Amoureux est comme ça, persuadé qu’il y a, en chacun de nous, un talent qui peut germer, une compétence, une richesse qui peut s’épanouir. « Qu’tu sois fils de princesse ou qu’tu sois fils de rien, tu s’ras fils de tendresse… », chante aussi Renaud (2).
« Comme ma sœur, je suis né au Theil de Bretagne le 26 décembre 1950 d'un papa menuisier-charron et d'une maman couturière requalifiée en comptable. Jeune, j'ai apprécié le théâtre et l'engagement au sein de mouvements d’éducation populaire comme le MRJC. » Ainsi commence l'histoire de Pierrot qui trouve dans son terroir, le sens du collectif, de la belle ouvrage et du travail en commun : « C'est tellement plus riche de faire avec les autres. Les choses ont meilleur goût quand elles sont partagées. »
« Comme ma sœur, je suis né au Theil de Bretagne le 26 décembre 1950 d'un papa menuisier-charron et d'une maman couturière requalifiée en comptable. Jeune, j'ai apprécié le théâtre et l'engagement au sein de mouvements d’éducation populaire comme le MRJC. » Ainsi commence l'histoire de Pierrot qui trouve dans son terroir, le sens du collectif, de la belle ouvrage et du travail en commun : « C'est tellement plus riche de faire avec les autres. Les choses ont meilleur goût quand elles sont partagées. »
Les pieds dans le terroir
À partir de la seconde, ses parents l'incitent à suivre une formation de menuisier, histoire de rester dans la lignée familiale. Titulaire du CAP, il entre comme ouvrier dans une petite entreprise artisanale. Très vite, il est habité par l'idée que l'on peut faire plus en permanence, appréciant ce lien entre théorie et pratique. Il suit alors des cours par correspondance, devient métreur au bout de cinq ans, dans un bureau d'études à Retiers (Ille-et-Vilaine). Il va exercer ce métier pendant une quinzaine d'années, tout en suivant, chaque samedi, des cours d'architecture à l'école des Beaux-arts de Rennes.
Son thème de formation : « Pédagogie et architecture ». « J'appréciais alors l'idée de faire correspondre un habitat à ses occupants. » Sa femme Marie-Liliane et lui ont plaisir à emmener régulièrement leurs trois filles à la montagne en centre de vacances autogéré, une école d'apprentissage de l'autonomie : « On est ce qu'on est parce que nos conjoints et compagnons de route sont ce qu'ils sont. C’est ensemble que nous nous réalisons. »
Découvrons notre potentiel, dit l'ancien artisan
« On apprend toujours seul, mais jamais sans les autres. »
Pierrot se passionne pour les démarches de développement personnel, « tout ce qui se passe dans notre tête lorsqu'on apprend ». À 40 ans, il obtient une licence en sciences de l'éducation, quitte le cabinet d'architecture pour intégrer le Greta de Vitré et s'engager dans la formation continue des adultes. On lui confie d'abord la mise en place d'une formation de menuisier puis la formation des adultes dans le cadre des ARL, ateliers de raisonnement logique.
Les ARL sont fondés sur le principe de l’éducabilité cognitive ou, pour le dire simplement, comment faire prendre conscience aux gens de tous leurs potentiels : « C’est aider à être en permanence dans une zone proximale de développement. Apprendre c'est aussi construire des structures qui permettent de continuer à apprendre. On apprend toujours seul, mais jamais sans les autres. »
Ce programme, lancé par le Cafoc, centre académique de formation continue, trouvait sens dans la suite du parcours. Pierrot Amoureux est d'ailleurs, depuis une dizaine d'années, secrétaire national du collectif ARL. À 50 ans, il décroche son Capes d'Ingénierie de la formation, preuve s’il en faut que l’on se forme tout au long de la vie.
L'économie sociale et solidaire pour se reconstruire
Devenu adjoint dans sa commune, il découvre les structures d’insertion par l’activité économique, notamment le Relais, association intermédiaire à Retiers, créée en 1986, qui propose des missions de travail aux demandeurs d'emploi : « Il s'agit de proposer des situations de travail dynamisantes et reconstructives pour les personnes dans leur identité. C'est parfois ré apprendre à faire son métier d'Homme ».
L'association avait lancé fin 2008, un chantier d'insertion en maraîchage biologique au Theil de Bretagne puis un parc de prêt de scooters et un jardin social. Pierrot intègre le conseil d'administration et en est élu président. « On est en permanence sur des chemins de co-errance avant de trouver la cohérence personnelle et collective. L'essentiel est dans ces petits gestes du quotidien, là où nous vivons. Ils nous permettent peu à peu de cristalliser ce qui va être essentiel pour nous. Ce que l'on fait est toujours plus que ce que l'on montre. En permettant aux personnes de prendre conscience de ce qu'elles font, on leur permet de prendre conscience de ce qu'elles sont. En retour, elles nous le permettent pour nous-mêmes. C'est la réciprocité… »
Animateur de « Différent et Compétent »
En 2002, il rencontre le projet Différent et Compétent élaboré pour reconnaître les compétences des ouvrières et ouvriers d’esat (1) et d’entreprises adaptées. Née en Bretagne, la démarche a depuis essaimé dans presque toute la France. Au sein du collectif interrégional qui s'est constitué, Pierrot Amoureux, sans relâche, sillonne les routes de France pour former, veiller au respect des valeurs fondatrices et assurer la pérennité du dispositif : « Les différents acteurs sont devenus les réels auteurs de la démarche et de son actualisation permanente. On acquiert seulement ce que l'on partage. »
Partout, les témoignages de satisfaction, toujours de grandes émotions, pleuvent à foison : « On ne m'avait jamais dit que j'étais capable ! Je ne savais pas que je savais faire tout ça. Je suis fier d'être reconnu dans mes compétences. » « C’est, poursuit Pierrot, une aventure dans laquelle nous avons tous beaucoup appris en marchant. Il y a une volonté forte de positionner chacun comme chercheur du quotidien, de faire participer tout le monde là où il est dans sa richesse avec un questionnement ouvert, facilitant l'expression avec ses mots… Comment rejoindre l'autre, là où il a quelque chose à m'apprendre ? C’est un travail d'équipes et de réseau dans la "simplexité". »
Reconnaître chez tous les acquis de l'expérience
Tout le monde peut s'élever…
Optimiste permanent, Pierrot, ne manque pour rien au monde les moments en famille, les événements de son terroir comme la foire de matériel agricole d'occasion, l'implication dans la mise en place d'un lycée de proximité, d'un foyer de vie, la pièce de théâtre des salariés du chantier d'insertion… la venue de la presse pour faire le cidre ! « Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin… »
Même si l’heure de la retraite a sonné, son combat militant se poursuit. Ce qui le passionne : contribuer à faire émerger, du droit à travailler, le droit à penser puis, celui à se penser, à exister. « Rien n'arrête une idée dont l'heure est venue », disait Victor Hugo…. Pierrot Amoureux est sur de nombreux fronts. Il est ainsi responsable de la commission emploi au sein du conseil de développement du pays de Vitré-Porte de Bretagne, espace de démocratie participative :
« Nous émettons des avis et des propositions sur les actions lancées par le Pays, mais nous cherchons aussi à en évaluer leur portée. C’est un bon endroit pour réfléchir à d’autres manières d’envisager la richesse, l’insertion de ceux qui sont en difficulté, le mieux vivre au sein d'un territoire… Il s'agit d'inscrire nos actions à la fois dans le réel et le quotidien mais aussi dans des espaces de réflexion politique. Ce sont ces échanges, qu’il faut susciter car ils nous transforment… C'est sans doute cela qui permet de contribuer modestement à… changer le monde. »
Ce soir, c’est dimanche. Pierrot a déjà fait son sac. Juste le nécessaire pour la semaine. Demain Lille, mercredi, Strasbourg avant de rentrer à la maison, toujours. Insatiable et infatigable… tant que la reconnaissance des acquis de l’expérience ne sera pas inscrite au droit commun, accessible à tous : « La vie est un parcours inachevé et inachevable… »
Tugdual Ruellan
(1) Esat : entreprise et service de travail adapté (anciennement nommés CAT)
(2) « Chanson pour Pierrot », Renaud.