Qui en Bretagne ne connaît pas Nono, n’a pas vu ou lu l’un de ses livres, croisé ses dessins dans la presse ou lors d’une expo ? Des Monts d’Arrée à la presqu’ile de Crozon. De Brest aux bistrots de Rennes-Villejean qu’il a fréquentés au temps de sa jeunesse. De l’Aber wrac’h au bout de la presqu’ile de Rhuys. De festival en salon du livre, à Carhaix, à Vannes ou encore à Saint-Malo pour Etonnants voyageurs, Nono est connu comme le loup blanc dans toute la Bretagne.
Mais quel personnage se cache derrière ce trait de plume toujours impertinent, souvent provocateur, clairement marqué à gauche, expert en jeux de mots de toute nature. Qu’est-ce qui fait courir Monsieur Nono ?
Mais quel personnage se cache derrière ce trait de plume toujours impertinent, souvent provocateur, clairement marqué à gauche, expert en jeux de mots de toute nature. Qu’est-ce qui fait courir Monsieur Nono ?
Derrière le dessinateur, un prof de philo
Pour faire court, on pourrait dire que derrière le dessinateur se cache un prof de philo et que l’inverse est tout aussi vrai. Comme toujours, la réalité est un peu plus complexe. Biberonné à la BD de Vaillant, une revue fondée en 1946 par les communistes et devenue plus tard Pif Gadget, le petit Joël Auvin a fait ses gammes en recopiant, tout minot, les dessins de la BD. A 8 ans, le dessin était déjà sa passion. Elevé par des parents instituteurs laïcs à Inzinzac Lochrist où il est né, puis à Hennebont, le pays des ouvriers des forges, il ne faut pas aller chercher plus loin son attachement aux valeurs de la république. Papa et maman Nono portaient fièrement et bien haut les valeurs de gauche dans une Bretagne profondément catholique pour ne pas dire calotine. Voilà pour l’environnement idéologique.
La suite de son parcours ne va pas dénoter. C’est en terminale qu’il découvre la philo avec un prof qui est à l’origine de son intérêt pour la carrière d’enseignant. Après son bac passé à Lorient – le lycéen Nono se fait remarquer par ses caricatures de profs - il débarque à Rennes en fac de lettres, creuset de la révolution post soixante-huitarde. On est en 1969 et la fac bouillonne d’idées révolutionnaires, Nono s’y sent comme un poisson dans l’eau. Au sein de ce maelstrom maoïste, « Le Flandre », un bistrot de Villejean, fait office de QG pour les étudiants et les militants bretons.
Il y rencontre Per Denez, nom de plume de Pierre Denis, écrivain, linguiste et maître de conférence à la section breton et langues celtiques de l’université de Rennes 2. Ardent défenseur de la langue bretonne et figure symbolique de la renaissance du mouvement culturel breton.
La suite de son parcours ne va pas dénoter. C’est en terminale qu’il découvre la philo avec un prof qui est à l’origine de son intérêt pour la carrière d’enseignant. Après son bac passé à Lorient – le lycéen Nono se fait remarquer par ses caricatures de profs - il débarque à Rennes en fac de lettres, creuset de la révolution post soixante-huitarde. On est en 1969 et la fac bouillonne d’idées révolutionnaires, Nono s’y sent comme un poisson dans l’eau. Au sein de ce maelstrom maoïste, « Le Flandre », un bistrot de Villejean, fait office de QG pour les étudiants et les militants bretons.
Il y rencontre Per Denez, nom de plume de Pierre Denis, écrivain, linguiste et maître de conférence à la section breton et langues celtiques de l’université de Rennes 2. Ardent défenseur de la langue bretonne et figure symbolique de la renaissance du mouvement culturel breton.
« J’avais 20 ans, il m’a fait confiance en me demandant d’illustrer ses livres destinés aux étudiants et lycéens alors que je ne parlais pas breton. Il m’a laissé une grande liberté dans le choix de mes illustrations. »Un premier pas qui va le lancer dans l’aventure de l’illustration.
« C’est plus graphique que le dessin de presse, c’est aussi plus approfondi et j’aime travailler avec des auteurs qui me laissent une grande liberté. »A peine a-t-il sa maîtrise de philo en poche qu’il décroche un poste de maître auxiliaire à Carhaix et s’installe à Poullaouen, entre Monts d’Arrée et Montagnes Noires, non loin de Spezet où il trouve tout naturellement le chemin de Menez Kamm. Ce manoir a été légué par la comtesse Vefa de Saint-Pierre qui veut en faire un un lieu où séjourner et apprendre les langues celtiques, un lieu où les jeunes de tous les pays se rencontreraient et s'enrichiraient les uns des autres... Foyer culturel hyper actif entre 1970 et 1974, il accueille tout ce qui va compter comme musiciens, chanteurs, conteurs de la diaspora bretonne : Alan Stivell, Youenn Gwernig, Glenmor, Yann Goasdoué et les Diaouled ar Menez, Chanig ar Gall, Gilles Servat. Et bien sûr Nono baigne dans ce milieu culturel effervescent et signe affiches pour les fest noz, pochettes de disques pour les musiciens. La rédaction locale Ouest-France de Carhaix le sollicite pour illustrer quelques articles. Premiers pas dans la presse locale.
Derrière le prof de philo, un dessinateur
Petit intermède pour le service militaire qui l’envoie à Sedan où il arrive en pleine période de contestation avec notamment l’appel des Cent. Le 16 mai 1974, "Cent soldats prennent la parole" est publié simultanément dans Rouge et Libération. Signé nominativement par cent appelés, il formalise un certain nombre de revendications concrètes : solde égale au Smic, gratuité des transports, permission hebdomadaire, suppression des brimades, libre accès à la presse dans les casernes, la liberté totale d’expression politique et la dissolution de la sécurité militaire et des tribunaux des forces armées. Affecté à l’état major, le soldat Nono n’est pas en reste et se fait remarquer par ses dessins qui lui valent une enquête de la sécurité militaire. Verdict : « Dessinateur qui a adhéré à l’idéologie gauchiste ». Le troufion se retrouve dans un escadron de combat « où, dit-il, j’apprenais surtout à dégoupiller les bières au mess. » Son statut de dessinateur et de prof de philo lui valent un poste plutôt peinard d’enseignant auprès des jeunes appelés tout en continuant à dessiner. D’où son premier livre de dessins ... antimilitaristes vendu en Bretagne à la fête du Peuple Breton à l’été 1974.
Retour à la vie civile, il est nommé de nouveau à Carhaix et poursuit, en parallèle sa vie de prof de philo à mi-temps, son activité de dessinateur pigiste principalement pour les rédactions du journal Ouest-France du Finistère ainsi qu’aux pages générales. Il est également partie prenante dans l’aventure du "Canard de Nantes à Brest". Il dessine bénévolement pour cet hebdomadaire lancé par le journaliste Pierre Duclos. Le journal paraîtra entre 1978 et 1982 mais cessera ses activités en raison de difficultés financières.
Si l’on résume, la vie professionnelle de Nono s’est partagée entre l’enseignement : 35 années comme professeur de philo d’abord à Carhaix entre 1973 et 1988 puis à Vannes jusqu’en 2009 aux lycées Lesage et Charles de Gaulle où il prend sa retraite de prof mais surtout pas de dessinateur.
Retour à la vie civile, il est nommé de nouveau à Carhaix et poursuit, en parallèle sa vie de prof de philo à mi-temps, son activité de dessinateur pigiste principalement pour les rédactions du journal Ouest-France du Finistère ainsi qu’aux pages générales. Il est également partie prenante dans l’aventure du "Canard de Nantes à Brest". Il dessine bénévolement pour cet hebdomadaire lancé par le journaliste Pierre Duclos. Le journal paraîtra entre 1978 et 1982 mais cessera ses activités en raison de difficultés financières.
Si l’on résume, la vie professionnelle de Nono s’est partagée entre l’enseignement : 35 années comme professeur de philo d’abord à Carhaix entre 1973 et 1988 puis à Vannes jusqu’en 2009 aux lycées Lesage et Charles de Gaulle où il prend sa retraite de prof mais surtout pas de dessinateur.
« Le matin, j’enseignais, l’après midi je dessinais. C’est ce qui m’a permis d’avoir cette double formation philosophique et journalistique. Deux mondes très différents mais très enrichissants. J’ai toujours aimé cette double casquette. Dans les deux activités, tu dois faire preuve de distance et de recul. »
75 ans et le crayon toujours bien aiguisé
Ce stakhanoviste du dessin est aussi l’auteur de très beaux carnets de voyages réalisés au fil de ses voyages en Grèce, au Zanscar, au Maroc où il va marcher pratiquement tous les ans. Après 25 ans passés à dessiner pour le journal Ouest-France, il poursuit sa carrière de dessinateur de presse au Télégramme depuis 1997, actuellement à raison de 4 dessins par semaine. Une discipline exigeante qui nécessite de se tenir parfaitement au courant de l’actualité, d’être prêt à réagir au quart de tour et requiert une certaine expérience.
« En fait, le propre du dessin de presse, c’est d’être fait dans l’urgence mais il faut aussi qu’il fasse réfléchir et rigoler, être irrévérencieux et apporter un point de vue discutable, c’est à dire qui ouvre à la discussion. »
Un sacré challenge qu’il relève avec son expérience et son talent.
« Avec ce qui se passe en ce moment, je bouillonne, je cherche des idées. L’angoisse, ce n’est jamais la page blanche, c’est de ne ne pas créer la confusion. Il faut que le lecteur comprenne tout de suite. Comme je travaille tout seul, je dois éviter de radoter, d’utiliser les signes et les symboles d’un petit microcosme puisque je m’adresse à tous les lecteurs.
« Avec ce qui se passe en ce moment, je bouillonne, je cherche des idées. L’angoisse, ce n’est jamais la page blanche, c’est de ne ne pas créer la confusion. Il faut que le lecteur comprenne tout de suite. Comme je travaille tout seul, je dois éviter de radoter, d’utiliser les signes et les symboles d’un petit microcosme puisque je m’adresse à tous les lecteurs.
Une fois que j’ai terminé mon dessin, je l’envoie au rédacteur en chef qui l’accepte tout de suite ou me fait un retour et on discute. Il m’arrive de refaire des dessins. Je sais faire des concessions. Derrière les lecteurs, il y a aussi des électeurs et je préfère ouvrir le débat que choquer. J’ai besoin d’un support pour m’exprimer et continuer à m’exprimer. »
Actuellement il est gâté, l’actualité ne manque pas de piquant. A 75 ans, Nono n’a toujours pas raccroché les crayons et les pinceaux et n’est pas prêt à le faire.
Actuellement il est gâté, l’actualité ne manque pas de piquant. A 75 ans, Nono n’a toujours pas raccroché les crayons et les pinceaux et n’est pas prêt à le faire.
« Ce qui me fait courir, c’est ce qui va se passer demain et aussi de continuer à jouer mon rôle de citoyen. »
Mais il n’est pas que dessinateur de presse. Il serait injuste de passer sous silence les quatre à cinq livres qu’il illustre chaque année avec des auteurs comme Per Denez, Marc Pennec, Paul Burel ou Michel Rouger, ou encore la compilation de ses dessins de presse de l’année. Il faut aussi mentionner ses interventions diverses et variées pour croquer sur le vif les intervenants à une conférence ce qui pourrait lui valoir le titre de dessinateur qui dessine plus vite que son ombre ! Il faut rappeler qu’il est aussi le dessinateur – à la demande – de mille et une associations pourvu qu’elles soient de préférence dans la mouvance bretonne avec un coeur qui penche à gauche.
Cet été, après une virée à Combloux (Haute Savoie) pour participer aux 3èmes Rencontres Combloranes consacrées aux refuges en montagne et en mer, Nono est l’invité de la maison de la baie d’Audierne qui a réalisé un documentaire de 40 mn sur ses 50 ans de dessins. Avant de se consacrer pendant ses rares temps de loisirs à faire une petite virée à la voile dans le golfe du Morbihan, à moins qu’il n’aille traquer la palourde sur l’estran de l’Île aux Moines.
Jean Luc Poussier
Repères
Joël Auvin alias Nono ne se prénomme pas Noël comme on aurait pu le penser. Il est né en 1949 à Inzinzac Lochrist, près de Lorient. Il doit son surnom à un feuilleton qui passait à la télé lorsqu’il était au bahut en 4ème. Il y avait dans ce feuilleton, un petit brun frisé qui s’appelait Nono. « Mes copains m’ont baptisé comme ça. J’ai trouvé que c’était pas mal pour signer mes dessins. »
Installé à Vannes, il est marié à Nadine, professeure agrégée de français. Ils sont les parents de deux filles et grands-parents de trois petits-enfants.