Dialogue avec des jeunes de "Ville Simplement"
Georges Cavret est un type joyeux. Et qui a la foi. Il dénonce le fossé grandissant des inégalités, s'alarme pour l'avenir des jeunes des quartiers, et en même temps a le propos apaisant, le sourire et l'émerveillement faciles, un humanisme confiant, notamment pour les jeunes dont ceux de l'association "Ville Simplement" qui l'accompagnaient cet après-midi là dans une salle de quartier rennaise.
« Il faut sans cesse faire l’effort de marcher dans les quartiers, voir les inégalités. On peut devenir aveugle. Il faut passer du temps, du temps, encore du temps, être présent aux gens. »Lui n'a fait que ça. Tout petit déjà. Il est né dans les HLM du quartier de La Découverte à Saint-Malo. La maman est mère au foyer, le père chauffeur de car, des parents de milieu populaire qui se décarcassent comme tant d'autres pour que leurs enfants montent dans l'ascenseur social. Le jeune Georges y grimpe, armé de son éducation, de ses activités à la JOC, la Jeunesse ouvrière Chrétienne, ou aux scouts marins côté Scouts de France...
Toute une vie avec les habitants des quartiers
Une somme d'expériences à Rennes, Cergy, Nantes
C'est ainsi que fidèle aux siens, il va devenir pour la vie un éducateur au plus près des gens des quartiers populaires, un éducateur-prêtre durant quelques années avant de quitter l'office vu que l'Eglise catholique rejette les bons éléments ayant le bonheur de tomber amoureux. Durant dix ans, il se démultiplie dans le quartier de Maurepas à Rennes. Il s'investit dans la politique de la ville. Avec son complice Daniel Erhel, il fonde "Maurepas association développement", il soutient des tas d'initiatives, réfléchit avec les jeunes à la JOC ou part à leur rencontre au bas des tours...
Un nouveau cycle de vie alors commence. Georges et Myriam partent pour la région parisienne. Pas pour quitter les quartiers, au contraire. Georges Cavret muscle sa réflexion par un master de développement social urbain qu'il met en pratique auprès d'autres jeunes, à la mission locale de Cergy Pontoise.
Et pas seulement eux : en janvier 1997, le tandem Cavret-Erhel fonde cette fois une association d'éducation populaire pour les quartiers : "Ville Simplement". Elle déménage quand un nouveau cycle de vie, en 1998, ramène la famille Cavret dans l'Ouest, à Nantes. Depuis, Georges Cavret a accumulé une somme bien garni d'expériences et de réflexions : avec "Ville Simplement", en évaluant en même temps les politiques publiques pour le Conseil départemental de Loire-Atlantique, .
Sitôt son départ en retraite (du Conseil départemental, pas de "Ville Simplement"), en octobre dernier, à 63 ans, il a décidé de la partager. Ne pas le faire eût été une faute ! Georges Cavret est un témoin essentiel à lire, à écouter. Voici quelques paroles recueillies ce jour-là.
Un nouveau cycle de vie alors commence. Georges et Myriam partent pour la région parisienne. Pas pour quitter les quartiers, au contraire. Georges Cavret muscle sa réflexion par un master de développement social urbain qu'il met en pratique auprès d'autres jeunes, à la mission locale de Cergy Pontoise.
Et pas seulement eux : en janvier 1997, le tandem Cavret-Erhel fonde cette fois une association d'éducation populaire pour les quartiers : "Ville Simplement". Elle déménage quand un nouveau cycle de vie, en 1998, ramène la famille Cavret dans l'Ouest, à Nantes. Depuis, Georges Cavret a accumulé une somme bien garni d'expériences et de réflexions : avec "Ville Simplement", en évaluant en même temps les politiques publiques pour le Conseil départemental de Loire-Atlantique, .
Sitôt son départ en retraite (du Conseil départemental, pas de "Ville Simplement"), en octobre dernier, à 63 ans, il a décidé de la partager. Ne pas le faire eût été une faute ! Georges Cavret est un témoin essentiel à lire, à écouter. Voici quelques paroles recueillies ce jour-là.
Sur les inégalités, l'humiliation, le conflit
« Les inégalités s'aggravent. C'est une constante. Certaines personnes pauvres dérivent. Les prisons sont les prisons de la misère.
On est passé de l’humiliation à la honte. L'humiliation, elle est subie, elle vient de l'autre. La honte, elle est tournée vers moi. J’ai découvert ça récemment.“J’aurais voulu m’enfoncer dans le sol”, m'a dit un jeune. La honte, c’est à l’intérieur de vous. La conscience des injustices ne fonctionne plus. La honte détruit la personne, l’humiliation peut déclencher la rage. C'est aussi la question de la dignité : qu’est-ce qui fait qu’un jeune, quelles que soient ses bêtises, a conscience de la valeur qu’il a ?
On rêve que tout le monde vive bien ensemble En fait la vie est faite de forces qui rassemblent et de forces qui séparent, dissocient. Il faut acter que le conflit fait partie de la vie. S’il n’y a plus de place pour le conflit, ça signifie que l'un domine l’autre et que celui-ci refoule le conflit. Le conflit peut prendre différentes formes : ce conflit que tu refoules vers toi ; le conflit intégrateur où l’on se rassemble, on revendique et on négocie ensuite un compromis ; dans les quartiers ce sont plutôt des conflits éruptifs ou refoulés. Il faut redonner de l'espace au conflit intégrateur. »
Le pouvoir, la laïcité, les mots
"Il y a aussi le savoir vécu et il est grand dans les quartiers"
« Autre constante : le pouvoir. Des gens ont moins de pouvoir que d’autres. Ça s’est aggravé aussi. Les jeunes, les familles des quartiers ne pèsent pas. Le rapport de force est hyper défavorable. Les quartiers populaires, c'est dix millions de personnes sans espace politique. On a oublié le rapport dominant-dominé : il faut assumer là où on est assis, souvent à la place du dominant.
Le pouvoir va avec le savoir et l’avoir. Notre échelle du savoir, c’est Bac +. Mais il y a le savoir vécu et il est grand dans les quartiers. Il y aussi le savoir de l’engagement. Lesquels savoirs permettent de développer un savoir critique. Ils doivent être équivalents.
Ceux qui ont les mots s’en sortent mieux. Le “pouvoir d’achat”, par exemple, n’est pas dans la culture populaire. On dit simplement “on n’a pas d’argent”. Les mots qu’on emploie ne passent pas. C’est quelque chose qu’il faut que l’on redécouvre. Avant de faire quelque chose, il faut être avec les gens, être dans les quartiers matins et soirs. L’élite cultivée est dans l’entre-soi.
La laïcité, aussi, est importante. Elle permet à l’individu d’être libre, de ne pas vivre sous la domination d'un groupe. La laïcité, c’est le pouvoir du peuple. »
L'éducation populaire, la vie de quartier, la politique
« L’éducation populaire est en panne. On a perdu l’intelligence de la vie, la connaissance du savoir vécu. Il faut se parler, réfléchir ensemble. Réinvestir l’éducation populaire, le savoir, la conscience critiques.La journée rennaise de Georges Cavret s'est conclue par un longue soirée d'échanges à la salle de quartier Carrefour 18. Il y avait là près de cent personnes réunies à l'initiative de l'association L'étincelle et de la Mission ouvrière. Des femmes et des hommes qui militent infatigablement dans les quartiers populaires de la ville. Une soirée de politique réelle, en sous-sol, loin du brouhaha de la campagne électorale.
Il faut écouter les gens des classes populaires. Dans les quartiers, il y a beaucoup de fraternité, de rigolade, de joie de vivre malgré la pression de l'inégalité et des médias. Certaines cultures nous aident, elles ont un autre rapport au temps. Au fond, qu'est-ce-que nous avons tous à nous raconter sur la liberté, l’égalité, la fraternité.
S’engager en politique, c’est une façon très concrète d’appliquer l’amour des autres. ll faut aller-delà des actions locales, se méfier du “small is beautiful”. J'adhère au “Pacte du pouvoir de vivre” qui demande que toute loi soit évaluée en regardant son impact sur 15% de la population la plus démunie. »
Pour en savoir plus
La page facebook de Ville Simplement
Les Guetteurs d'injustices, l'une des actions de Ville Simplement
Une illustration des dégâts de la misère signalée dans l'ouvrage (p.87) :
L'enfance misérable des frères Kouachi (sur Reporterre)
Au milieu des jeunes (au premier rang) - © Ville Simplement