Cette interview mensuelle est réalisée en lien avec le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, le CNLE . Retrouvez ci-dessous, après l'article, les thèmes sur l'exclusion analysés par nos précédents invités.
Pourquoi cette idée de Grenelle pour l’emploi et le travail ?
Polarisation de l’emploi, exclusion des forces vives du monde du travail, ubérisation de la société, développement du travail « à la tâche », pluriactivités et pluri statuts, plateformisation des échanges, ouverture des données, big data... Sans compter les incertitudes liées au développement de la robotisation et de l’intelligence artificielle… Emploi et travail connaissent des bouleversements considérables. C’en est fini de cette idée de passer quarante ans dans la même entreprise, de « faire carrière »… Les jeunes sont mobiles, veulent évoluer, se sentir libres.
Pourtant, le fameux CDI a toujours le vent en poupe ?
En fait, la situation évolue très vite. Il y a 5 ans, dans certaines grandes entreprises, 10 % des candidats à un emploi avouaient ne pas être forcément intéressés par un CDI souhaitant préserver une liberté et une qualité de vie. En 2016, ils sont 50 %. C’est vrai que le CDI est depuis des lustres sacralisé. Or, près de 40 % des CDI signés ne durent pas au-delà d’un an parce que les salariés démissionnent ou souhaitent une mobilité… Seuls 2 % sont des licenciements ! Il est temps de regarder ces données pour réaliser que le rapport au travail change profondément. Pourquoi, sans ce fameux CDI, n’a-t-on toujours pas accès au logement, à un prêt bancaire, à une reconnaissance… Bon nombre de jeunes ne peuvent pas démarrer dans la vie et il y a là une profonde injustice.
Polarisation de l’emploi, exclusion des forces vives du monde du travail, ubérisation de la société, développement du travail « à la tâche », pluriactivités et pluri statuts, plateformisation des échanges, ouverture des données, big data... Sans compter les incertitudes liées au développement de la robotisation et de l’intelligence artificielle… Emploi et travail connaissent des bouleversements considérables. C’en est fini de cette idée de passer quarante ans dans la même entreprise, de « faire carrière »… Les jeunes sont mobiles, veulent évoluer, se sentir libres.
Pourtant, le fameux CDI a toujours le vent en poupe ?
En fait, la situation évolue très vite. Il y a 5 ans, dans certaines grandes entreprises, 10 % des candidats à un emploi avouaient ne pas être forcément intéressés par un CDI souhaitant préserver une liberté et une qualité de vie. En 2016, ils sont 50 %. C’est vrai que le CDI est depuis des lustres sacralisé. Or, près de 40 % des CDI signés ne durent pas au-delà d’un an parce que les salariés démissionnent ou souhaitent une mobilité… Seuls 2 % sont des licenciements ! Il est temps de regarder ces données pour réaliser que le rapport au travail change profondément. Pourquoi, sans ce fameux CDI, n’a-t-on toujours pas accès au logement, à un prêt bancaire, à une reconnaissance… Bon nombre de jeunes ne peuvent pas démarrer dans la vie et il y a là une profonde injustice.
Le risque lié lié au parcours professionnel n'a pas été pensé
Pourtant depuis une trentaine d’années, nombre de politiques ont vu le jour…
Oui, mais elles se sont empilées avec des dispositifs et des mesures qui n’ont pas forcément de liens entre eux, qui parfois même sont incohérents, chacun des ministres du travail cherchant avant tout à marquer son passage et à s’en attribuer l’origine. Ces empilements n’ont pas été pensés globalement, dans un système. Ils ont fait dépenser énormément d’argent pour un résultat plus que mitigé. Et surtout, ils n’ont pas été débattus avec l’ensemble des acteurs et des parties prenantes : représentants des entreprises, élus, acteurs territoriaux, organisations syndicales, association, société civile…. Ce bouleversement dans la manière d’envisager l’emploi et le travail n’a pas été accompagné ni protégé. Aujourd’hui, on a une France avec deux projets différents : une partie de la population est désespérée, vit avec ce sentiment d’être abandonnée ; une autre partie, au contraire, est pleine d’espérance, foisonne d’énergie et d’initiatives. Or, ces deux mondes ne se parlent pas, ne se croisent pas, n’ont pas le sentiment de vivre au même rythme.
Est-ce le bon moment pour organiser ce débat public ?
Oui, car nous savons que la société française est prête à un changement en profondeur de son modèle social à la condition de ne pas laisser sur le côté de la route les plus exposés. En 1945, on a bâti trois sécurités face à trois risques : le risque santé, le risque famille et le risque vieillesse, piliers de la sécurité sociale, qui ont été profitables à tous les citoyens. Mais un quatrième risque n’a pas été pensé : c’est celui lié au parcours professionnel.
Oui, mais elles se sont empilées avec des dispositifs et des mesures qui n’ont pas forcément de liens entre eux, qui parfois même sont incohérents, chacun des ministres du travail cherchant avant tout à marquer son passage et à s’en attribuer l’origine. Ces empilements n’ont pas été pensés globalement, dans un système. Ils ont fait dépenser énormément d’argent pour un résultat plus que mitigé. Et surtout, ils n’ont pas été débattus avec l’ensemble des acteurs et des parties prenantes : représentants des entreprises, élus, acteurs territoriaux, organisations syndicales, association, société civile…. Ce bouleversement dans la manière d’envisager l’emploi et le travail n’a pas été accompagné ni protégé. Aujourd’hui, on a une France avec deux projets différents : une partie de la population est désespérée, vit avec ce sentiment d’être abandonnée ; une autre partie, au contraire, est pleine d’espérance, foisonne d’énergie et d’initiatives. Or, ces deux mondes ne se parlent pas, ne se croisent pas, n’ont pas le sentiment de vivre au même rythme.
Est-ce le bon moment pour organiser ce débat public ?
Oui, car nous savons que la société française est prête à un changement en profondeur de son modèle social à la condition de ne pas laisser sur le côté de la route les plus exposés. En 1945, on a bâti trois sécurités face à trois risques : le risque santé, le risque famille et le risque vieillesse, piliers de la sécurité sociale, qui ont été profitables à tous les citoyens. Mais un quatrième risque n’a pas été pensé : c’est celui lié au parcours professionnel.
Pas de réponse des candidats à la présidentielle
Que proposez-vous ?
De juillet 2016 à janvier 2017, nous avons travaillé avec 140 bénévoles et chercheurs d’emploi dans quatre régions différentes. Nous leur avons demandé quels étaient pour eux les principaux sujets de préoccupation et les propositions que notre mouvement pouvait porter. Quatre grandes idées se sont exprimées : refonder l’assurance chômage, renforcer les possibilités d’acquisition de nouvelles compétences par des chercheurs d’emploi, mieux accompagner les chercheurs d’emploi dans une démarche humaine, précoce et efficace ; développer l’écoute et la co construction avec les chercheurs d’emploi et les associations. Avec un impératif : que ces propositions soient accompagnées de « la réussite du service public de l’emploi ». Ce travail constitue la colonne vertébrale de notre positionnement. Il est temps de repenser le système de protection et de gestion du risque lié au parcours professionnel dans la globalité. Le régime d’assurance chômage ne doit pas être simplement une assurance pour les salariés qui cotisent.
En avez-vous informé les candidats à la présidentielle ?
Bien sûr ! En février dernier, nous avons rédigé un manifeste que nous avons fait parvenir aux différents candidats. Le journal Le Monde le publiait d’ailleurs le 3 mars avec l’engagement de 18 signataires. Une tribune est parue dans les Echos le 6 avril avec l’engagement d’une quarantaine de personnalités, le soutien des grands réseaux, de grandes entreprises. Mais nous n’avons obtenu que trois réponses écrites des candidats. Un quatrième candidat nous a proposé une rencontre, trouvant intéressante notre proposition. Mais nous avons malheureusement l’habitude de ce peu d’intérêt : en 2012, nous avions envoyé un courrier à chacun des candidats et n’avions reçu aucune réponse… pas même un accusé de réception !
De juillet 2016 à janvier 2017, nous avons travaillé avec 140 bénévoles et chercheurs d’emploi dans quatre régions différentes. Nous leur avons demandé quels étaient pour eux les principaux sujets de préoccupation et les propositions que notre mouvement pouvait porter. Quatre grandes idées se sont exprimées : refonder l’assurance chômage, renforcer les possibilités d’acquisition de nouvelles compétences par des chercheurs d’emploi, mieux accompagner les chercheurs d’emploi dans une démarche humaine, précoce et efficace ; développer l’écoute et la co construction avec les chercheurs d’emploi et les associations. Avec un impératif : que ces propositions soient accompagnées de « la réussite du service public de l’emploi ». Ce travail constitue la colonne vertébrale de notre positionnement. Il est temps de repenser le système de protection et de gestion du risque lié au parcours professionnel dans la globalité. Le régime d’assurance chômage ne doit pas être simplement une assurance pour les salariés qui cotisent.
En avez-vous informé les candidats à la présidentielle ?
Bien sûr ! En février dernier, nous avons rédigé un manifeste que nous avons fait parvenir aux différents candidats. Le journal Le Monde le publiait d’ailleurs le 3 mars avec l’engagement de 18 signataires. Une tribune est parue dans les Echos le 6 avril avec l’engagement d’une quarantaine de personnalités, le soutien des grands réseaux, de grandes entreprises. Mais nous n’avons obtenu que trois réponses écrites des candidats. Un quatrième candidat nous a proposé une rencontre, trouvant intéressante notre proposition. Mais nous avons malheureusement l’habitude de ce peu d’intérêt : en 2012, nous avions envoyé un courrier à chacun des candidats et n’avions reçu aucune réponse… pas même un accusé de réception !
Repenser emploi et travail
Comment envisagez-vous d’organiser ce débat public ?
Nous proposons d’abord une concertation au niveau territorial. Elle pourrait être portée par les treize ceser, conseil économique, social et environnemental, qui rassemblent les forces vives des régions et sont au cœur des préoccupations locales. Une grande réunion de consensus serait alors proposée au niveau national autour des thématiques repérées : dialogue social, accès à la formation professionnelle, révolution numérique, droits et réglementation… L’objectif est de faire prendre des engagements et définir le modèle français de flexi-sécurité qui à la fois, donne plus d’agilité aux entreprises tout en assurant la sécurité des personnes.
Etes-vous assurés de l’efficience de cette méthode ?
Regardez le Grenelle de l’environnement… Parce qu’on a débattu collectivement, parce qu’il y a eu concertation, parce qu’il y avait une véritable politique, des accords ont été trouvés au bout de six mois. Des lignes de force communes ont permis de bâtir une loi qui s’impose désormais. Voilà pourquoi nous avons imaginé ce Grenelle pour l’emploi et le travail. D’ores et déjà, plusieurs personnalités ont signé le manifeste. Mais ce grand débat ne pourra pas se faire sans les organisations syndicales, le monde des entrepreneurs, les représentants des employeurs aux côtés des représentants de la société civile. Il doit aboutir à une proposition de texte de loi qui serait soumise aux parlementaires : que souhaitons-nous pour l’avenir, quel nouveau modèle inventer, comment repenser le travail ensemble ?
Qu’espérez-vous aujourd’hui ?
Nous avons désormais un président de la République. Nous poursuivons notre démarche et allons agir pour associer le monde de l’entreprise et tous les acteurs à notre réflexion. Nous savons que l’Etat est en mesure de porter une telle initiative. Mon rêve est, qu’au bout de six mois de ce grand débat, on puisse définir le socle du quatrième pilier de notre sécurité sociale et ce, dans une économie en mouvement, une révolution numérique, des formes de travail bouleversées et revisitées.
Propos recueillis par Tugdual Ruellan.
Nous proposons d’abord une concertation au niveau territorial. Elle pourrait être portée par les treize ceser, conseil économique, social et environnemental, qui rassemblent les forces vives des régions et sont au cœur des préoccupations locales. Une grande réunion de consensus serait alors proposée au niveau national autour des thématiques repérées : dialogue social, accès à la formation professionnelle, révolution numérique, droits et réglementation… L’objectif est de faire prendre des engagements et définir le modèle français de flexi-sécurité qui à la fois, donne plus d’agilité aux entreprises tout en assurant la sécurité des personnes.
Etes-vous assurés de l’efficience de cette méthode ?
Regardez le Grenelle de l’environnement… Parce qu’on a débattu collectivement, parce qu’il y a eu concertation, parce qu’il y avait une véritable politique, des accords ont été trouvés au bout de six mois. Des lignes de force communes ont permis de bâtir une loi qui s’impose désormais. Voilà pourquoi nous avons imaginé ce Grenelle pour l’emploi et le travail. D’ores et déjà, plusieurs personnalités ont signé le manifeste. Mais ce grand débat ne pourra pas se faire sans les organisations syndicales, le monde des entrepreneurs, les représentants des employeurs aux côtés des représentants de la société civile. Il doit aboutir à une proposition de texte de loi qui serait soumise aux parlementaires : que souhaitons-nous pour l’avenir, quel nouveau modèle inventer, comment repenser le travail ensemble ?
Qu’espérez-vous aujourd’hui ?
Nous avons désormais un président de la République. Nous poursuivons notre démarche et allons agir pour associer le monde de l’entreprise et tous les acteurs à notre réflexion. Nous savons que l’Etat est en mesure de porter une telle initiative. Mon rêve est, qu’au bout de six mois de ce grand débat, on puisse définir le socle du quatrième pilier de notre sécurité sociale et ce, dans une économie en mouvement, une révolution numérique, des formes de travail bouleversées et revisitées.
Propos recueillis par Tugdual Ruellan.
Gilles de Labarre connaît les rouages de l’Etat
Très engagé dans la lutte contre l’exclusion, Gilles Mirieu de Labarre est bénévole au sein de Solidarités nouvelles face au chômage depuis 25 ans. Il a présidé le Centre d’action sociale protestant de 2005 à 2009 et a été administrateur de l’association Droits d’urgence pendant plusieurs années. Après une formation à l’Institut des hautes études de défense nationale, il a été responsable de la table des marchés pour PSA Peugeot Citroën puis, chef de projet en organisation au sein d'entreprises du secteur privé et du secteur public, directeur de mission à Capgemini, directeur-adjoint de l’Agence pour l'informatique financière de l'Etat et directeur-adjoint à la Direction interministérielle du numérique et du système d'information de l'Etat. Il est aujourd’hui chargé de mission auprès de la secrétaire générale pour la Modernisation de l'action publique, relevant des services du Premier ministre où il s’occupe de la transition numérique de l’Etat.
Une issue positive grâce aux bénévoles du réseau
Créée en 1985, Solidarités nouvelles face au chômage a pour mission d'accompagner des personnes sans emploi, quel que soit leur âge, domaine d’activité, qualification, ou durée de chômage. Sa méthode d'accompagnement est basée sur la reconstruction du lien social et la revalorisation des personnes au chômage. L'association s'appuie sur un réseau de bénévoles et de donateurs présent partout en France. Grâce à leur accompagnement, 62% des chercheurs d’emploi accompagnés trouvent une issue positive en fin d’accompagnement. En mars 2015, SNC était lauréat de « la France s’engage », faisant partie des trois associations ayant remporté le plus de votes sur internet.
https://snc.asso.fr/
Manifeste pour un Grenelle pour l’emploi et le travail
Le 1er mars 2017, SNC lançait un Manifeste pour qu’un grand débat national sur l’emploi et le travail soit organisé par la nouvelle équipe au pouvoir. Signé par 18 personnalités, il réclame la mobilisation de toute la société et demande, dès le début du mandat du nouveau président de la République, l’organisation d’un Grenelle pour l’emploi et le travail.
Manifeste à télécharger ICI .
Signez le Manifeste ICI.
Très engagé dans la lutte contre l’exclusion, Gilles Mirieu de Labarre est bénévole au sein de Solidarités nouvelles face au chômage depuis 25 ans. Il a présidé le Centre d’action sociale protestant de 2005 à 2009 et a été administrateur de l’association Droits d’urgence pendant plusieurs années. Après une formation à l’Institut des hautes études de défense nationale, il a été responsable de la table des marchés pour PSA Peugeot Citroën puis, chef de projet en organisation au sein d'entreprises du secteur privé et du secteur public, directeur de mission à Capgemini, directeur-adjoint de l’Agence pour l'informatique financière de l'Etat et directeur-adjoint à la Direction interministérielle du numérique et du système d'information de l'Etat. Il est aujourd’hui chargé de mission auprès de la secrétaire générale pour la Modernisation de l'action publique, relevant des services du Premier ministre où il s’occupe de la transition numérique de l’Etat.
Une issue positive grâce aux bénévoles du réseau
Créée en 1985, Solidarités nouvelles face au chômage a pour mission d'accompagner des personnes sans emploi, quel que soit leur âge, domaine d’activité, qualification, ou durée de chômage. Sa méthode d'accompagnement est basée sur la reconstruction du lien social et la revalorisation des personnes au chômage. L'association s'appuie sur un réseau de bénévoles et de donateurs présent partout en France. Grâce à leur accompagnement, 62% des chercheurs d’emploi accompagnés trouvent une issue positive en fin d’accompagnement. En mars 2015, SNC était lauréat de « la France s’engage », faisant partie des trois associations ayant remporté le plus de votes sur internet.
https://snc.asso.fr/
Manifeste pour un Grenelle pour l’emploi et le travail
Le 1er mars 2017, SNC lançait un Manifeste pour qu’un grand débat national sur l’emploi et le travail soit organisé par la nouvelle équipe au pouvoir. Signé par 18 personnalités, il réclame la mobilisation de toute la société et demande, dès le début du mandat du nouveau président de la République, l’organisation d’un Grenelle pour l’emploi et le travail.
Manifeste à télécharger ICI .
Signez le Manifeste ICI.