Pascal Gault (sur Google +) - Mondrian, composition, 1930.
« L'Autre Regard », telle est l'association où ses idées s'épanouissent. « Atypick », tel est le projet qu'il anime aujourd'hui. Voilà des mots qui lui vont bien ! Qui est vraiment, en fait, Pascal Gault ? Cet homme qui aime tant apparaître sous des avatars : « L'ordinateur nous permet de montrer des choses qui ne sont pas en nous, ce que l'on voudrait que l'on soit : avec mon avatar, je ne suis pas vraiment Pascal... » Allez faire un portrait avec ça.
Devant un ordinateur, sa place favorite, il accepte pourtant de se raconter pour de vrai. 1969. Pascal Gault naît à Charenton-le-Pont. Son père est mécano en usine, sa mère couturière dans le Sentier à Paris. Ils sont au syndicat CGT et au Parti Communiste, de quoi faire de leur fils un esprit libre, aux convictions fortes, trempées dans une sensibilité banlieusarde jamais reniée : « Ce qui m'a fondé, ça a été la vie en cité. »
Ils s'en vont au Québec. Puis en reviennent. Pascal, 6 ans, ramène un accent et un tempérament qui le conduisent tout droit au fond de la classe. Mais « avec les p'tits beurs et les p'tits blacks, c'était très sympa ! », rit-il. Pascal Gault a le rire fréquent. Normal. Sa vie n'a pas toujours été marrante.
Ils s'en vont au Québec. Puis en reviennent. Pascal, 6 ans, ramène un accent et un tempérament qui le conduisent tout droit au fond de la classe. Mais « avec les p'tits beurs et les p'tits blacks, c'était très sympa ! », rit-il. Pascal Gault a le rire fréquent. Normal. Sa vie n'a pas toujours été marrante.
Les parents se séparent. La mère a les enfants et son boulot. Le jeune Pascal se retrouve régulièrement seul à la maison avec son frère et sa sœur. Du coup : scolarité moyenne, orthographe boiteuse. La mère, prisonnière de ses déprimes, repart dans son pays, l'Aube, au fond de la Champagne.
Au collège, bien sûr, ça ne s'arrange pas. Mais le futur Pascal Gault se profile. Champion en maths, délégué de classe – première grève à 15 ans - et artiste : au bout de trois mois, au lycée, il prend son sac et intègre les Beaux-Arts, à Troyes d'abord puis à Reims.
Au collège, bien sûr, ça ne s'arrange pas. Mais le futur Pascal Gault se profile. Champion en maths, délégué de classe – première grève à 15 ans - et artiste : au bout de trois mois, au lycée, il prend son sac et intègre les Beaux-Arts, à Troyes d'abord puis à Reims.
« Alléger cette peine, c'était un super boulot »
Ensuite, il bourlingue. Peint, passe d'un petit boulot à l'autre et suit sa compagne à Rennes. Le voilà en contrat aidé à la maintenance informatique de l'Université de Rennes 2. Il « apprend à apprendre » la logique informatique. Révélation. On le retrouve ensuite huit ans à Brest dans des activités diverses mais surtout dans une librairie et à la maison d'arrêt où il construit des projets artistiques avec les prisonniers : « Tu te rends compte qu'ils sont paumés et voudraient reprendre leur vie, une souffrance humaine gigantesque ; alléger cette peine, c'était un super boulot. »
Poursuivant son tour de Bretagne, Pascal Gault arrive à Vannes en 2007. Il entre, bénévole d'abord puis salarié, au Groupe d'Entraide Mutuelle Vannes Horizons. « L'opportunité de ma vie », dit-il. Le voilà en effet avec des gens en fragilité psychologique gérant eux-mêmes leurs activités et avec lesquels il peut faire valoir ses compétences passionnées : l'art et l'informatique. Du coup, il reprend des études, vient étudier à Rennes et décroche un BPJEPS, le diplôme au nom fumeux des pros de l'éducation populaire (1).
« On souffre de schizophrénie, on n'est pas schizophrène ! »
Autoportrait
En 2009, lors d'un stage, il découvre l'association L'Autre Regard. Alors, toutes ses expériences de vie remontent, convergent. Depuis dix ans, le passionné d'informatique est plongé dans le logiciel libre. Le Libre est sa philosophie. Il va mettre cet « outil génialissime » au service des usagers de L'Autre Regard engagés dans leur combat quotidien pour l'autonomie. Ils créent leurs blogs, intègrent les réseaux sociaux, animent un blog collectif...
En février 2012, l'atypique animateur parvient à convaincre le Groupement de coopération médico-sociale Fil Rouge, dont fait partie L'Autre Regard, de lancer un projet économique : la réalisation de sites. Atypick est né. Huit personnes y travaillent aujourd'hui autour de Pascal Gault : « On a produit le double de ce que l'on avait estimé au départ et nous sommes maintenant sur une vitesse de production très supérieure à mes estimations. »
Pour y être passé un jour, on peut l'attester. L'outil, l'organisation, le but commun : tout, dans cette entreprise, est en effet adapté aux fragilités qui traversent chacun. Et ça marche parce que la "maladie mentale", comme on dit, n'est pas une maladie ! On souffre de schizophrénie, on n'est pas schizophrène ! Il n'y a pas de gêne ! » Pour le coup, voilà Pascal Gault branché sur son grand combat...
« Moi, je voyais son désarroi »
« On a tous des représentations totalement fausses, s'indigne-t-il. On a tous des portes mal fermées, on est tous sujets à des pulsions : la différence c'est la façon dont on va les traiter. La folie n'existe pas ! Les troubles psychiques nous rappellent nos travers, nos humeurs ; la santé mentale nous interroge sur notre quotidien, elle ne peut être qu'un objet en mouvement, c'est une question de société qu'on ne ne peut pas contourner. Et comme il a été dit, c'est dans le traitement de la santé mentale qu'on voit l'humanité d'une société. »
Lui-même a poussé loin l'apprentissage de soi par la psychanalyse, l'art, les livres, les autres... Mais encore ? Jusqu'où remonte la source de ce combat ? « J'ai pris conscience très tôt, vers 7-8 ans, de ce que pouvait être un contexte normal ou anormal. J'ai vu les regards stigmatisants. Ma mère a fait quarante tentatives de suicides. Elle a dû attendre l'âge de 57 ans pour que l'on trouve une réponse à ses troubles psychiques. On la renvoyait chez elle avec ses enfants, dont l'aîné avait 10 ans. Moi, je voyais son désarroi. »
La souffrance psychique semble avoir donné à Pascal Gault une force inouïe.
Michel ROUGER
(1) Brevet professionnel de la jeunesse, de l'éducation populaire et du sport.
POUR ALLER PLUS LOIN
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Pascal Gault interviewé à propos de L'Autre Regard
Interview réalisée en septembre 2011 lors des Assises de la Médiation Numérique (au service des territoires et de leurs habitants) organisées en Corse.
Témoignage :
« Eh oui, j’ai une maladie, la schizophrénie »
Témoignage :
« Eh oui, j’ai une maladie, la schizophrénie »