Frontières extrêmes

Yeah, cette période est propice à du Barry White, c'est pourquoi je travestis ma voix aujourd'hui. Je ne suis pas la seule à le faire, changer pour tromper, modifier pour plaire, pour qu'ils portent mon nom. Séduire ou choisir, il faut m'élire. Ces 18 pour cent sont à croquer ... L'UMP s'unit pour Marine Le Pen, usant l'usant « aimons nous plus que les autres » et revendiquant le droit au peuple d'être populaire. 

Oui, c'est l'air du temps, celui particulier où la France bascule de gauche à droite comme un public au tennis. Peu importe le résultat, il s'agira de soit ne pas oublier, soit de résister. La violence symbolique est redoutable, d'ailleurs, un rapport de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) a publié son bilan le 3 mai 2012. Je cite Jenö Kaltenbach, nouveau directeur de la commission : « Considérer que la lutte contre le racisme et l’intolérance n’intéresse que les groupes vulnérables est une erreur. Une société plus juste profite à tous. Il faut contrer les stéréotypes négatifs généralisés. La richesse et la diversité culturelles ont profité aux sociétés européennes tout au long de leur histoire ; il est capital de résister au racisme pour préserver l’avenir de l’Europe ». Fin de citation. L'ECRI appelle les gouvernements européens à renforcer les moyens des institutions nationales de défense des droits de l’homme au lieu de prendre prétexte de la crise économique pour réduire leurs ressources. Elle parle d'exploitation du racisme dans le discours politique en France et demande aux politiques de « résister à tout prix à la tentation de céder aux préjugés et aux peurs déplacées suscitées par la perte "des valeurs européennes", le terrorisme et la criminalité classique. »

Streets of Freedom, Clinton Fearon. Juste un moment de flottement, de douceur et d'espoir dans ce climat d'acharnement du cynisme pour la course au pouvoir. Le 3 mai 2012, journée de la liberté de la presse. Ah, depuis le second tour, on assiste à un affligeant limogeage de journalistes par des foules en colère. Rien de tel qu'une foule massée contre une seule cible. Plus tôt, on voit l'aplomb d'un Jean-François Copé qui s'indigne des dernières publications de Libération en criant à ignominie, le parti pris et la désinformation. Une photo en couleur contre une photo noir et blanc. Une citation de Nicolas Sarkozy, vraie, mais gênante. Alors, scandale. A l'UMP, ça brandit les unes, ça froisse les papelards et les mouchards, ça s'excite en regardant partout, allant même parler de « fascisme rouge, fascisme de gauche ». Mediapart aussi est fasciste, selon Xavier Bertrand qui insiste en plus. Il a été rejoint récemment par tout l'UMP. On soutient Médiapart qui soutient l'info des 50 millions d'euros qu'aurait touché Nicolas Sarkozy de la part de Khadafi pour sa campagne en 2007. Un live sur Internet, portes numériques ouverte, une vraie enquête. Tollé général, on ouvre les vannes des insultes, on atteint goulument les points Godwin. Marine Le Pen n'applaudit pas mais sourit. Alors on fait des oeillades à ses électeurs renforcés, on parle frontières, vrai travail, vrai français, vraie religion. C'est l'effet FN, le bonbon Vichy, Trollement frais. On drague au chiffre pour envoyer en l'air les valeurs françaises pour des valeurs monétaires. Et ça balance les balances, ça panique quand ça devient gênant. C'est « Reporters à 100 frontières ». Dimanche 6 mai 2012, la France va élire son président à doubles tranchants. Pendant ce temps, des innocents s'inquiètent dans des camps de rétention administrative. Douce France.