Tempête Xynthia, Ile de Ré, j'y étais

Vous rêvez de vacances les pieds dans l'eau? Quand on veut, on peut. Ile de Ré, février 2010.


Alerte rouge sur l'île de Ré. C'est assez fréquent sur cette île exposée au vent, l'un des meilleurs spots de kite-surf en France. Rassurée par mes collègues de l'hôtel, je rejoins sa chambre mise à disposition depuis six mois. La consigne est claire : « Bien fermer ses volets ». 
La brochure de l'hôtel au moment des faits
La brochure de l'hôtel au moment des faits

Avec énergie, je rabats les volets de porte-fenêtre au rez de chaussée, face à la mer. Je me couche tôt pour travailler tôt. Dehors, le vent bruyant m'empêche de dormir. Je me couvre la tête de deux gros oreillers, râle contre le tapage nocturne impossible à faire taire. A chaque vérification de réveil, je révise à la baisse le temps que je dormirai. Entre deux somnolences, j'entends au loin l'alarme de l'hôtel. Trop sensible, cette alarme. Vers 3 heures du matin, le silence est sourd. On entend quelques gouttes comme la pluie sur un toit. Nuits d'enfance en Bretagne sous une fenêtre oblique. Mais je suis au rez de chaussée. Un fort instinct me fait se dresser sur mon lit. Dans le noir, je me concentre, me connecte à l'oreille. Quelque chose ne va pas, quelque chose ne va pas. Tant pis pour le manque de sommeil, je me lève. Mon saut décidé fait éclabousser le sol. L'eau est froide. Flashes de torpeur. J'allume la lumière.

Le plafond illumine les multiprises branchées qui flottent. Mon téléphone fixe et familier n'est plus qu'une boite en plastique. J'ouvre ma porte d'entrée. Le couloir est un sillon d'eau. Une vague lèche mes jambes pétrifiées jusqu'à revenir derrière moi, après un vif tour dans sa chambre. Images du Titanic. Je me retourne, hébétée. J'hallucine à comparer le chaos ruisselant au sol et l'ordinaire de mon bureau, de mon lit encore chaud... Deux collègues descendent, elles crient. Je me ressaisit, dirige la fuite. Je sélectionne ce qu'il faut sauver : l'ordinateur, le disque dur, l'appareil photo, le sac à main, quelques produits de beauté, un plaid, une cartouche de clopes. Arrivée à l'étage, je constate avec frayeur que le rez de chaussée est immergé par l'océan Atlantique déchaîné. Ma porte-fenêtre seule me tenait protégée du chaos. Le premier étage est le rez de chaussée d'un bateau - bâtiment, des bouts de bois volent dans l'air, le silence n'est que mouvement. Les effets spéciaux sont réalistes, les spectateurs impuissants et nerveux.

Pour info: 

La tempête Xynthia (28 février 2009) a tué 53 personnes, et peut-être moins (47) selon l'AFP. 

Les endroits inondés n'étaient pas censés être constructibles et certaines personnes ont été obligées d'abandonner leur habitation, leur terrain devenant non-constructible.

Les digues devaient être construites pour protéger les habitants, mais beaucoup râlaient parce que ça leur bouchait la vue sur l'océan. Il faut dire qu'un seul étage est autorisé dans tout batiment sur l'île de Ré.

L'hôtel en question, lui, a reconstruit l'hôtel à l'identique,  même en plus beau grâce à l'argent des assurances.


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