Dimanche 25 Février 2024

Elarik Philouze, l’Afrique à fleur de peau



Parlez-lui d’Afrique. Elarik Philouze, 51 ans, a le regard qui s’illumine. Parlez-lui du Togo, du Sénégal, du Niger ou du Mali, il devient intarissable. La terre africaine l’habite, le fait vibrer, transpire par toutes les pores de sa peau. Devenu chargé de mission au Lycée Issat de Redon, il développe l’histoire entreprise il y a maintenant près de trente ans entre les lycées agricoles privés bretons et le Togo. Retour sur le parcours hors norme de ce globe-trotter morbihannais, qui sait donner à la coopération internationale, toutes ses lettres de noblesse.


Elarik a la fibre humanitaire. Originaire de Landévant, entre Auray et Lorient, BTS en agriculture en poche, passé au lycée du Nivot à Lopérec dans le Finistère non loin de Châteaulin, il commence sa carrière dans une coopérative agricole, la Cam 56, Coopérative des agriculteurs du Morbihan. Il crée alors une nouvelle antenne de la coopérative et devient responsable de site, une fonction qu’il exercera pendant dix ans. Mais il voit au-delà des frontières morbihannaises et en 1992, il crée l’Association bretonne internationale pour le développement. De premiers échanges voient le jour avec l’Afrique, principalement axés dans les domaines de l’agriculture et de la formation.

Naissance de Gaia pour l’Afrique
Sa rencontre avec Maguite Lorcy va donner une nouvelle impulsion à ses ambitions. La fondatrice de l’association Les amis de Saint-Barthélémy envoie régulièrement au Togo des conteneurs d’aides médicales, de livres et autres matériels d’urgence. Tous deux décident de fusionner leurs associations pour leur donner plus de poids et d’envergure. En juin 1998, nait Gaia, Groupement d’actions et d’initiatives pour l’Afrique. Son but ? Appuyer les populations vulnérables et accompagner leur mieux-être, principalement au Togo. Pas question d’intégrer le monde complexe des ONG. D’un commun accord, les deux cofondateurs conservent le caractère familial et convivial de leur initiative.
 
Coup de cœur pour le Togo
En 2008, Elarik quitte la coopérative pour se plonger corps et âme dans le secteur humanitaire. C’est d’abord l’urgence et la post-urgence qui le mobilisent. Darfour, Sud-Soudan, Madagascar… Il s’agit de faire face à une crise ou une post crise après une catastrophe naturelle, un conflit ou une guerre. En 2011, il s’oriente vers le développement. Et pendant 27 ans, il va ainsi sillonner l’Afrique, Sénégal, Mauritanie, Niger, Mali… En juin 1997, il fait un premier voyage au Togo :
« Cela a été un vrai coup de cœur, confie Elarik. Rapidement, des liens se sont tissés, des attaches se sont faites de plus en plus fortes. Les projets se sont mis à foisonner avec le ministère de l’Agriculture, des associations locales. Des partenariats se sont établis avec les réseaux togolais, des hôpitaux et structures de soins, des ONG locales, des orphelinats comme celui de Notsé. 50 % des lits de l’hôpital d’Atakpamé, cinquième ville du pays, ont été fournis par Gaia ! »

Togo et Cneap Bretagne, une histoire née il y a 30 ans
Depuis 1997, le Togo est présent dans les actions menées par le Cneap Bretagne, Conseil national de l’enseignement agricole privé. Il faut dire que Maguite Lorcy est la mère d’Yvonick Lorcy, ancien directeur d’établissement, aujourd’hui délégué régional du Cneap Bretagne. Grâce au réseau tissé par Gaia au Togo, de nombreux liens se sont tissés entre ce pays d’Afrique et les établissements agricoles bretons : Anne de Bretagne à Locminé, Jean Queinnec à Malestroit, Lycée Saint-Yves à Gourin… Sylvain Renaudin, chargé de mission « Projets internationaux » au CNEAP Bretagne depuis quelques années, renforce à son tour les liens établis. Aujourd’hui, une quarantaine de partenariats servent de base à des élèves venant en stage, accompagnés par un responsable togolais. Les élèves agriculteurs découvrent ainsi le plateau de Dayes, les cultures de Michel Stevi, chef du village de Tonota. Avec les jeunes togolais, ils participent à la construction de l’école du village dénommée Jubreda comme "Jumelage Bretagne Dayes"…
 
Ekofoda, centre de ressources agroécologiques, voit le jour
En 2014, Elarik rejoint Entrepreneurs du monde, une association qui accompagne l'insertion sociale et économique de personnes en situation de grande précarité en Afrique et dans d’autres pays. Il contribue à créer quatre structures de droit local au Togo dans les domaines de la micro finance, l’accès à l’énergie, l’entrepreneuriat des jeunes et l'agroécologie. Il anime la mission diagnostic qui conduira à la création du centre de ressources agroécologiques, Ekofoda, de Tchébébé. Avec Félix Dzamah, responsable du programme au Togo, il crée les curicula, modules et sessions de formation. De mars à mai 2023, une première session rassemble de jeunes paysans et paysannes togolais intéressés par l’agroécologie dans le maraîchage ; en septembre, c’est l’élevage en modèle agroécologique qui est à l’ordre du jour. Avec Patrice Sauvage, directeur-adjoint du Lycée Issat, et Patrick Desnos, enseignant en agronomie au Lycée Saint-Ilan, il organise en 2022 une première mission au Togo pour voir dans quelle mesure un projet pourrait se construire avec les jeunes lycéens du Lycée Issat.
« C’est ainsi qu’est née l’idée de concevoir une unité de fabrication d’huiles essentielles dans la lutte biopesticides avec les élèves bretons en filière laboratoires. C’était une première pour l’Issat. »

Une coopération impliquant la réciprocité
Depuis janvier dernier, Elarik a rejoint la communauté éducative du Lycée Issat :
« J’appuie la direction dans l’élaboration d’une stratégie pour les mobilités des élèves et des enseignants à l’international. Aussi, pour envisager le renforcement d’une coopération avec les pays d’Europe et d’ailleurs."
Et comment enclencher une véritable coopération ?
« Notre mission est de travailler en lien avec les habitants sur place. A la base, les projets émergent toujours des populations elles-mêmes et s’élaborent à partir de leurs besoins, de leurs questionnements. Modestement, nous proposons d’apporter un regard extérieur, un partage. Bien sûr, nous incitons à la réciprocité et favorisons la venue de Togolaises et Togolais en France. Ainsi, deux jeunes du centre Ekofoda ont été accueillis récemment dans des structures en France en service volontaire international. A l’Issat, nous envisageons d’accueillir Sodredine, le pépiniériste d’Ekofoda et de proposer un échange avec les jeunes en formation aménagements paysagers. Nous envisageons aussi de développer un nouveau programme d’agroforesterie dans le domaine du café avec l’UTCC, Unité technique café cacao. Il s’agit de cultiver du café agroforestier en plantant des arbres utiles, fruitiers, médicinaux ou fertilitaires dont l'activité enrichit la couche arable d'une terre, en améliore la texture et en favorise la structuration. Les élèves pourraient être associés à ce projet notamment sur le plateau de Dayes. Pour les jeunes élèves bretons, cette confrontation de pratiques avec des producteurs agricoles, des professionnels de la santé ou de l’éducation togolais est d’une richesse insoupçonnée. »
Tugdual Ruellan.

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