Mardi 16 Janvier 2024

En direct d’Ekofoda : journal de bord (1)



Six élèves de terminale bac professionnel Laboratoires du Lycée Issat de Redon (Ille-et-Vilaine) ont participé à un stage au Togo, du 2 au 19 novembre 2023, dans le centre de ressources en agroécologie de Tchébébé, Ekofoda. Patrice Sauvage, coordinateur du projet, a réalisé un journal de bord. Au jour le jour...


Samedi 4 novembre. Voilà deux jours que nous sommes arrivés au Togo. Première sortie et prise de contact avec Nestor, agriculteur qui développe des pratiques agroécologiques depuis plusieurs années. Sous les cocotiers, ce n'est pas la plage mais l'agroforesterie au milieu de laquelle se perdent quelques cochons. Fin de saison des pluies, végétation luxuriante en tout point de vue : des pieds d’aubergines grands comme des arbustes, un champ de 36000 pieds de tomates, des ananas, des baobabs...  Les ananas sont doux sans trop de sucre. Un délicieux jus de fruit en est issu et servi sur ce premier repas gastronomique 5 étoiles, résumé de toutes les pratiques culinaires togolaises : le foufou (purée d’igname) pour commencer avec une sauce épicée à souhait à manger à la main, ensuite bananes plantain, riz et autres féculents puis le poulet bicyclette, les avocats sans oublier… la liqueur de vie au Gingembre aux multiples vertus que nous avons tous eu l'obligation de goûter !

Dimanche 5 novembre. Et tout à coup la route grimpe pour monter sur le plateau de Dayes. Une averse nous cueille au pied de la montagne et peu à peu la végétation se transforme, s’intensifie, devient luxuriante. Agbe, notre chauffeur, de retour dans son village, salue tout le monde au passage avant d'arriver à notre logement au monastère de Dzogeban. Nous sommes accueillis par une religieuse au sourire doux. Nous nous plongeons dans l'ambiance calme avec recueillement assuré pour notre groupe de jeunes, prêt à respecter les règles du jeu. Nous avons mis deux heures seulement pour rejoindre Kpalime. Nous nous rendrons compte plus tard que c'était sans doute la seule bonne route, récemment refaite.
 
Rencontre avec Michel Stevi, paysan agroforestier passionné

Lundi 6 novembre. Des cloches sonnent. Il est 6 heures. C’est le lever du soleil et celui des sœurs du monastère. Il fait 23° ce matin, la chaleur reste douce et un peu humide à 900 mètres d'altitude. Sous ce climat tropical, on découvre aujourd'hui caféiers, cacaoyers, avocatiers, cacahuètes, haricots verts niebe… C’est aussi la rencontre avec Michel Stevi. Ce paysan expérimente depuis 30 ans les principes de l'agroforesterie. Quelle émotion de parcourir ces terres où les arbres s'entremêlent aux cultures vivrières. On y laisse de vieux arbres en attendant que d'autres plus jeunes puissent un jour les remplacer. Le paysan « agro écologue » donne à l'arbre une place centrale et s'insurge lorsqu'il voit dorénavant des machines venir déforester quelques parcelles. Il sait l'arbre vital. Il l’a découvert, il y a bien longtemps, en s'occupant des abeilles :  sans arbre pas de nourriture pour ces précieux alliés dont il est devenu un farouche défenseur en tant que président de la Fédération nationale d'apiculture.
 
L’agroécologie est une philosophie pleine d'humanité chez Michel Stevi qui l'a sans doute conduit tout naturellement à devenir chef du village. Il est aussi une référence pour son fils Charles qui est à ses côtés aujourd'hui sur la ferme après avoir étudié plusieurs années. Son autre fils, Agbe, notre chauffeur a aussi une ferme. Pour valoriser ses avocatiers qu’il ne réussit pas à commercialiser, il a développé un élevage de cochons qui se nourrissent au pied des avocatiers. Ils se régalent des fruits mûrs qui sans cela resteraient pourrir. Quelle surprise de découvrir les prix si faibles payés aux producteurs, comparés aux prix payés sur nos étalages !
 
Samuel, un autre fils, est venu s'asseoir à notre table à midi. Il explique combien il doit à son père ses principes de l'agroécologie. Plein de projets, il s'essouffle devant l'absence d'aides de l'Etat et le manque des financements qui pourraient pourtant permettre de lancer des projets. Les banques ne soutiennent pas les projets agricoles et rendent impossibles quelquefois le développement des nouvelles idées :  sauvegarder les chaînes de valeur aux producteurs serait tellement déterminant pour permettre de garder cette valeur ajoutée inexistante pour les producteurs. Les prix payés aux producteurs restent très faibles. Samuel y voit la collusion entre les acteurs politiques et commerciaux qui préfèrent sans doute des importations plus rémunératrices. Et pourtant… Quelle intelligence est mise dans les pratiques agricoles de ces paysans. J’ai retrouvé le café découvert en Colombie tout comme les fèves de cacao. Le café robusta, sans organisation de producteurs, ne semble pas apporter non plus la rémunération attendue. Découverte des arachides qui, c'est vrai, poussent en terre comme des tubercules. Nous les dégustons fraîches et légèrement torréfiées pendant la discussion qui suit.

A SUIVRE...

Dans la même rubrique :