Kevin Wandja : le rap pour apporter la paix à Maurepas


Depuis 2007, Kévin Wandja, “L’Authentique” de son nom de scène, est membre du label Démozamau (DMZ), qui diffuse la culture hip-hop au sein du quartier de Maurepas. Avec une vocation : donner de l’espoir à ses habitants, et plus particulièrement aux jeunes.


“L’Authentique”. C’est le nom de scène sous lequel Kévin Wandja se fait connaître dans le milieu du rap français. “L’Authentique, c’est celui qui a décidé d’être transparent et de ne plus transparaître, explique l’artiste, qui a réalisé la première partie du groupe IAM à Rennes en 2021. Je veux sortir du cliché du gros bonnet qui fait les quatre-cents coups, parler de ma vie, du système, de mes réussites, de mes échecs. Que les gens s’intéressent à moi et pas à l’image que je transmets.”

Il est comme ça, Kévin Wandja. Simple, sincère, honnête, derrière un sourire qui cache une certaine timidité. Multiculturel aussi. Natif de Bourges (Cher), il grandit à Orléans. Mais ses racines sont au Congo, d’où vient sa famille. Cinq frères, une sœur, et des parents éloignés du milieu artistique. Mais “chez nous, la culture est constamment présente, explique-t-il. Nos tantes, nos oncles venaient tous les week-ends, et on faisait de la musique tout le temps”. Tous les dimanches, la famille se retrouve à l’église, où le jeune Kévin chante dans la chorale. “C’est là que j’ai su que j’étais fait pour la musique”, sourit-il. Alors quand, admiratif, il regarde ses frères rapper, il décide de se lancer. Commence à écrire ses premiers textes, dans lesquels il raconte sa vie de jeune adolescent et le quotidien de son quartier. À 12 ans, il participe à un concours de rap sous le nom de “Dushy”.

Du football au rap

Pourtant, le jeune homme ne se destine pas à en faire son métier : c’est d’abord dans le football qu’il désire faire carrière. Une vocation qui l’amène à s’installer à Rennes à 18 ans, pour intégrer le club de foot de la ville. Mais le rêve tourne court. “Je ne faisais pas ça parce que ça m’animait, mais plus pour des raisons financières, admet-il. Quand tu fais quelque chose dans la vie, il faut se demander pourquoi. Quand tu as le pourquoi, tu sais si c’est pour ça que tu es fait.”

Les ballons de football derrière lui, Kévin se concentre désormais sur les études. Un bac en ressources humaines, puis des études de psychologie et de langues étrangères à l’université, qui ne l’ont “pas trop intéressé” : “Ce que je voulais, c’était travailler”. C’est donc “pour mettre du beurre dans les épinards” que, dans le cadre d’un service civique, il rejoint Démozamau (DMZ), un collectif d’artistes rennais qui valorise la culture hip-hop à Rennes en proposant notamment des ateliers d’écriture sur le quartier de Maurepas.


La musique peut changer des vies

Nous sommes en 2007, et  Kévin se retrouve chargé d’animer des ateliers dans les écoles et les collèges, ainsi que des sessions freestyle au cours desquelles artistes confirmés ou amateurs prennent le micro. Une activité qu’il exerce toujours, en plus de ses projets musicaux. “Ça m'a permis de me remettre dans la musique”, glisse-t-il. Surtout, l’artiste se découvre une “capacité à fédérer, à transmettre des principes et des valeurs autour de la musique : le respect, l’entraide, s’élever, progresser ensemble”.

Une expérience qui apprend à l’animateur en herbe “comment on arrive à se faire petit, en tant que leader, pour mettre en lumière le collectif”. Et déclenche une prise de conscience : la musique peut changer des vies. “Il y a beaucoup de témoignages de personnes qui ont radicalement changé leur vie en participant à nos activités”, raconte non sans fierté le rappeur-animateur. Un exemple ? “Une adhérente de l’association était atteinte d’un cancer. Ce qui lui a sauvé la vie, ce sont les sessions freestyle.” Un projet pour raconter cette renaissance est d’ailleurs sur les rails.

Montrer que l’espoir est permis

Changer la vie à petite échelle, celle des “gens timides qui reprennent confiance en eux”. Mais aussi à grande échelle, celle du quartier de Maurepas. “Dans un de mes derniers sons, je dis : “Eh frère, en bas des tours, la mélancolie tourne plus que les bleus”, expose l’artiste. "Quand tu vois les gens passer, tu ressens énormément de mélancolie sur les visages. Autant que je vois la police tourner. Je pense que les habitants ont besoin de paix et ne l’ont pas encore trouvée.”

Cette thématique est au cœur de son premier album, “La vie d’en bas pour la vie d’en haut”, sorti en 2020 : “Beaucoup de jeunes voulaient que je sorte quelque chose. J’ai envie d’endosser le rôle d’exemple”. Pour montrer à ces jeunes que l’espoir est permis. “Ils sont hyper contents, c’est de l’or pour eux. Tu leur offres une zone d’expression qui les valorise, il n’y a rien de mieux. Et ils ne t’oublient pas.”

L’album connaît le succès au-delà des frontières : Rennes, Paris, Nice, le Canada, la Côte-d’Ivoire… Et Kévin “l’Authentique” espère casser les stéréotypes : “C’est quelque chose que chacun doit faire individuellement. C’est un manque d’intelligence : si un jeune écrit ‘“Maurepas” sur son CV, aura-t-il le même accès à l’emploi qu’un jeune de Cesson ou Saint-Grégoire ?  Pourtant, ces jeunes-là peuvent changer des vies. Il faut les accompagner.”

Romain Blanchard