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Liberté, égalité, fraternité
"Et si nous partions de l’idée que la liberté produit nécessairement de l’inégalité ? Fondamentalement, la liberté produit l’inégalité. Un vrai démocrate ne cherche l’égalité que si elle ne menace pas la liberté. Le chômage existe en France depuis 40 ans, c’est ce qui a le plus occupé les gouvernants, les médias, les citoyens… normalement, on devrait avoir avancé sur la question. Or, il est toujours à un niveau très élevé. Il est bien le témoin de notre résignation collective à la croissance des inégalités. Il y a 25 ans, les présidents Chirac et Mitterrand s’affrontaient au deuxième tour de l'élection présidentielle en disant qu’il fallait transformer les dépenses passives en dépenses actives. Il a fallu attendre 25 ans pour voir aujourd’hui poindre l’expérimentation Territoire zéro chômeur ! On n’a pas beaucoup évolué sur cette question. Et je ne parle pas de la misère, de l’indifférence vis-à-vis de la misère, je parle juste du chômage. Nous nous sommes donc résignés à l’inégalité.
Un projet inégalitaire
Il y a ensuite les valeurs individualistes qui prédominent avant 1789 dans le bassin parisien, qui s’étendent et perdurent jusqu’à exploser dans les années 1960, fastes et consuméristes. C’est le chacun pour soi au détriment des valeurs collectives. Le revenu minimum d’existence devient le revenu minimum individuel. On individualise l’aide et l’accompagnement jusqu’à rendre le chômeur responsable de son chômage. Puis on assiste ensuite au recul de l’Etat, à la dévalorisation du bien commun, à la ruine de la régulation politique, à l’ouverture au marché et à la libre concurrence. Certes, l’individu est mieux reconnu dans son individualité mais il est plus précarisé dans sa vie quotidienne.
Je pense (au risque de choquer) que la mondialisation n’est pas la cause mais bien la conséquence du projet inégalitaire. La mondialisation est bienvenue parce qu’il y a dans les nations occidentales un projet inégalitaire. Bien sûr que les gens disent qu’ils sont égalitaires ! Mais c’est tout de même chacun pour soi. Ce n’est sûrement pas un hasard si les valeurs individualistes des années 1960 ont trouvé là leur nid sociologique. Je note encore et toujours une indifférence progressive des gens vis-à-vis des autres. Bien sûr, aucun dirigeant ne prône l'inégalité mais c'est bien parce qu’on laisse faire un certain nombre de décisions politiques, qu’on laisse faire tout ce qui renforce l’individualisme qu'on le cautionne… Voilà pourquoi je dis qu’il s’agit bien d’un projet inégalitaire. Les rares militants qui crient contre l'inégalité sont très rares et extrêmement minoritaires.
La fraternité relie liberté et égalité
Je crois viscéralement à la fraternité - je ne crois d'ailleurs qu’en ça. Refonder la société, c'est refonder les communautés qui doivent d'abord être des communautés de sens et ensuite, d'action. C’est refaire du collectif, construire des libertés collectives qui vont certainement entacher les libertés individuelles. Je ne crois qu'au collectif, qu'à la force de la fraternité entre les gens, de la solidarité et de l'entraide, de leur capacité à changer le monde, de l'amitié entre les gens, de l'amour. Par définition, il y aura toujours le combat entre liberté et égalité. Et les penseurs de 1789 ont été bien inspirés, ayant tiré enseignement de l'expérience de la vie et sans doute aussi, de celle de leurs parents et des générations d’avant, en ajoutant fraternité. Car la fraternité relie liberté et égalité, ces fondements antagoniques. Cette devise a fondé notre République. Elle continue à être notre ciment. Surtout, n'oublions jamais la fraternité."
Tugdual Ruellan
Tugdual Ruellan
UN SOCIOLOGUE ACTEUR DU DEVELOPPEMENT LOCAL
Loïc Dutay est né en 1948 à Rennes. Après l’école normale, il commence à travailler comme instituteur à Rennes, en CE1 puis dans l'enfance inadaptée à l’ENP, Ecole nationale de perfectionnement. Il devient conseiller d'orientation à Laval, Rennes et Redon après des études à Caen. Mis à disposition de l'Education nationale, il crée un chalet d'accueil de familles, en Savoie, qu’il anime durant deux ans et demi. En 1983, il intègre la mission locale de Saint-Brieuc puis celle de Redon en 1984. En 1989, il est nommé à la délégation interministérielle jeunes comme chargé de mission pour le secteur rural. L’équipe est chargée par Michel Rocard, alors premier ministre, de dresser un état des lieux sur l'articulation des politiques nationales d'insertion et celles de développement local et de mettre en place les Systèmes partenariaux d’insertion et de développement.
En 1992, devenu sociologue, il fonde, avec Dominique Bachelart, l’Ades, Association pour un développement solidaire, qui a participé à la méthode et à la construction de projets de développement d’une centaine de territoires et « invite à la reconquête de l'autonomie et de la démocratie locale ». Il l’anime jusqu'en 2013. Il crée le CPIE Natures et Mégalithes, Centre permanent d'initiatives pour l'environnement, en 2003, association qui emploie aujourd’hui 30 salariés, chef de file du réseau des sites mégalithiques de Bretagne et de nombreuses actions en faveur du développement durable.
Tugdual Ruellan.
Loïc Dutay est l'auteur de deux ouvrages :
* "Pour un chômage innovant - organiser du sens avec les sociétés locales", 1996, Loïc Dutay (éditions L'Harmattan)
* "Penser, sentir et agir la métamorphose", novembre 2000, Loïc Dutay avec Tugdual Ruellan (éditions L'Harmattan).
Tugdual Ruellan.
Loïc Dutay est l'auteur de deux ouvrages :
* "Pour un chômage innovant - organiser du sens avec les sociétés locales", 1996, Loïc Dutay (éditions L'Harmattan)
* "Penser, sentir et agir la métamorphose", novembre 2000, Loïc Dutay avec Tugdual Ruellan (éditions L'Harmattan).