« Je vis dans mon entourage une violence faite par une femme à un homme », écrit une lectrice

Mercredi 8 Février 2012


« En tant que femme, je ne peux que condamner la violence faite aux femmes, écrit une lectrice, mais je vis dans mon entourage propre une violence faite par une femme à un homme, intelligent et sensible, et je ne suis pas sûre qu'il y ait une grande différence dans la manière d'éprouver de la souffrance.

La souffrance a-t-elle un sexe ? Je crois que non...

En l'occurence cet homme que je connais a tous les symptômes de la femme violentée. Il trouve à sa compagne toutes les excuses possibles. Refuse la réalité de sa douleur et a le plus grand mal à se dépêtrer de l'imbroglio affectif dans lequel il se prend les pieds. Il souffre et accepte cela. Elle le fait souffrir et jouit de ça. C'est terriblement classique.

Je ne sais que dire sur la violence. Si ce n'est qu'elle est le propre du genre humain. » 


Sujet tabou?

« Il existe des hommes violentés par leur conjointe, contrairement à ce que la société laisse transparaître. L'idée de la violence féminine est difficile à accepter parce qu'elle bouscule l'organisation d'une société basée sur un rapport social des sexes où l'homme est perçu comme dominateur. » Jean-Pierre Vouche, psychologue clinicien, auteur de nombreux ouvrages sur la violence à l'intérieur de la famille, poursuit « Comme la transgression de la femme violente est rarement reconnue publiquement, l'homme victime est invalidé et condamné à la honte. »

Bien sûr, on peut toujours dire que les hommes violentés sont peu nombreux comme le prouvent les statistiques. En France par exemple, la seule enquête sur le sujet, publiée en 2007 et portant sur les années 2005-2006, évalue à 0,7 % la proportion d'hommes violentés contre 1,8 % pour les femmes, soit trois-quarts des personnes violentées. En ce qui concerne les décès, ce sont les femmes qui meurent dans 86 % des cas et les hommes pour 14 %, selon une enquête BVA/L'Express.

Mais est-ce une raison ? N'est-il pas temps d'avoir une approche non sexuée de la question ? C'est ce que propose Claudine Gachet, fondatrice de Face-à-Face, premier centre suisse d'aide aux femmes auteures de violence, « Nous commencerons à saisir le problème par le bon bout le jour où nous nous mettrons d'accord sur un point : la violence n'a pas de sexe et tout le monde peut y succomber. »

« C'est un sujet tabou, une femme est plutôt perçue comme protectrice et aimante, poursuit-elle, celles que nous recevons sont capables de coups et de bris d'objets. Elles ne vivent pas forcément dans la précarité. Elles ont toutes subi des violences pendant leur enfance. » Le sujet rend mal à l'aise.

Saisir le problème

Le déni du problème a des conséquences graves pour les femmes violentes. Où peuvent-elles en parler ? Se faire aider ? Comprendre cette violence qui les submerge ? Existe-t-il un centre de prise en charge pour les femmes ayant des comportements violents comme à Genève ?  

« Aborder le thème de la violence des femmes, resté longtemps tabou, en le croisant avec celui, plus habituel, de la violence qu'elles subissent peut-il être un moyen de renouveler l'histoire des femmes » écrivent Cécile Dauphin et Arlette Farge dans leur livre De la violence des femmes (Albin Michel). Des études commencent à voir le jour, tant dans le domaine historique ( la participation des femmes aux nazisme, par exemple) que sociologique ( la délinquance des adolescentes, les gangs de filles...) et psychologique. Ces travaux devraient permettre de progresser et de sortir des stéréotypes et des rôles sociaux déterminés. 

Il est humainement incontournable de dénoncer jour après jour les violences faites aux femmes mais il est aussi important d'être sensible à la souffrance des femmes violentes qui ont besoin d'être aidées. Souffrance des hommes violentés qui, pour garder l'image du dominateur que la société leur impose, préfèrent rester cachés. 

Le problème n'est pas d'être un homme ou une femme violent(e). Le problème est la gestion de cette violence que chacun(e) porte en soi plus ou moins fort. Cette violence qui empêche la partie créative de nous-mêmes de se montrer et que le "connais-toi toi-même" peut aider à surmonter, comme l'écrit  Marlène Frich, conseillère conjugale et familiale et thérapeute : « Ce qui peut aider ces couples ou ces sujets à sortir de cette problématique est un travail psychique qui leur permettra de quitter la violence fusionnelle qui annihile, détruit, tue, pour accéder au conflit positif, à une forme d’agressivité créatrice et génératrice de la pensée et de l’individualisation. »