La question de Rebelles non-violent/e/s : trois réponses à Monsieur Guéant

Dimanche 26 Février 2012


« Contrairement à ce que dit l'idéologie relativiste de gauche, pour nous, toutes les civilisations ne se valent pas. » Elle est bien violente cette phrase, Monsieur le Ministre et mérite réponse.

Bons élèves des écoles de la république, nous voilà déstabilisés. Nous qui avons appris par coeur que notre pays, patrie des droits de l'homme et du citoyen, reconnaissait les hommes « libres et égaux en droits ». Plus récemment, grâce à Olympe de Gouges, on nous a même dit que les femmes ont aussi ce droit de naître « libres et égales à l'homme en droits  »...

Votre phrase introduit le doute : nous sommes égaux sauf ... la fameuse exception qui mérite la règle.

Les civilisations sont égales et apportent chacune leur pierre à la construction de l'humanité, pensions-nous, nous référant au principe de base de l'égalité. Elles se valent.

Erreur : elles ne se valent pas. A l'échelle des civilisations, où est placé la nôtre ?

Une civilisation, des civilisations

Une première réponse de Fernand Braudel avec " Grammaire des civilisations ", paru en 1987. L'historien français y décrit de manière précise les identités et les particularités spécifiques à chaque civilisation - chinoise, mongole, indienne, africaine, européenne, arabo-islamique...

Ouvrage prévu pour la réforme de l'enseignement de l'histoire au lycée, Fernand Braudel, comme l'explique Jean-François Mattéi dans un article paru en janvier 2010, a voulu « retrouver le lien continu des diverses civilisations qui sont autant de discours originaux sur la même trame d'existence (...) Aucune n'était étrangère aux autres comme une île au milieu de l'océan, mais toutes formaient un archipel qui laissait deviner la permanence de la civilisation humaine. »

« Le passé des civilisations, écrit F. Braudel, n'est d'ailleurs que l'histoire d'emprunts continuels qu'elles se sont faites les unes aux autres au cours des siècles sans perdre pour autant leur particularismes ni leur originalité. »

« Au singulier,
poursuit-il, civilisation, ne serait-ce pas aujourd'hui avant tout le bien commun que se partagent toutes les civilisations, "ce que l'Homme n'oublie plus" »

Plutôt que de hiérarchiser, manie bien française, Monsieur Guéant, allons dans le sens de l'histoire, la grande, celle d'une humanité qui « accède à une phase nouvelle, comme l'a écrit Raymond Aron, celle en somme d'une civilisation capable de s'étendre à l'univers entier. »

Mais nous sommes rassurés : le principe d'égalité est sauvé.

« Cela aurait été une lâcheté de ma part »

Serge Letchimy, le député de Martinique, n'a pas failli dans la réponse à votre phrase, Monsieur le Ministre, comme il l'explique dans le Figaro du 14 février 2012, « Mais cela aurait été une lâcheté de ma part de ne pas dire clairement que ces propos étaient intélorables et risquaient de conduire petit à petit à créer les conditions d'émergences d'idées qui ont conduit à des ignominies au cours des siècles passés comme l'esclavage ou la Shoah. »

Le propos est clair et son ami le romancier Patrick Chamoiseau le défend dans le Monde du 13 février « Il dit que l'idée de hiérarchie des civilisations a amené la colonisation, l'esclavage, le nazisme. Du discours de Dakar de Nicolas Sarkozy à la stigmatisation des Roms, c'est du racisme et de la xénophobie d'Etat. S'il n'avait parlé que de l'esclavage et de la colonisation, ils n'auraient pas compris »

Finalement, est-ce de civilisations dont il s'agit ? De principes et de valeurs d'Egalité, de Fraternité et de Liberté ? Ou tout simplement de cuisine électorale ? Ecoutons dans la vidéo, Serge Letchimy donner son analyse de la phrase et expliquer en quoi il l'a ressentie comme violente par rapport à l'histoire des Antilles.
 

Vive le Blues

Le Black History Month bat son plein aux Etats-Unis. Depuis 1976, le mois de février célèbre les contributions de la communauté afro-américaine à la culture états-unienne. Le thème cette année est la femme noire dans la culture et l'histoire des USA. 
Pour la première fois en France, le Black History Month est célébré, comme le font depuis 20 ans nos voisins allemands.

A l'occasion du " Black History Month ", lors d'une soirée à la Maison Blanche, le président Obama a ravi ses invités en chantant Sweet Home Chicago accompagné de Mick Jagger et des guitaristes B. B.King et Buddy Guy

Barrack Obama a rappelé l'universalité du blues qui « nous rappelle que nous avons traversé des temps plus difficiles » avant d'ajouter « Je suis fier d'accueillir ces artistes pas seulement en tant qu'admirateur mais aussi en tant que président, parce que leur musique nous enseigne que lorsque nous nous trouvions à la croisée des chemins, nous ne fuyons pas nos problèmes, nous leur faisons face, nous chantons à leur sujet. »

Rêvons : peut-être un jour aurons-nous la chance d'avoir une femme noire à la Présidence de la République pour chanter l'universalité de notre condition humaine.