Le Bien et le Mal, oui mais...

Vendredi 3 Janvier 2014

« Le bien et le mal, oui, c'est une réalité de notre monde. Mais et " nous " dans tout cela ? » C'est comme un éclair qui traverse la brume du cerveau au petit matin. C'est ce qui est arrivé à Dominique : ses méninges l'ont embarquée pour une traversée qu'elle vous invite à faire avec elle.



Je livre ici ma petite réflexion du matin, ...autour d’un sujet bien vaste : celui du bien et du mal.

Mon propos n’est cependant pas de questionner ces deux notions, d’autres l’ont fait avant moi et d’autres s’y penchent encore, bien mieux que je ne saurais le faire. Non, il s’agit ici seulement de faire état de mes pensées à partir d’un de mes instants de vie.

En effet, il y a quelques jours, j’ai fait se rencontrer deux de mes amis qui, par ailleurs, ne se connaissaient pas du tout et, à un tournant de leur échange, ils ont évoqué le criminel de guerre nazi Eichmann, ce qui les a tout naturellement conduits à aborder le thème du bien et du mal... Et depuis lors, mes neurones s’agitent !

Pour exposer ce qui a servi de support à ma réflexion et vous livrer quelques « clés » de compréhension, il me semble nécessaire de poser le cadre mais, par souci d’anonymat, je vais nommer mes amis Clara et Mikaël.

Donc... Clara et Mikaël sont deux personnes mûres, c’est-à-dire pas vieilles mais pas jeunes non plus. Je ne peux pas dire que je les connaisse très bien, tant il est vrai qu’on ne connaît jamais réellement très bien quelqu’un, mais ce sont de belles personnes : de celles dont on est fier(e) d’être l’ami(e). Ils éprouvent de l’empathie pour les « autres » et sont en perpétuelle recherche : recherche de distance avec les comportements humains, recherche de sens face aux évènements, etc. En bref, et bien que leurs origines sociales et culturelles soient très différentes, je trouve que de nombreuses choses les rapprochent et, pour ma part, je les considère comme étant les « mêmes », comme appartenant à la même catégorie de personnes car semblables dans leur grande humanité. J’irai même jusqu’à dire que j’ai la quasi-certitude que les chemins de vie qu’ils ont choisis ont toujours été dans le sens de ce que l’on appelle le « bien ».

Pourtant, autour de la question du bien et du mal, en lien avec Eichmann, une polémique est née entre eux.

Mikaël considérait que les travaux d’Hannah Arendt, qui voit en Eichmann l’incarnation de la « banalité du mal », constituaient une voie conceptuelle intéressante.

Clara, elle, disait qu’elle avait tenté de lire les travaux d’Arendt sur le sujet, qu’elle les avait trouvés « imbuvables » et elle concluait en exposant qu’il était nécessaire, dans l’éducation des enfants, de les faire approcher les notions de bien et de mal et de leur faire s’approprier l’idée qu’on ne doit pas faire le mal.

Certes, Clara et Mikaël sont des personnes courtoises et pacifistes et leur discussion s’est passée sans qu’aucun des deux essaye de convaincre l’autre. Mais elle s’est arrêtée là, faute de temps, ça j’en suis sûre, car l’heure était venue de se quitter, mais elle s’est arrêtée là et mes amis se sont quittés campés sur leur position.

Qu’en aurait-il été de leurs débats et conclusions s’ils avaient disposé de temps pour le faire ? Quel consensus auraient-ils trouvé ? Ca, je n’en ai pas la moindre idée.

J’étais alors là, présente entre eux deux, et je n’ai rien dit : il me semblait important de leur laisser la liberté de leur débat mais, sans doute aussi, n’avais- je rien à dire dans l’instant.

Pourtant, quelques jours après, je réalise que leur échange m’a « turlupinée » et, qu’à mon insu, mes neurones se sont agités...

Je suis depuis longtemps convaincue que, autour des théories et idéologies qui nous sont proposées, nous choisissons tous, avec plus ou moins de subjectivité, celles qui nous « conviennent » le mieux : celles qui se rapprochent le plus de nos fondamentaux culturels, de nos valeurs morales, de l’approche que nous avons de notre responsabilité citoyenne, etc.

...Mais, aussi, celles qui nous font le moins « souffrir » au regard de notre propre « histoire ». Dans nos « choix » de pensée et notre « adhésion » à des « idées », notre inconscient et le « ça » sont puissants et nous sommes perpétuellement confrontés à une antinomie : celle de notre croyance en l’existence d’un individu libre et celle de notre difficulté à analyser, parfois, les motifs de nos actions, à nous poser en « sujets » en pleine capacité de répondre de nos actes et de nos pensées.

Ma conviction profonde est ainsi que « l’objet » dépasse parfois le « sujet » et que l’individu libre que nous croyons souvent être ne l’est pas toujours : je crois qu’il ne nous est pas possible d’être transparents à nous-mêmes et que nous passons tous, plus ou moins consciemment, par des aspects obscurs qui nous entrainent à de petits compromis liés à notre propre « histoire ».

Et alors ?

Alors...

Lorsque j’étais enfant, je chantais à tue-tête : « Si tous les gars du monde décidaient d'être copains et partageaient un beau matin leurs espoirs et leurs chagrins et marchaient la main dans la main le bonheur serait pour demain. »

Et j’y croyais ! Mais j’avais seulement cinq ou six ans et j’ai compris depuis que ce n’était qu’une belle utopie.

Je continue néanmoins à croire aux utopies, seulement mes utopies d’adulte sont sans doute plus modestes et réalistes, moins ambitieuses...

Alors, si les nombreux Clara et Mikaël que nous sommes, en constante recherche de « paix », décidaient d’être copains « autrement ».

Alors, si les nombreux Clara et Mikaël que nous sommes, décidaient simplement, lorsqu’ils font une belle rencontre, de se dire que des idéologies, des concepts et des approches, il y en a plein le monde et qu’on en développe tous les jours de nouveaux mais que, basta !, on peut les laisser de côté, mais que, basta !, on peut accepter de l’autre qu’il pense différemment... parce que l’essentiel est « ailleurs ».

Alors, si les nombreux Clara et Mikaël que nous sommes, décidaient, un jour, de se poser pour se demander : « Alors, et nous dans tout ça ? Et nous qui avons tous la même quête, comment pouvons-nous agir et que pouvons-nous essayer de faire, concrètement et ensemble, par-delà les idées qui nous séparent ? »