Mardi 24 Novembre 2020

A Villejean, des craintes pour l'emploi et les prix.


Comparés à l'ensemble des français, les habitants de Villejean se distinguent notablement en s'affirmant à 15% craindre que, après la crise du Covid, les prix augmentent (contre 2% nationalement) et à 22% que le chômage de masse ne réapparaisse (contre 9% nationalement). C'est la tendance révélée par une enquête réalisée dans le quartier, en octobre, sur le marché, sur la Dalle Kennedy et au Centre social.


En pourcentages des personnes enquêtées

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Pourtant, ils considèrent majoritairement que leur avenir sera « plutôt meilleur » comparé à la vie de leurs parents (43,5% à Villejean, 21% au niveau national). Mais les Villejeannais rencontrés sont 58,5% à considérer que le monde sera « moins bien » dans 20 ans. Les passants ont été interrogés sur leur vision de l'avenir à partir d'un questionnaire inspiré de l'enquête d'Arte (1). Prudence ! Les personnes interrogées , à Villejean comme en France, sont toutes volontaires. Les pourcentages donnent une idée des tendances, mais l'échantillon n'est pas représentatif de l'ensemble de la population.

Parmi les soixante questions posées sur le quartier, une sélection de trois questions suscite déjà quelques commentaires : le travail, la voiture, le vote. Attention, ces premiers commentaires sont des hypothèses à discuter avec d'autres habitants du quartier... Laurane Aubrée, enquêtrice de terrain, et Fabien Daunay, de la Maison de quartier de Villejean donnent un premier avis.

Heureux sans travailler ?
« Je pourrais être heureux sans travailler ? » Alors que les répondants en France répondent oui à 57%, à Villejean 59% des questionnés disent qu'ils ne seraient pas heureux sans travailler. « A Villejean, Il y a des personnes qui ont connu des périodes de chômage très longues, ou sont encore au chômage, avec des difficultés financières explique Laurane Aubrée. Parfois ils connaissent dans leur entourage des gens touchés par le chômage. Au niveau national, l'enquête montre, en moyenne, une population différente en terme de situation professionnelle ou de revenus. On peut plus facilement rêver de ne pas travailler quand on n'a pas connu de période de chômage. »
Dans ces résultats, Fabien Daunay souligne les différences avec la France entière dans  « le rapport au travail : dans les milieux populaires le travail a  une valeur positive. Ne pas en avoir c'est une sacrée perte. Sur Villejean on voit le taux de chômage. Dans l'enquête, on ne pose pas la question des moyens de subsistance, des revenus. A Villejean, il y a une sacrée expertise de la vie sans revenu réguliers »

Heureux sans voiture ?
« Je pourrais être heureux sans voiture ». La tendance similaire à la majorité les répondants ont répondu oui, à Villejean ou à l'échelle de la France. (68% pour Villejean et 77% pour la France).
« Ce sont des urbains, précise Laurane Aubrée. On trouve le même profil que les urbains de centre ville. Ils vivent déjà sans voiture. Les plans de mobilité durable, les transports en commun... sont des notions déjà acquises. Pour eux, les voitures ne sont pas vraiment essentielles dans leur quotidien. Sur la dalle Kennedy, à cette question, la réponse : « de toute façon, j'en ai pas ». Comparé à l'enquête d'Arte avec une population urbaine, un peu bourgeoise, les résultats sont similaires » mais pour des raisons sans doute différentes.
 « Villejean, quartier populaire profite d'un réseau de transport en commun : on peut se passer de voiture. souligne Fabien Daunay. Des gens peuvent être heureux sans voiture car ils n'en ont pas. C'est pour demain ! Pour protéger la planète est-ce que l'on peut tous arrêter d'avoir une voiture ? On a interrogé des urbains. En territoire rural on aurait des réponses différentes. ».
L'enquête ne dit pas qui est satisfait sans voiture. Aujourd'hui pour certains déplacements ou achats hors du centre ville, la voiture est très utile : en France, 86% des foyers ont une voiture, davantage à la campagne, moins en ville. Et surtout pour beaucoup, la voiture n’est pas un objet comme les autres. Au-delà de sa fonction première de mobilité, elle est un symbole de liberté, plaisir...

Heureux sans voter ?
« Il y a une multitude d'explications possibles, note Laurane. Le taux d'abstention sur Villejean est fort. Voter, n'est pas un besoin fondamental d'expression.  Quelques personnes m'ont dit : le droit de vote ne sert à rien. Mon avis ne compte pas, ça ne changera rien à ma vie (au delà du droit de vote). Il y a une désillusion par rapport au modèle politique en France. « Pourquoi je répondrai à ce questionnaire, on s'en fiche de ce que je pense ! ». Certains  estiment « Je peux être heureux sans voter, par contre, je ne peux pas être heureux sans donner mon avis. »
Fabien Daunay nuance : « sur Villejean, le taux d'abstention reste raisonnable par rapport à d'autres territoires ne France. Dix point de plus dans les quartiers populaires rennais comparés au reste de la ville, pour les élections présidentielles. Ces quartiers ne sont pas décrochés de la vie citoyenne ».
Ces trois questions reflètent partiellement le point de vue des habitants du quartier. Elles mériteraient d'être approfondies. Et pour mieux cerner les éléments qui les rendraient heureux, il faudrait aussi aborder d'autres points comme les revenus, le logement...
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(1) La Maison de Quartier de Villejean et la Maison Internationale de Rennes, reprennent l'initiative de la chaîne de télé Arte : « Donnez votre avis sur la société d’aujourd’hui et le monde de demain. ». A Villejean, la priorité est donnée aux préoccupations sur l'avenir.
Près de 150 questionnaires (149 exactement) ont été recueillis auprès d'adultes, mais aussi de quelques lycéens et des collégiens de Rosa Parks. Attention, ces résultats notent une tendance. Ils ne sont pas représentatifs de la population du quartier

"Le taxi de Salim roulera à l'énergie solaire". Cette fresque réalisée par des enfants de Villejean montre leur vision de l'avenir. Elle est visible dans le hall de la Maison de Quartier