Voici deux points de vue sur les coulisses de l'enquête « Villejean résiste aux violences ». Deux de ses réalisateurs éclairent les difficultés à traiter ce sujet sensible, mais aussi les joies des rencontres.
Catherine Verger souligne quelques-uns des obstacles rencontrés et comment elle a apprivoisé le quartier.
Gagner la confiance d'un quartier comme Villejean, quand on n’y habite pas, demande de la patience et de l’entêtement. Pendant six mois, je suis venue garer ma bicyclette au pied d’un immeuble, à l’entrée d’un local associatif, au bord d’un parc, dans l’enceinte d’un collège, d’une école primaire, d’un café. Six mois à vouloir rencontrer ceux qui s’engagent dans le quartier, ceux qui y étaient engagés avant de le quitter, ceux qui y travaillent, ceux qui y étudient.
Tout n’a pas été « simple ». La galère des prises de rendez-vous. Solliciter la personne une fois, deux fois, voire davantage. Recevoir des réponses évasives : « Pas disponible, trop débordé, c’est compliqué, plus tard ». Ou ne pas obtenir de réponses du tout. Derrière ces refus ou ces esquives, comprendre « On ne vous fait pas confiance ».
A Villejean, comme dans tous les quartiers dits "sensibles", on se méfie des journalistes. Il vaut mieux être recommandé. Par un professeur du collège Rosa Parks, un président d’association, ou une ancienne animatrice bien connue dans le quartier. Donc prendre le temps de dire qui on est, dans quel état d’esprit on aborde le quartier, trouver les mots pour convaincre. Faire de longs entretiens d’une à deux heures, écouter, rencontrer une deuxième fois, approfondir.
La prudence des institutions a été perceptible L’un des mots qui résume notre enquête, « les violences » fait peur aux officiels. On se dit que l'expertise du procureur de la République sur Villejean doit être intéressante. Malheureusement, il refuse notre demande. Autre difficulté : les illustrations. La dalle Kennedy et une partie de la rue du Bourdonnais sont des zones interdites.
Mes six mois de fréquentation de Villejean ont été une exploration. Et j'y ai fait de belles rencontres.
Catherine Verger
Certains sujets que nous avons tenté de traiter, sans réussir, ne peuvent masquer le plaisir à rencontrer quelques uns de ceux qui agissent pour améliorer la vie quotidienne.
« Quelles sont les difficultés rencontrées par les étudiant.e.s sur Villejean ? Solitude liée en partie à la crise sanitaire, compétition dans le parcours de formation, drogue, prostitution ... Et quels éléments de solutions sont proposés ? » Les étudiantes et étudiants représentent une part importante de la population du quartier. Nous avons donc contacté plusieurs personnes et plusieurs services. Aucun rendez-vous n'a été possible. Sans doute aurions nous pu tenter de joindre d'autres associations, d'autres organisations syndicales d'étudiants... Ce sujet, comme de nombreux autres, sont absents de notre enquête.
Les rencontres furent très conviviales avec les habitants du quartier, les résidents de l'Arvor, par exemple : accueil très chaleureux et décontracté chez l'un d'eux. Avec les professionnels, les rencontres sont plus sobres, toujours très sympathiques : ils et elles ont, le plus souvent, jeté un coup d'oeil sur le site d'Histoires ordinaires pour se renseigner sur nos pratiques. L'image du quartier dans les médias explique ces craintes. Nos interlocuteurs se sont livrés en confiance : personne ne nous a demandé de lire l'article avant publication.
Après plus de six mois de travail personnel et au sein du collectif de rédaction, nous avons produit plus de vingt articles de différentes longueurs et intensités. Tous éclairent un ou plusieurs aspects de la vie du quartier, où, au final, il fait bon vivre.
Jean-François Bourblanc