20230317 La Maison verte....mp3 (11.6 Mo)
La Maison Verte est un lieu d’accueil célèbre parmi les jeunes du quartier. Dans les années 1980 à 2010, elle a été synonyme d’espace de liberté pour des centaines d’adolescents et de jeunes adultes de Villejean. Depuis sa fusion en 2018 avec la Maison de quartier de Villejean, une nouvelle équipe dessine l’avenir de la structure.
Au montage d'un futur clip
Elle ne passe pas inaperçue la Maison Verte de la rue de Saintonge, à l'extrême ouest du quartier de Villejean. Colorée, couverte d’habiles dessins dans le style BD, elle affiche en grand un slogan au-dessus de la porte de l’entrée « L’unité dans la diversité ».
Une quarantaine de jeunes chaque jour
Nous sommes pendant les vacances scolaires de Toussaint. Aujourd'hui, la Maison Verte est très fréquentée. Dans l’ordre d’apparition… Deux lycéennes ont invité des copines extérieures au quartier à découvrir l’univers de la salle polyvalente ; dans une autre salle équipée d’un ordinateur, une jeune fille est concentrée sur le montage d’un clip vidéo musical ; dans la salle de télévision, des garçons jouent à la PlayStation tandis qu’à l’autre extrémité du bâtiment, une partie de billard vient de commencer. Une animatrice me donne une indication : une quarantaine de jeunes fréquentent le lieu chaque jour. Pendant les vacances, ils sont accueillis par au moins trois animateurs.
Ils viennent s'initier au montage
Géraud, l’un des ces animateurs, est installé au studio. « Pendant les vacances, je suis régulièrement sollicité par une quinzaine de jeunes. Ils viennent s’initier au montage de maquette de rap. Les plus expérimentés rêvent d’enregistrer dans un studio professionnel. On les emmènera bientôt à Lorient en visiter un. »
Je croise deux adolescentes. Elles disent aimer venir ici après l’école parce que « C’est un lieu cool ! ». Kelly, 18 ans, rencontrée quelques jours plus tôt, a fréquenté la Maison Verte alors qu’elle était élève au collège Rosa Parks : « J'y allais pour la musique, les goûters, la danse. Les animateurs nous faisaient confiance, ils nous responsabilisaient. On rangeait spontanément les lieux avant de partir. On se sentait chez nous. »
Carla Lorenzoni l'a animée pendant plus de 20 ans
Un pilier de la Maison Verte
Grande figure du quartier de Villejean, Carla Lorenzoni a été pendant 20 ans un des piliers de l’animation de la Maison Verte. D’origine italienne, un franc parler légendaire, elle évoque avec passion cette période d’engagement professionnel. En charge d’abord des ados, puis les jeunes adultes de 18 à 25 ans. « La Maison était accueillante, ouverte à tous, à des horaires d’une grande amplitude, par exemple le vendredi soir jusqu'à 22h. Le programme d’activités était construit avec les jeunes, aussi bien pendant l’année que pendant les vacances. On fonctionnait sous forme de projets, en partenariat avec les institutions. C’est comme ça que nous avons financé le studio d’enregistrement qui existe toujours.
Avec les jeunes, tous les jours, j’avais l’impression de faire du nouveau. Nous étions aussi très présents avec eux sur la dalle. On était connu et reconnu dans le quartier. Je connaissais même les parents qui m’invitaient à prendre un café. Un père m’a dit un jour à propos de son fils : « Si tu penses que c’est nécessaire, je t’autorise à lui donner des tartes. »
Didier Massé, le directeur de la vie associative, de la jeunesse et de l’égalité à la mairie de Rennes, a suivi le dossier de fusion entre les deux Maisons.
Un lieu de cohabitation entre grands et petits
« Le départ de la directrice Fabienne Faizant, une responsable très engagée qui portait l’association depuis des années, a eu des conséquences importantes. Une tendance du personnel à l’autogestion. Une influence marquée des salariés auprès du conseil d’administration. Un fort attachement des créateurs de la Maison Verte, en particulier le président de l’époque Emile Berrue, à sa pérennité. »
En cas de conflit, on calmait le jeu
De son côté, Carla Lorenzoni décrit un fonctionnement harmonieux : « Nous n’étions pas des gardiens, plutôt des adultes référents. Accompagner, orienter, conseiller, rendre service aux jeunes et à leurs parents. C’était un lieu sécurisant et sécurisé. Chez nous, pas de trafic de drogue ni de grands qui roulent des mécaniques auprès les plus jeunes. Nous avions des règles : respect mutuel. En cas de conflit, on s’expliquait, on calmait le jeu. »
Des dysfonctionnements, des conflits. On en retrouve pourtant trace dans les rapports annuels d’activités de la Maison Verte. Le club de foot « maison » radié en 2012, suite à des bagarres sur le terrain. La même année, fermeture d’une semaine après la dégradation des vitres de la salle du billard. Quatre mois sans accueil en 2014, conséquences de « comportements inappropriés et d’actes de violence de certains habitués ».
Il n'y a pas de lien entre ces événements et le départ de Fabienne Faisant, la directrice de l’époque. Celle -ci quitte la Maison Verte pour des raisons personnelles. La maladie simultanée des ses deux parents âgés l'empêchent d'assurer correctement ses fonctions de directrice. Au début de l'automne 2013, le conseil d’administration de la Maison Verte doit trouver la remplaçante de Fabienne Faisant. Dominique Josset, ancienne responsable d’une maison de quartier à Bréquigny est recrutée. Mais la greffe ne prend pas. Elle est remerciée après quelques mois seulement.
C’est alors que les élus de la ville de Rennes entrent en jeu. Ils suggèrent de « rapprocher » - pour ne pas dire « fusionner » - la Maison Verte de la Maison de quartier de Villejean.
Didier Massé : « Notre objectif premier n’était pas de faire une économie de budget. Nous voulions que les forces vives du territoire travaillent ensemble au service des jeunes du quartier. Cependant, nous nous sommes vite aperçus que le personnel et les dirigeants n’en avaient pas toutes et tous forcément envie et qu'il existait des désaccords entre les deux Maisons. Il a fallu y travailler quatre ans avant d’y arriver. »
Une partie de billard vient de commencer.
Une longue période de transition
Pendant cette longue période de transition, la municipalité de Rennes intervient pour que l'équipement reste ouvert et que l'activité se poursuive. Un agent municipal responsable de la mission jeunesse à la mairie prend le relais. Il accompagne à temps partiel salariés et conseil d’administration. Puis c’est au tour de la fédération bretonne des centres sociaux et socio culturels d’être sollicitée pour une mission. Enfin, un coordinateur de l’action jeunesse est nommé. Bastien Cazin gère le tout venant, sans responsabilité dans la gestion financière. Aujourd’hui animateur dans un autre quartier prioritaire de Rennes, il commente les dernières années de la Maison Verte autonome. « Elle fonctionnait avec des budgets équilibrés jusqu’au départ de la directrice en 2013. La mairie a géré l’intérim de la direction. Elle n’a pas officiellement lancé de projets, d’où l’épuisement de nos fonds propres en 2016 »
Trop indépendants
Autre commentaire sur cette période mouvementée, celui de Carla Lorenzoni : « Nous étions trop indépendants. Les élus ont voulu nous reprendre en main, nous contrôler. La ville a fait un carnage avec cette fusion ! 35 années d’expériences, de connaissance du quartier, de liens avec les habitants qui s’arrêtent d’un coup. Des familles avec lesquelles on était en contact, ne savaient plus où s’adresser pour se faire aider, pour remplir des papiers d’accès aux droits, à la CAF. Les habitants fonctionnent d’abord avec des interlocuteurs, pas avec des structures. » Didier Massé n’est pas d’accord avec l’expression de « carnage » utilisée par l’ancienne animatrice : « C’est le contraire qui s’est passé. La ville a sauvé la Maison Verte, un équipement de proximité que nous avons toujours considéré comme important de part sa localisation, son activité, le public touché. Nous avons maintenu toutes les subventions aux deux structures. La fusion, en augmentant la masse salariale, a même fait augmenter le budget global. »
C’est fin 2017, à l’issue d’une ultime réunion de négociation, que les deux équipements du quartier ont acté la fusion. Une fusion in extremis à quelques jours du renouvellement d’une convention de six ans avec la mairie. L’équipe de la Maison Verte, sauf Bastien Cazin qui préfère partir, rejoint en traînant les pieds la Maison de quartier. Carla Lorenzoni, privée de son autonomie habituelle, ne s’y plaît pas du tout. Quand je la rencontre à l’été 2021, alors qu’elle n’y travaille plus, elle ne peut retenir son amertume et ses vives critiques. Pour ses collègues de l’époque, le ton est différent : « Le conflit est aujourd'hui apaisé », laisse entendre un animateur.
Hardi et Amadiara, 17 ans, amateurs de PlayStation
Un lieu de rendez-vous incontournable
Elodie Davoust, directrice des deux structures depuis mai 2021, s’en réjouit. Elle fait l’inventaire des succès obtenus par la Maison Verte, nouvelle formule : « L’organisation de séjours cet été avec les jeunes a permis de créer des liens de confiance avec les animateurs. Nous espérons faire évoluer le lieu d’un simple espace d'accueil à un espace où l'on prend la parole, où l'on débat, où l'on décide ensemble. Nous interrogeons actuellement les jeunes sur la gestion de la cafétéria, l’animation du studio, la mise en place d’activités pendant les vacances scolaires, leur envie de prendre des responsabilités dans l'animation. »
Nouveaux créneaux d'ouverture - jusqu'à 20 h 30 le vendredi - partenariat avec d'autres associations du quartier pour des soirées mensuelles, nouvelles missions pour les animateurs : « Nous avons créé en mars un poste dédié à l’accompagnement de projets, qu’ils soient sportifs, citoyens ou culturels. Il y a actuellement cinq groupes constitués. Pendant les vacances de Noël, ils ont cherché des solutions d'autofinancement pour compléter leur budget. »
Sarah et Cali, 15 ans. Grâce à la Maison Verte, elles sont parties en vacances à la Rochelle à l’été 2021.
Tirer les jeunes par le haut
David Carbonnel coordinateur jeunesse de la Maison de quartier, abonde dans le sens de la directrice. La Maison Verte est en reconstruction. « Créer du lien avec les jeunes par des rencontres et des déambulations ; connaître leurs attentes, leurs centres d’intérêt ; se renseigner sur le milieu familial. Tout ça se met en place. Notre volonté est de « tirer vers le haut » les jeunes par le biais de projets individuels ou collectifs. »
Retour au parc du Berry où Carla et Bastien m’ont donné rendez-vous. Bien qu’elle ne travaille plus dans le quartier, l’animatrice y reste très populaire. Pendant notre entretien, des jeunes assis à une trentaine de mètres lui font un signe amical. Carla commente :
« J’en ai connu certains minots. Des jeunes m’ont souvent dit que la fréquentation de la Maison Verte leur avait sauvé la vie. Quelle fierté d’entendre ça ! »
Catherine Verger
Les grandes dates de la Maison Verte 1971-1985 : La Baraque Verte 27 septembre 1985 : Pose de la première pierre de la Maison Verte, grâce au soutien de l'association de Danielle Mitterrand "Cause commune" , devenue « France-Libertés » 15 juin 1996 : 10 ème anniversaire en présence de Danièle Mitterrand 2012 : Dissolution de l’équipe de foot 2013-2017 : Vacance du poste de directeur 2016 : Pétition publique contre la fusion de la Maison Verte avec la Maison de quartier ( 365 signatures) 1er janvier 2018 : Fusion des deux Maisons regroupées au sein de l’association « Rencontres et Culture » |