20220310 les éducateurs doivent croire au remps long.mp3 (7.97 Mo)
A Villejean, les scolaires âgés de 11 -17 ans représentent environ 11% de la population. Parmi les 15-24 ans considérés comme actifs, 39% sont au chômage. On compte aussi jusqu’à 51% de familles monoparentales sur la dalle, le taux le plus fort de la ville de Rennes. Ces quelques chiffres, issus du rapport de l’Apras, Association pour la Promotion de l’Action et de l’Animation Sociale (source Insee 2017), dressent le décor dans lequel interviennent les éducateurs, mais aussi de nombreuses associations bien implantées dans le quartier et des personnalités très investies.
Comment lutter contre la lassitude ? Nos entretiens révèlent les difficultés rencontrées par les professionnels comme par les bénévoles : méconnaissance entre partenaires et difficultés à travailler ensemble, manque de moyens, essoufflement du secteur associatif… « Les éducateurs ne connaissent pas toujours les parents », regrette Lahsen Bousshini, Mosaïque Bretagne (50 bénévoles actifs) qui pointe « le tissu social détruit ». « Notre travail social est une goutte d’eau dans l’océan des besoins », poursuit Helouri Pendezec, référent éducatif de parcours personnalisé, qui travaille en binôme avec Laure Guyot, animatrice famille pour le « Projet Réussite Education » à la Direction enfance de la Ville.
Comment lutter contre la lassitude ? Nos entretiens révèlent les difficultés rencontrées par les professionnels comme par les bénévoles : méconnaissance entre partenaires et difficultés à travailler ensemble, manque de moyens, essoufflement du secteur associatif… « Les éducateurs ne connaissent pas toujours les parents », regrette Lahsen Bousshini, Mosaïque Bretagne (50 bénévoles actifs) qui pointe « le tissu social détruit ». « Notre travail social est une goutte d’eau dans l’océan des besoins », poursuit Helouri Pendezec, référent éducatif de parcours personnalisé, qui travaille en binôme avec Laure Guyot, animatrice famille pour le « Projet Réussite Education » à la Direction enfance de la Ville.
Avant on allait à la MJC
Un constat très sévère repris par Ahmed Aït Chickh, président du Centre culturel Avicenne. « Les éducateurs de rues sont mal payés et leurs emplois sont précaires. Ils ne tiennent pas longtemps dans le quartier". Il ajoute : « C’est la défaillance de l’éducation populaire. Avant, on allait à la MJC, maintenant on est sur la dalle.» Et pourtant, face à ce pessimisme, « Les éducateurs ont un rôle important auprès des jeunes tentés par de petits actes de délinquance. En les prenant sous leur aile, ils peuvent provoquer des changements de comportement », déclare ainsi Kelly Ngolu, étudiante en droit. « Il y a beaucoup d’éducateurs à Villejean. On gagne en efficacité quand on partage les informations sur les jeunes que nous suivons. Bien sûr, le lien de confiance est important. », explique Muriel Avril , ancienne collaboratrice de la Protection Judiciaire de la Jeunesse. « Le succès de la démarche de partenariat repose plus sur les personnes que sur les structures ». « A nos côtés, souligne Nelly Bloyet, We Ker-Mission locale, des associations réalisent des choses positives ».
Des éducateurs, mais aussi de nombreuses associations sont bien implantées sur le quartier.
Présents tous les jours sur l'espace public
Ainsi Breizh Insertion Sport (BIS). Créée en 2009, l’association pilote depuis 2018 le dispositif « Animation Présence de Rue » (APR) sur la ville de Rennes. Ses animateurs sont présents quotidiennement sur l’espace public dans les Quartiers Prioritaires de la Ville (QPV) auprès des jeunes de 13 à 25 ans. « Nous proposons plusieurs méthodes d'intervention adaptées comme des activités physiques hebdomadaires, des séjours d’oxygénation, de la déambulation sur l’espace public, des formations, rappelle Erwan Godet, directeur. Une fois les liens tissés avec les jeunes, on propose d’aller plus loin, sur des approches plus individuelles, avec d’autres partenaires institutionnels ou des entreprises, des autoentrepreneurs, des artisans… Toujours en privilégiant le mouvement, le geste, l’animation (...) Nous proposons aussi beaucoup de chantiers, « Ville vie vacances », qui offrent de petits financements aux jeunes, ce qui leur permet de mener des projets (…). On croit au temps long parce qu’on est souvent confronté à l’échec, au décrochage ou au découragement. À nous de trouver, d’inventer plein de solutions diversifiées. »
Privilégier une présence stable
Financé depuis six ans par Rennes-Métropole, Le Relais 35 assure une présence systématique sur le terrain le mercredi après-midi et le samedi en soirée dans cinq quartiers de Rennes dont Villejean, explique Régis Taligot. Sa force ? Une équipe stable de cinq éducateurs et un principe de travail avec les jeunes, « la libre adhésion », qui permet d’établir une relation de confiance. Présente sur l’espace public (déambulation sur la dalle, au parc du Berry, au City stade, au collège Rosa Parks), elle l’est aussi sur les réseaux sociaux pour communiquer avec les jeunes via Snapchat, Facebook, Instagram.
L’équipe collabore aussi avec d’autres structures du quartier (animateurs, mission locale, maison de quartier…). Par exemple, en classes de 6ème et 5ème, elle organise des jeux pour provoquer situations et débats. Avec l’association « Liberté Couleurs » - qui intervient depuis 1999 dans le domaine de la prévention des conduites et comportements à risques chez les jeunes en Bretagne-, elle s’empare de sujets comme les incivilités, l’intimité, l’irrespect, les rackets et violences, les drogues... Avec ASVB (Avenir Santé Villejean-Beauregard) et le Planning Familial, elle organise en classe de 3ème, un rallye « Vie affective et santé sexuelle. »
Ses séjours d’été au bord de la mer concernent 200 jeunes par an. Elle propose aussi un accompagnement en cas de décrochage scolaire : des activités (boxe) ; l'aide aux devoirs. « Les parents sont impliqués dans cet accompagnement. Si on constate qu’ils sont démunis, on les met en contact avec l’assistance sociale ».
David Carbonnel : « l’idée est de créer un lieu où le jeune peut s’exprimer, échanger, réaliser »
« Mon métier : arriver à ce qu’on n’ait plus besoin de moi »
« Notre volonté est de « tirer vers le haut » les jeunes par le biais de projets individuels ou collectifs. Mon métier c’est d’arriver à ce qu’on n’ait plus besoin de moi ». Suite à la fusion de la Maison verte et la MQV, David Carbonnel a été choisi comme coordinateur jeunesse de l’association Rencontre et culture, qui gère la nouvelle entité. Son public, ce sont les 11-17 ans, et surtout les 12-15 ans.
Arrivé en janvier 2020, David Carbonnel a constitué une nouvelle équipe mixte d’animateurs « choisis pour leur expérience des quartiers, la compréhension des codes, du langage des jeunes, et avec de l’autorité ». La première étape, toujours d’actualité, a été de créer du lien via des rencontres, des déambulations pour connaître les attentes, les centres d’intérêt, le climat familial… La Maison Verte nouvelle version peut recevoir 40 à 50 jeunes par jour, 60 à 80 viennent régulièrement. Sur l’année on estime que 200 jeunes y passent.
Les activités proposées sont variées : accompagnement à la scolarité (90% de filles), accueil : jeux, café… « l’idée est de créer un lieu où le jeune peut s’exprimer, échanger, réaliser. » Les garçons sont majoritaires (65% ). La salle polyvalente peut être à la disposition des familles le week-end, ou du collège pour des activités spécifiques. Dans la salle de danse, un groupe de filles vient s’exercer à l’afro-dance. La maison dispose aussi d’une cuisine et un studio de musique et d’enregistrement.
Sortir de la chouf et de l’argent facile
Les activités vacances pour les 11-14 ans attirent surtout des filles. A l'été 2021, quatre groupes de quatre à cinq jeunes sont partis, chacun accompagné par deux animateurs. Ils ont préparé leur projet en autonomie : composition du groupe, destination, budget, réservations…. « Le plus difficile, c’est comment faire que les jeunes ne soient pas attirés par l’emprise de l’argent facile. » Ils ont pu gagner l’argent nécessaire grâce à des dispositifs comme l'argent de poche (15 € pour 3,5h de travail) ou les chantiers jeunes, pour les aider à sortir de la « chouf » (surveillance au profit des dealers) payée 10€ par jour.
« Le climat de tension est tel qu’on est toujours près de l’explosion immédiate, même de faible durée", reconnaît David Carbonnel qui se veut optimiste. "On note une amélioration depuis 3-4 mois : il n’y a pas eu de destruction d’extincteur, par exemple ». Nelly Bloyet souligne : « On a beaucoup d'envies, beaucoup de volonté, mais il faut prioriser. Il faut tout mener de front. »
Clotilde Chéron