Des mères de famille réunies autour de Laure Guyot (à d.) à l’espace parents de l’école André Chédid. Une demande : que les gens du quartier se mélangent davantage
20220224 Mixité sociale....mp3 (8.26 Mo)
La violence et les incivilités ont augmenté ces dernières années à Villejean. Parmi les causes de ce phénomène, la concentration de familles pauvres, de toutes origines, et le manque de mixité sociale.« Se connaître et ne pas avoir peur de l'autre, c’est déjà un premier pas. » Le constat est admis, les solutions connues, leur application difficile à mettre en place. Propositions à plusieurs voix pour favoriser cette mixité.
« Un jour, une vieille dame s’assoit à côté de moi sur un banc. Elle est venue voir une de ses amies. Elle me confie qu’elle est inquiète de circuler dans le quartier parce qu’il y a trop d’étrangers ici. C’est vrai que parquer les étrangers au même endroit, ça augmente la discrimination. Il faut mélanger les gens ». Aziza me raconte cette anecdote. Mère de famille de trois enfants, elle est installée depuis 14 ans à Villejean. Je la rencontre à l’espace parents de l’école Andrée Chédid. Toutes les semaines, un groupe de femmes s’y réunit pour discuter autour de Laure Guyot, animatrice du programme de réussite éducative de la ville de Rennes. Aziza est enjouée, gaie, bavarde et visiblement ouverte au dialogue. Elle donne un autre exemple d’à priori dans son immeuble. Un à priori lié à la religion musulmane.« Après l’assassinat de l’enseignant Samuel Paty, ma voisine a arrêté de me dire bonjour et de discuter avec moi. Comme si du jour au lendemain , tous les musulmans étaient devenus une menace pour elle » .
Les mamans discutent entre elles de ces difficultés de cohabitation. Manuela, une jeune maman d’origine africaine, habite un appartement social « avec vue sur la dalle ». Elle élève seule son fils scolarisé en primaire. « Ce quartier pourrait être agréable à vivre. Il y a tout sur place. Le problème, ce sont les gens ! Les personnes extérieures au quartier, celles que j’invite chez moi, ne veulent pas venir. Cette peur, je la comprends. Je la vis moi aussi. Un simple regard dans la rue ou une réflexion qui ne plaît pas peuvent provoquer des réactions agressives. » Je suggère au groupe de faire une proposition qui améliorerait la vie quotidienne. Aziza a une idée : « On pourrait ouvrir un nouvel espace intergénérationnel dans le quartier. On se rencontrerait quel que soit son âge et quelle que soit sa religion, ça créerait du lien social ! »
Les mamans discutent entre elles de ces difficultés de cohabitation. Manuela, une jeune maman d’origine africaine, habite un appartement social « avec vue sur la dalle ». Elle élève seule son fils scolarisé en primaire. « Ce quartier pourrait être agréable à vivre. Il y a tout sur place. Le problème, ce sont les gens ! Les personnes extérieures au quartier, celles que j’invite chez moi, ne veulent pas venir. Cette peur, je la comprends. Je la vis moi aussi. Un simple regard dans la rue ou une réflexion qui ne plaît pas peuvent provoquer des réactions agressives. » Je suggère au groupe de faire une proposition qui améliorerait la vie quotidienne. Aziza a une idée : « On pourrait ouvrir un nouvel espace intergénérationnel dans le quartier. On se rencontrerait quel que soit son âge et quelle que soit sa religion, ça créerait du lien social ! »
Attirer les classes moyennes
L’élu du quartier, Christophe Fouillère considère le logement comme une des manières d’améliorer la mixité sociale. Il souhaite encourager les classes moyennes à venir s’installer à Villejean. L’incitation ne suffit pas : « Des familles refusent toute proposition de logement social à Villejean, en particulier lorsqu’il s’agit d’appartements situés sur la dalle. Nous avons essuyé quelquefois jusqu’à cinq ou six refus successifs. »
L’effort de la ville ne porte pas que sur la mobilité dans le parc social. Le parc privé immobilier, terrain de jeux des investisseurs pour des colocations étudiantes, est aussi visé. « Notre volonté, à long terme, serait d’acheter et de revendre des appartements pour des familles de la classe moyenne. Aura-t-on la capacité financière et réglementaire d’y parvenir ? »
Mixité sociale toujours. Christophe Fouillère évoque ses discussions avec les organismes bailleurs des immeubles des numéros 2 et 8 rue du Bourdonnais : « Vingt logements seront réservés prochainement aux seniors et vingt autres à des colocations de jeunes actifs. »
La diversité est une richesse
Quand on parle d’occasions de se rencontrer et de se mélanger, Jocelyne Caudan ne peut s’empêcher d’être nostalgique. Longtemps active dans l’association des résidents de Villejean, - l’ARV- dont elle a été la présidente, elle se souvient d’événements festifs réussis. C’était il y a bien longtemps.
« Dans les années 90, nous avions lancé « Villejean en fête », un évènement au mois de juin soutenu par les commerçants. Cela consistait en un grand feu de la Saint-Jean sur la dalle Kennedy suivi d’un fest-noz. Je regrette que cette fête se soit arrêtée faute de l’engagement de bénévoles. Aujourd’hui, les grandes animations sont rares. La population aussi a changé. Pourtant je suis persuadée que la diversité des origines géographiques de la population de Villejean est une richesse. Les familles pourraient se rencontrer s’il existait davantage de lieux conviviaux, d’espaces verts, de coins pique-nique. »
Des événements rassembleurs
Christophe Fouillère assure être à l’écoute des habitants et de leurs suggestions. La cohésion sociale fait partie de ses priorités. « Soyons modeste. Ce n'est pas à nous de dire aux familles ce qu'elles doivent faire de leur vie. L'autorité publique n'a pas vocation à intervenir dans la vie privée des citoyens. Récemment, nous avons planté des arbres à Beauregard. Bien que nous ayons communiqué sur l’évènement dans les médias de proximité, il y avait surtout dans l’assistance des représentants de la classe moyenne aisée et pas de familles populaires. » L’élu fait remarquer qu’à l’été 2021, d’autres évènements ont été plus rassembleurs. Berry plage ; les estivales de Villejean, un programme d'animation musicale près de la Maison Verte ; et les concerts mobiles à Beauregard avec le Triporteur. « Il y a des moments où les rencontres ont lieu. Se connaître et ne pas avoir peur de l'autre, c’est déjà un premier pas. »
Elodie Davoust, nouvelle directrice de la Maison de quartier de Villejean. Le brassage des publics est une de ses priorités.
Brassage des publics à la Maison de quartier
Je sollicite sur le même sujet Elodie Davoust, la directrice de la Maison de quartier nommée à ce poste en mai 2021. Le lieu associatif a vocation à jouer un rôle central dans le brassage des publics. L’épidémie de Covid en 2020 n’a certes pas aidé la structure. Cafétéria fermée, animations annulées, diminution de moitié du nombre d’adhérents individuels - il est passé en un an de 950 à 450 - Pourtant, Elodie Davoust est convaincue que la Maison de quartier fédère les énergies :
« Nous soutenons de plus en plus les initiatives proposées par des habitants. En décembre 2021, l’opération "cadeaux solidaires" et les journées bien-être, dont l'accès était gratuit, ont bien marché. Et puis , nous avons obtenu un deuxième poste pour les initiatives et les animations . Ce qui nous permettra de répondre aux sollicitations des habitants et des associations. Mais nous devons sans cesse jongler avec la disponibilité de nos salles. Notre modèle économique repose en partie sur la privatisation d'espaces de réunion et de la salle de spectacle. Nous veillons au juste équilibre entre mise à disposition payante des salles aux structures extérieures et mise à disposition gratuite aux habitants et aux associations. »
Défendre sa place dans la ville
La mixité sociale est aussi générationnelle. Sur le terrain, le directeur du Centre culturel Avicenne , Ahmed Ait Cheikh, constate un tissu social distendu depuis 30 ans.
« Villejean est un quartier populaire comme les autres. La population du quartier est de moins en moins homogène. D'un côté, les anciens habitants ; de l'autre, les nouveaux, qu'ils viennent d'autres villes bretonnes, de Paris, de Marseille et même de beaucoup plus loin. Chacun estime qu’il est chez lui à Villejean. Ce n’est facile de défendre sa place dans la ville. »
Lahcen Bouhssini, président de l’association Mosaïques, est du même avis. D’origine marocaine, dévoué au quartier depuis plus de quarante ans, il décrit la situation sociale de certaines familles. « Chômage des parents, alcool, déficit d’éducation des enfants, 40 % de femmes qui élèvent seules leurs enfants. Autant de raisons qui expliquent les difficultés de cohabitation. Il ne faut pas baisser les bras, mais c’est vrai que conserver la convivialité entre les habitants demande beaucoup d’efforts »
Appuyons-nous sur les associations
D’autres habitants, d’autres témoignages, tout aussi éclairants. Nathalie, la soixantaine. Elle participe régulièrement au groupe de discussion de Laure Guyot. « Je viens à l’espace parents pour avoir des échanges avec d’autres femmes du quartier que je ne rencontrerais pas ailleurs. Beaucoup ne travaillent pas et cette réunion du jeudi est l'occasion de se rencontrer autour d'un café. »
Au Centre culturel Avicenne , en décembre dernier, un "thé citoyen" a réuni trois invités d'horizons divers pour parler de "diversité positive". Dans la salle, une anonyme lance un appel à la mobilisation « Arrêtons de nous flageller sur ce qui ne fonctionne pas bien dans le quartier. C’est à chacun de nous individuellement d’apporter notre contribution. Appuyons-nous sur le tissu associatif. Lançons des projets en commun. Retroussons nos manches ! »
Le président du Centre Avicenne aimerait y croire. Sa dernière fête des familles en octobre a attiré 300 personnes. Un succès, sauf que « les Blancs » étaient rares parmi les participants. « Sans doute, la méconnaissance de l’autre et les peurs qui vont avec ! ».
Catherine Verger
Diagnostic, échanges et réflexions sur le déficit de mixité sociale à Villejean. Un sujet abordé en décembre 2021 au Centre culturel Avicenne, à l’occasion d’un « thé citoyen ».
