20220310 Pierre de Perso émanciper plutôt qu occuper.mp3 (3.01 Mo)
Pierre de Person travaille depuis trois ans à Breizh Insertion Sports comme éducateur socio-sportif. Il est entré dans l’équipe au lancement du dispositif « Animation présence de rues ». Je le rencontre un samedi au bord d’un terrain de football. Il est venu encourager le club « Melting Potes », qu’il a aidé à lancer au printemps 2021.
Sur le papier, ma mission concerne les jeunes de 13 à 20 ans présents sur l’espace public de Villejean. En réalité, la limite d’âge est toute théorique. J’accompagne aussi des jeunes plus âgés et j’ai des contacts avec les parents. En plus de ma présence régulière sur la dalle, j’ai un bureau près du Parc du Berry où je reçois les jeunes pour de l’accompagnement individuel. Je suis en relation avec plus d’une centaine de jeunes. Ils m’appellent spontanément. Une fois qu’on est connu dans le quartier, le bouche à oreille fonctionne.
J’interviens dans des domaines très différents pour « débroussailler » les dossiers. Justice, logement, papiers, loisirs, création de collectif. Je n’ai pas vocation à suivre tous les parcours mais de répondre aux besoins et à orienter. Je ne suis pas là pour "occuper les gens", je suis là pour les "émanciper".
Entre éducateurs, les relations personnelles sont très importantes
Le métier d'éducateur, une forme d'engagement
Le métier d’éducateur demande de vraies compétences, une forme d’engagement, de militantisme. Je ne fais pas ce métier par hasard. Je sais ce que je cherche. J’ai une vraie volonté de faire bouger les choses à mon niveau. Mon travail représente peut être une goutte d’eau, mais je m’y épanouis. J’ai le sentiment d’avoir une liberté pédagogique, d’innover, de développer mes activités. Même si j’ai l’impression de répéter tout le temps les mêmes choses, je vois des évolutions en trois ans. Des jeunes changent quelquefois de trajectoire de vie et je les entends dire un jour « C’est grâce à toi que j’ai évolué de manière positive ». C’est une satisfaction. Cela dit, tout ne dépend pas de nous. Il y a énormément de facteurs sociaux, économiques, urbains qui entrent en ligne de compte dans les parcours de jeunes.
Entre éducateurs, les relations personnelles sont très importantes. C’est ce qui donne de l’efficacité à notre travail. J’avais déjà travaillé à Villejean il y a sept ans en partenariat avec toutes les structures du quartier. Je trouvais que c’était plus fluide qu’aujourd’hui. Les managers, les directeurs d’équipement n’ont pas forcément la même connaissance, ni la même disponibilité que nous sur le terrain. Or, il faut tous tirer dans le même sens. Même les animateurs jeunesse doivent aller davantage sur l’espace public.
Je comprends qu’il y ait un certain turn-over parmi les éducateurs. Certains de mes collègues payés 1400 € par mois, se fatiguent après quelques années dans le quartier. Et pourtant, être repéré par nos publics demande du temps. En tout cas, moi, je n’ai pas choisi ce métier pour faire carrière. Je le ferai tant que j’ai la pêche. Tant que je peux le faire physiquement et mentalement.
Catherine Verger