Au fournil, la préparation
Le plus simple est de commencer par sa vocation pour la boulange.
« Deuxième enfant sur huit, dans une famille de fermiers, j’ai toujours été attiré par la boulangerie, depuis tout petit. C’est finalement à ma grand-mère que je dois d’être allé dans cette voie. Elle a dit : "Il est pas bien costaud pour faire un fermier celui-là, il faudrait mieux qu’il entre en apprentissage chez le boulanger !" Franchement, elle ne savait pas de quoi elle parlait, parce que boulanger, c’est un vrai métier de bagnard », dit-il avec un large sourire.N’empêche, il aime bien ce qu’il fait et n’a aucun doute sur le fait qu’il en fera son métier. Apprenti boulanger à 13 ans, le voilà ouvrier. Mais il n’aime pas être commandé et découvre que c’est un métier où on ne compte pas ses heures.
Faire du pain autrement
La cuisson
Changement d’orientation. A 24 ans, Il passe son bac, suit une formation d’assistant social, métier qu’il exerce dans le Morbihan pendant sept ans. Le virus de la boulangerie ne l’a pas quitté et il met à profit cette parenthèse pour réfléchir à la manière dont il veut désormais exercer le métier.
Il redécouvre la manière de faire du pain comme on pouvait le faire autrefois, à base de levain naturel et avec des farines artisanales qui ne correspondent pas aux méthodes conventionnelles qu’il avait apprises pour son CAP. La farine contient un ferment qui permet de fermenter le pain en levain naturel. Cela donne un pain plus digeste et plus aromatique mais la préparation est plus délicate qu’avec l’utilisation de levure.
S’il fait un pain plus naturel, de bonne conservation, il veut aussi échapper au schéma traditionnel du métier pour garder du temps libre.
Il redécouvre la manière de faire du pain comme on pouvait le faire autrefois, à base de levain naturel et avec des farines artisanales qui ne correspondent pas aux méthodes conventionnelles qu’il avait apprises pour son CAP. La farine contient un ferment qui permet de fermenter le pain en levain naturel. Cela donne un pain plus digeste et plus aromatique mais la préparation est plus délicate qu’avec l’utilisation de levure.
S’il fait un pain plus naturel, de bonne conservation, il veut aussi échapper au schéma traditionnel du métier pour garder du temps libre.
« Je me suis dit qu’il fallait faire ce métier autrement. Le boulanger passe autant de temps à vendre son pain qu’à le fabriquer. En ne m’occupant pas de la vente, je divise mon temps de travail par deux. »Et le plus simple dans ce cas, c’est tout simplement de laisser les clients se servir eux mêmes.
Le client se sert et met l'argent dans une corbeille
La caisse : une corbeille
Il décide de s’installer et se pose à Quily, petit village de 350 habitants, situé en haut de la vallée de l’oust, non loin de Ploërmel. Un beau pays vallonné, semé de parcelles bocagères et planté de haies, Il trouve un terrain d’un hectare en bordure du bourg avec vue sur la campagne environnante et y construit, avec les artisans locaux, sa maison avec fournil attenant et magasin de vente.
N’imaginez pas une boutique avec néons, devanture et porte qui sonne quand on entre. Chez lui, cela tient plutôt du chalet de montagne. Tout y est en bois de châtaignier. L’espace est réduit mais chaleureux. La fabrication et la vente du pain sont assurées deux jours par semaine, les mardis et vendredis.
La veille il prépare son levain et chaque mardi et vendredi il se lève vers 4 h 30 pour préparer sa pâte sur un antique pétrin de 1940 acheté pour 1 franc symbolique. Son four est un petit four belge à bois "Soupart" à sole tournante qui lui permet de cuire sur deux étages, 35 kg à chaque fois à raison de six fournées dans la journée, soit environ 300 pains.
Le pain est disposé sur des étagères, les clients viennent à la boulangerie et repartent avec leur pain. Ils notent sur un cahier leur commande pour le mardi ou le vendredi suivant. Pour payer, rien de plus simple, une corbeille est mise à disposition en bonne place, le client paie et prend sa monnaie si besoin.
N’imaginez pas une boutique avec néons, devanture et porte qui sonne quand on entre. Chez lui, cela tient plutôt du chalet de montagne. Tout y est en bois de châtaignier. L’espace est réduit mais chaleureux. La fabrication et la vente du pain sont assurées deux jours par semaine, les mardis et vendredis.
La veille il prépare son levain et chaque mardi et vendredi il se lève vers 4 h 30 pour préparer sa pâte sur un antique pétrin de 1940 acheté pour 1 franc symbolique. Son four est un petit four belge à bois "Soupart" à sole tournante qui lui permet de cuire sur deux étages, 35 kg à chaque fois à raison de six fournées dans la journée, soit environ 300 pains.
Le pain est disposé sur des étagères, les clients viennent à la boulangerie et repartent avec leur pain. Ils notent sur un cahier leur commande pour le mardi ou le vendredi suivant. Pour payer, rien de plus simple, une corbeille est mise à disposition en bonne place, le client paie et prend sa monnaie si besoin.
« Ça a tout de suite marché, les clients sont honorés qu’on leur fasse confiance et le soir, comme je ne veux pas me prendre la tête avec des histoires d’argent, je ne compte pas ma caisse.»
La boulangerie, un lieu d’échanges et de rencontres.
Le magasin de vente
Avec la pandémie, Daniel a du modifier un peu son système. Il a installé une « salle d’attente en plein air sous un parasol », les clients comme dans tout magasin, portent un masque et les horaires d’ouverture ont été limités de 15 h à 19 h le mardi et vendredi parce que, pour cette période particulière, c’est le boulanger qui doit lui-même servir les pains ; le paiement, lui, reste inchangé.
Il a également mis a disposition un petit local ou les clients peuvent récupérer un cageot de légumes préparé par l’AMISEP (Ferme bio et chantier d’insertion, les jardins de Cahéran à Ploërmel).
« Finalement, je garderai ces horaires, cela me libère la matinée pour fabriquer mon pain sans être dérangé. »Car les jours d’ouverture sont pour les clients et Daniel un jour de convivialité. Pas un client dont il ne connaisse le prénom. En 35 ans, des liens se sont tissés entre le boulanger et ses clients. Le magasin devient un lieu de rencontre et d’échanges.
Il a également mis a disposition un petit local ou les clients peuvent récupérer un cageot de légumes préparé par l’AMISEP (Ferme bio et chantier d’insertion, les jardins de Cahéran à Ploërmel).
« Ma clientèle vient d’un rayon de 8 kms autour de Quily. Je n’ai jamais démarché ni refusé personne. Il y a comme un miracle dans ma manière de travailler qui va à l’encontre de tous les modèles économiques. Je n’investis pas, je n’apporte pas de nouveautés, je ferme quinze jours à Noël et deux mois en été et ça marche toujours aussi bien. »
Un savoir transmis à plus de 300 futurs boulangers
En conversation avec Justine, boulangère passée en stage chez Daniel
Il faut dire que le pain est à base de farines biologiques, qu’il est bon et se conserve très bien. Pour avoir une offre de pains qui conviennent bien à sa clientèle, il fait à la fois un pain au levain naturel pour une catégorie de pains et au levain plus levure (méthode de pré fermentation Poolish d’origine polonaise), cela permet de faire une plus large gamme de pains, baguettes, pains aux graines et aux raisins. Mais dans tous les cas, la fermentation est lente – huit heures – ce qui confère au pain une bonne conservation et une grande qualité gustative.
Toujours dans l’optique de conserver du temps libre, il a réduit les démarches administratives à leur plus simple expression en s’affiliant au régime de la micro-entreprise qui n’est pas assujetti à la TVA. Chaque fin de trimestre, il déclare son chiffre d’affaires, sur lequel sont calculés ses charges et ses impôts. « Je ne consacre pas plus d’une journée par an à la comptabilité », assure-t-il.
Et comme il ne conçoit pas son métier sans la dimension de la transmission et croit à la micro-entreprise avec de petites unités de production communautaires et ancrées localement, il s’est engagé avec d’autres dans la formation de futurs boulangers par le biais de l’association « Triptolème » (dans la mythologie grecque, le héros qui apprend l’agriculture à l’humanité) qui propose une ou deux sessions de huit jours par an pour la formation aux blés anciens, meunerie, levain naturel, pétrissage etc. Il est passé 300 à 400 stagiaires dans sa boulangerie de Quily comme Justine, qui vient de s’installer à Ploërmel comme boulangère paysanne et ce mardi, vient le rencontrer pour connaître son parcours et ses méthodes.
Toujours dans l’optique de conserver du temps libre, il a réduit les démarches administratives à leur plus simple expression en s’affiliant au régime de la micro-entreprise qui n’est pas assujetti à la TVA. Chaque fin de trimestre, il déclare son chiffre d’affaires, sur lequel sont calculés ses charges et ses impôts. « Je ne consacre pas plus d’une journée par an à la comptabilité », assure-t-il.
Et comme il ne conçoit pas son métier sans la dimension de la transmission et croit à la micro-entreprise avec de petites unités de production communautaires et ancrées localement, il s’est engagé avec d’autres dans la formation de futurs boulangers par le biais de l’association « Triptolème » (dans la mythologie grecque, le héros qui apprend l’agriculture à l’humanité) qui propose une ou deux sessions de huit jours par an pour la formation aux blés anciens, meunerie, levain naturel, pétrissage etc. Il est passé 300 à 400 stagiaires dans sa boulangerie de Quily comme Justine, qui vient de s’installer à Ploërmel comme boulangère paysanne et ce mardi, vient le rencontrer pour connaître son parcours et ses méthodes.
Faire du pain mais aussi le jardin, faire de la musique, écrire...
Le potager
Réduire la vie du boulanger de Quily à l’exercice d’une profession est par trop réducteur et surtout inexact.
« En fait, je n’ai pas de profession. Je n’ai jamais séparé mon métier de la vie quotidienne. J’ai des envies, celles de faire au quotidien ce qui me convient, être dans la nature, faire le pain, faire mon jardin, faire de la musique, écrire, rencontrer les gens. »En dehors de ces deux jours de panification qui rythment ses semaines, que fait-il le reste du temps ?
« Je ne conçois pas une maison sans un jardin. »Le sien fait 2000 m². Pour nourrir toute la famille et aussi pour le rapport à la terre. Planter, semer, récolter, faire son compost.
« Il faut nourrir la terre et non la détruire, Je sème les graines récoltées ici, les haricots, les radis, le blé… »Avec sa compagne, Claude Renard institutrice à mi-temps qui s’est reconvertie dans le massage bien-être, et leurs trois enfants, ils ont développé une vie harmonieuse. Chacun ayant suffisamment de temps libre pour s’occuper des enfants, cultiver et partager ses passions.
« Nos enfants n’ont jamais manqué de rien. La vie en semi autarcie nous a permis de vivre sans problèmes de ce que mon métier me procurait. Sans dépenses superflues, avec une simple 2 cv pour se déplacer. Les enfants ont suivi les études qu’ils voulaient. L’un est maraîcher dans la région de Rennes, l’autre est luthier, ébéniste et travaille avec des amis dans l’éco-construction et notre fille est naturopathe. »
« Offrir aux autres le meilleur que l’on puisse avoir en soi »
Personnage aux multiples facettes, adepte de l’accordéon diatonique, il consacre aussi beaucoup de temps à l’écriture et a rédigé un ouvrage sur l’astrologie, un autre sur les chants sacrés a travers le monde. Il donne des conférences et organise chaque printemps des cycles de formation sur l’astrologie dont on peut dire qu’elle est le prolongement et l’aboutissement de sa réflexion sur la vie.
« C’est une recherche de la compréhension de soi, de l’autre et du monde, pour offrir aux autres le meilleur que l’on puisse avoir en soi. Je ne ressens pas la nécessité d’une religion particulière, mais la croyance en une certaine justice entre les habitants de la terre. »Utopiste notre boulanger breton ? La réponse ne va pas de soi. Atterrir en milieu rural il y a 35 ans pour proposer du pain bio, des clients qui se servent et ont accès à la caisse a demandé une bonne dose de persévérance et de courage. Le modèle n’était pas acquis d’autant qu’il fermait boutique quinze jours à Noël, deux mois en été et revendiquait ne travailler que deux jours par semaine dans un milieu ou le travail est une vertu cardinale.
L'astrologie pour « mieux connaître qui l’on est et ce que l’on peut faire avec »
Les débuts ont été difficiles. Le boulanger n’a pas été bien accepté.
« Même aujourd’hui, mon installation ne fait pas l’unanimité. Je n’ai que 5 % de clientèle locale, le reste vient des alentours et des réseaux. Quand je me suis installé, il y avait un dépôt de pain, mon arrivée a fâché une partie de la population. Il y a toujours des gens qui préfèrent prendre leur voiture pour aller acheter leur baguette à 5 km. Je ne compte pas les chausse-trappes, les contrôles que j’ai eus mais comme j’étais en règle, je n’ai pas eu de problèmes. »Il a tenu contre vents et marées et pense que son modèle pourrait faire école.
« Je trouve que le monde économique a perdu la tête, qu’il se laisse conduire par une locomotive qui est une erreur, celle du profit. Je crois que l’on n’a rien d’autre à faire dans la vie que de se mettre au service des autres, dans ce qu’on peut faire de mieux.
C’est pourquoi je pratique l’astrologie : comment mieux connaître qui l’on est et ce que l’on peut faire avec. Trouver une manière de se mettre au service de ce dont l’autre a besoin, et non pas au service de l’argent, du profit, de l’industrialisation et de la destruction de la terre par voie de conséquence.
Nous n’avons pas besoin de créer toutes ces industries de gaspillage, de production absolument honteuses, d’exploitation des uns par les autres, sur des pays qui ont déjà été assassinés et qui continuent de l’être. Nous sommes en train d’appauvrir toute la terre et les populations qui l’habitent. Revenons donc à notre place, servons les autres pour ce dont ils ont besoin. Ils nous le rendent bien, c’est là qu’est la récompense ! »
Jean Luc Poussier
Pour aller plus loin
On peut consulter le site « sur les chemins de l’humanité » : Tenu par un ami de Daniel, ce site permet de retrouver l’essentiel de ses activités.
Voir aussi le reportage de la websérie Sideways, partenaire d'Histoires Ordinaires.
Voir aussi le reportage de la websérie Sideways, partenaire d'Histoires Ordinaires.