Liberté
La devise républicaine a du sens pour moi, même si ces derniers temps, on se pose beaucoup de questions avec ce qui se passe. On est libre de faire ce que l’on veut dans la vie, dans la limite des lois. On a pas mal de liberté en France : on est libre de dire ce que l’on pense, on est libre de faire ce que l’on a envie.
La politique, c’est un sujet que j’ai beau essayer de comprendre : je ne comprends pas ! Pourtant, je m’y intéresse mais c’est un domaine où je patauge. Ils disent tous parfois des choses exorbitantes, de n’importe quel bord. Il y a des choses qui m’intéressent mais qui sont dites avec des termes tellement compliqués que je ne comprends pas. Tous les jours, je regarde les informations pour voir ce qui se passe et me créer mon opinion. Je connais beaucoup de jeunes qui ne votent pas. Moi, je vote systématiquement, pour n’importe quelle élection. Si je ne vais pas voter, alors j’estime que je n’ai pas de mot à dire sur ce qui se passe. Mes parents m’ont éduquée comme ça. C’est important de voter parce que ça prouve que l’on a un avis.
Nuit debout, je trouve l’idée intéressante, mais voir les casseurs, c’est dommage. Je n’ai pas lu la Loi Travail mais je me sens concernée. Je n’ai pas envie pour autant d’aller manifester, de bloquer les routes… Il y a du pour et du contre. Je pense que beaucoup manifestent sans savoir pourquoi ils manifestent, sans avoir lu la loi ! Les médias ne racontent pas forcément tout ce qui se passe. Il y a aussi tout ce qui est caché et notre opinion se trouve orientée par ce qui est dit. Je lis beaucoup ce qu’il y a sur les réseaux sociaux mais avec du recul : tout peut être raconté comme les personnes ont envie de les raconter.
Egalité
On est tous égaux à notre manière, on a tous les mêmes chances, les mêmes droits, on peut tous faire les mêmes demandes. Après, chacun va à son rythme. Certains reculent, d’autres continuent d’avancer. On est tous égaux dans nos chances par rapport à ce que nous offre notre pays et on peut tous accéder à la même chose. Pour préciser, je dirais que l’on a tout ce qu’il faut pour être égaux ; après, on n’y a pas forcément accès de la même façon. C’est vrai que les concours que j’ai passés pour devenir infirmière, ils ont un coût. Si on n’a pas les moyens, on n’a pas accès à ces concours.
Le lycée Saint-Yves nous a proposé de participer à plusieurs voyages à l’étranger. J’ai eu la chance de pouvoir partir deux fois, au Burkina Faso et à Madagascar, des voyages très formateurs, grâce à mes parents qui ont financé mon voyage. Des aides financières sont disponibles en cas de difficulté. Donc, on nous donne la chance de pouvoir faire des choses ; après, tout le monde n’a pas l’opportunité de le faire. Quand on revient de ces pays, on a davantage les pieds sur terre et on se rend compte de la chance que l’on a de vivre en France. On a vécu un mois ensemble, avec les élèves de l’école ; c’est vrai que nous étions beaucoup plus soudés au retour. Nous avons été confrontés à des situations particulièrement difficiles. J’ai d’ailleurs gardé des contacts avec des jeunes avec qui j’ai vécu cette expérience.
Au Burkina Faso, si tu n’as pas d’argent, même si tu es à l’article de la mort, on te laisse : tu ne peux pas te faire soigner. Dans les écoles, ils sont 50 par classe ! Nous, on râle dès que l’on est 30. Ils ont des vêtements en guenilles, attachés de partout avec une ficelle… Nous avons pu aussi rencontrer des Peuls, escortés par des militaires, avons passé le week-end dans le village, tué la chèvre avec eux. On a passé un autre week-end chez des habitants, en parlant avec des signes, en dormant sur des lits en bois. Nous les avons aidés à récolter du maïs, avons vécu comme eux et j’ai pris une grosse leçon de vie là-bas. Dès que je peux, j'y retournerai. Je suis une vraie casse-cou ! L’humanitaire me plaît bien aussi.
Fraternité
Je me suis engagée à la Protection civile et je pense qu’ensemble, nous vivons en fraternité. C’est comme ma deuxième famille. On passe la plupart de nos week-ends ensemble, on n’a pas d’autre choix que de tisser des liens entre nous. Nous nous connaissons de façon intime, nous savons comment réagir, chacun, face à tel accident, à telle situation de détresse ou de difficulté. Je connais aussi mes limites et sais sur qui je peux compter. On est là pour aider les autres, on porte secours aux gens, sans savoir qui ils sont, on ne sait pas ce qu’ils font dans la vie et on ne cherche pas à le savoir. On les aide comme on peut, on les rassure.
Aider, pour moi, est devenu instinctif. N’importe où je me trouve, je serai là, toujours présente pour aider s’il y a besoin. Je ne me vois pas passer devant quelqu’un qui est par terre sans ne rien faire. Même s’il s’agit d’une personne qui a juste besoin de parler, je m’assoie et je discute. Je vis dans l’optique qu’il ne faut jamais juger quelqu’un avant de savoir ce qu’il a vécu, ce qu’il vit. Si je peux faire quelque chose, je le fais. Je suis contente d’avoir réussi à mobiliser ma petite sœur qui est aussi intéressée pour s’engager.
L’accueil des immigrés ? Oui pour ceux qui veulent s’intégrer comme tout le monde et qui veulent travailler. Ceux qui viennent pour profiter de ce qu’on leur offre, non. Les Syriens qui fuient leur pays recherchent d’abord la sécurité dont ils ont besoin. Ils restent attachés à leur pays, à ce qu’ils ont là-bas. Oui pour accueillir dans notre pays ceux qui souffrent, qui fuient leur pays en guerre et qui n’ont pas d’autre solution, qui n’ont pas le choix.
EMILIE, L'ENTRAIDE AVANT TOUT
Emilie, 22 ans, est originaire de Paris. En 2005, ses parents s’installent à Bain-de-Bretagne (Ille-et-Vilaine) avec ses deux sœurs. Son père vient d’être muté à l’usine PSA de La Janais après avoir travaillé à Aulnay-Sous-Bois. Elève au lycée Saint-Yves de Bain-de-Bretagne, elle obtient son bac puis un BEP services à la personne : « Je me suis investie, j'ai été élue déléguée et ai fait partie du conseil de discipline ainsi que du conseil d’établissement. C’est vraiment là que j'ai trouvé ma voie.
Auparavant, j’avais fait une seconde générale dans un lycée public mais ça a été la catastrophe ! J’avais 8 de moyenne et je n’arrivais pas à suivre en cours. Alors, je n’étais pas motivée du tout. J’ai été séduite par l’accompagnement des professeurs de Saint-Yves. Ici, on nous appelle par notre prénom et on est considéré comme une personne. De 8 de moyenne, je suis passée à 18 - première de la classe ! J’ai découvert pendant ma scolarité que ce que j’aimais par-dessus tout, c’était l’aide à la personne et l’entraide.»
Elle suit avec beaucoup d’intérêt les différentes formations de secouriste et est acceptée à rejoindre l’équipe. Elle n’a alors que 17 ans : « Je faisais partie d’une équipe d’une trentaine de personnes, essentiellement des jeunes de 18 à 25 ans. Il y a différentes antennes réparties dans tout le département et nous nous organisons entre nous pour répondre aux demandes ; à chaque fois, il faut constituer une équipe de quatre personnes et nous pouvons appeler du renfort en fonction de la gravité de l’intervention. Nous sommes toujours bien encadrés et c’est plutôt rassurant ! Nous ne sommes jamais seuls ».
Auparavant, j’avais fait une seconde générale dans un lycée public mais ça a été la catastrophe ! J’avais 8 de moyenne et je n’arrivais pas à suivre en cours. Alors, je n’étais pas motivée du tout. J’ai été séduite par l’accompagnement des professeurs de Saint-Yves. Ici, on nous appelle par notre prénom et on est considéré comme une personne. De 8 de moyenne, je suis passée à 18 - première de la classe ! J’ai découvert pendant ma scolarité que ce que j’aimais par-dessus tout, c’était l’aide à la personne et l’entraide.»
Assurer la protection des populations civiles
En 2011, Emilie s’engage bénévolement à la protection civile de Guipry-Messac, une association reliée à la sécurité civile qui, comme l’indique ses statuts, « agit, hier comme aujourd'hui, pour mettre en œuvre tous les moyens civils dont elle dispose en vue d’assurer la protection des populations civiles contre les dangers en temps de paix comme en temps de crise ». Elle suit avec beaucoup d’intérêt les différentes formations de secouriste et est acceptée à rejoindre l’équipe. Elle n’a alors que 17 ans : « Je faisais partie d’une équipe d’une trentaine de personnes, essentiellement des jeunes de 18 à 25 ans. Il y a différentes antennes réparties dans tout le département et nous nous organisons entre nous pour répondre aux demandes ; à chaque fois, il faut constituer une équipe de quatre personnes et nous pouvons appeler du renfort en fonction de la gravité de l’intervention. Nous sommes toujours bien encadrés et c’est plutôt rassurant ! Nous ne sommes jamais seuls ».
Une grande école de la vie
Emilie rejoint ensuite l’équipe de Bruz, avide de découvrir d’autres types d’interventions : « Nous sommes sollicités par les communes pour tenir un poste de secours fixe à l’occasion d’un événement ou d’une manifestation. On répond en fonction de nos disponibilités. Moi, je faisais régulièrement le rallycross de Lohéac, le Rock’n Solex de Rennes… il y a eu aussi les inondations de 2013 ; nous pouvons être appelés en cas de disparition de personnes, pour les catastrophes ferroviaires… Nous pouvons intervenir avec d’autres associations comme la Croix-Rouge, la SNSM, la FF2S Fédération française de somato-psychothérapie et somathérapie.
On prend beaucoup de recul quand on fait des interventions qui sont assez lourdes, parfois très graves. Peu à peu, on gère son stress, on prend de la distance vis-à-vis de la victime pour intervenir de manière professionnelle. C’est une grande école de la vie. » Emilie souhaite devenir infirmière et se prépare à différents concours. La liste d’attente est longue entre Rennes, Rochefort, Colmar, Lyon…: « Quand j’ai une idée en tête, il faut que j’aille au bout ! Même si je dois me rendre compte que je me suis trompée… »
Propos recueillis par Monique Pussat-Marsac et Tugdual Ruellan.