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12/11/2012

Au Sénégal, la mère des enfants des rues


À 76 ans, Claude Hallégot pourrait couler une paisible retraite sur les côtes déchiquetées de sa Bretagne natale. Au lieu de ça, cette infatigable militante, enseignante et directrice d’école, ancienne déléguée au droit des femmes, met son énergie au service des enfants des rues sénégalais. Portrait.


Au Sénégal, la mère des enfants des rues
« Quand j’ouvre les volets et que je vois ces petits, pieds nus, avec leur boîte, j’ai le cœur serré. Je n’ai jamais pu me résoudre à accepter la souffrance des enfants. » C’est une révolte intacte face aux injustices du monde, que Claude Hallégot - Le Stum a emporté dans ses valises, il y a dix ans, lorsqu’elle s’est installée à Saint-Louis-du-Sénégal. Et si elle a troqué les sentiers bretons contre les pistes de brousse, ce n’est pas seulement pour la “Téranga” sénégalaise, cette hospitalité érigée en art de vivre. Ni pour le soleil éblouissant, le fleuve semé de pélicans, ou les vénérables baobabs étirant des moignons noueux dans un ciel uniformément bleu.  

Cette ancienne directrice d’école — le groupe scolaire Louise Michel, à Brest, lui doit son appellation — consacre une partie de son temps et de son énergie à d’autres élèves. Mais ceux-là n’ont ni cahiers, ni crayons, ni même, parfois, une paire de claquettes au pied. Ce sont des enfants en rupture, jetés dans la rue pour de nombreuses raisons liées à la pauvreté, à la violence, à l'exploitation, à l'éclatement familial, à certaines traditions détournées de leur objectif d'origine. Beaucoup sont talibés ou anciens talibés. Ce qui signifie “étudiants”.  

Placés par leur famille dans des daaras (écoles coraniques), ils récitent depuis le plus jeune âge les sourates du livre saint - dont ils ne comprennent pas même la langue. Ces écoliers d’un genre à part vivent sous la coupe de marabouts, dont certains ont fait de la mendicité une école de vie. Et malheur à celui qui ne rapporterait pas, à la tombée du jour, le quota journalier fixé entre 200 et 400 francs CFA (0,30 et 0,60 €).  
 

50 000 petits mendiants

Ce petit peuple de nécessiteux ne figure pas sur les cartes postales, et pour cause. Pourtant, les touristes les croisent en permanence dans les rues de Dakar ou Saint-Louis, de l'aube à la nuit. Les trottoirs brûlants charrient des nuées de gamins vulnérables, en rupture sociale et familiale, victimes d’abus ou de mauvais traitements. Paradoxe, pour un pays qui interdit l'exploitation par la mendicité et la maltraitance infantile.

Ils seraient 50 000 à hanter les rues sénégalaises, selon les estimations d’Human Rights Watch. Peut-être même le double... Des dizaines de milliers de petits mendiants faméliques et dépenaillés, sur les berceaux desquels les bonnes fées ont oublié de se pencher.  C’est cette violence ordinaire qui a accaparé l’attention de Claude. 

En 1996, elle fonde l'association “la Liane”, dont le nom sonne comme une main tendue, pour tenter de soutenir les plus démunis. 

Elle consacre tout d’abord son énergie au développement d’un village de brousse, Khandane, naguère isolé au milieu des sables, et aujourd’hui cité en exemple pour ses réalisations durables : une école, un poste de santé, des logements, une bibliothèque – au mur de laquelle trône fièrement Louise Michel, l’égérie de Claude -, un atelier de couture et même une salle informatique, le tout en plein désert !  
 

Au Sénégal, la mère des enfants des rues

Un désert d’indifférence

Puis Claude ouvre, en 2006, un centre d’accueil au nord de l’île de Saint-Louis, en direction des gamins des rues. Ils sont actuellement une trentaine de jeunes, garçons et filles, à y vivre. Le plus petit a moins d'un an. Le plus grand, la vingtaine.  

Dans ce refuge des enfants perdus, on construit un avenir avec de la patience, des feutres et des sourires. Trois éducateurs et un infirmier se relaient pour assurer une présence permanente auprès de ces “réfugiés” en culottes (bien trop) courtes. Des bénévoles animent qui, un atelier de travaux manuels, qui, des cours d’alphabétisation.

Ici, les détresses sont nombreuses, des plaies du corps à celles du coeur. À chacun, on tente d’apporter une réponse appropriée, par la médiation (avec les parents, avec les marabouts), un recours juridique, ou la recherche d’une formation professionnelle. Un retour en famille, un apprentissage, une scolarisation, sont autant de petites victoires. Quelques grains de sable dans un désert d’indifférence. 
 

Le sourire des gamins des rues

Mais pour nourrir ce petit monde arraché à la misère, il faut de l’argent, du riz, du sucre… Les associations de solidarité le savent bien : l’humanitaire est un tonneau des Danaïdes. Subventions, dons, parrainages constituent une quête sans cesse réitérée. Pour récolter des fonds et alerter l’opinion sur la situation de ces enfants, la Liane organise des manifestations visibles depuis la France : voyages solidaires, marché des solidarités, commerce équitable via les magasins Artisans du monde… Un petit geste ici, peut décider d’un destin là-bas.

En 6 ans, le centre d’accueil de La Liane a hébergé plus d’une centaine de petits pensionnaires. Et quand on voit aujourd’hui le sourire de ces enfants venus de la rue, apprenant à lire et à écrire, de ces gaillards devenus bijoutiers, menuisiers, ou mécaniciens, on se dit qu’on peut faire reculer les déserts. Mais que le chemin est long et qu'il reste beaucoup à faire.  

Dans ce coin d’Afrique chauffée à blanc, Claude est devenue une mère d’adoption pour les enfants en mal d’avenir, auxquels elle tente d'offrir un monde un peu plus juste.  Plus qu’une liane, c’est un fil d’Ariane pour trouver le chemin de la liberté, qu’elle tisse à Saint-Louis-du-Sénégal.

Karine Djébari 

POUR ALLER PLUS LOIN


http://www.laliane.infini.fr et http://unelianeausenegal.free.fr
Contacts : hallegot@club-internet.fr / Tél. 00 (221) 77 523 63 17
 
Ci-dessous :
- le reportage photos de Eddy Graëff
Un film : "le business talibé"
-L'Islam sénégalais et ses puissantes confréries
 

Le reportage photos de Eddy Graëff
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 


Un film : "le business talibé"

Dans ce documentaire de 52 mn qu'il a intitulé Le business talibé, le réalisateur sénégalais Thierno Ibrahima Sané montre la dramatique dérive d'une tradition rurale de partage devenue une source d'enrichissement pour des marabouts soi-disant hommes de Dieu exploitant des gamins jusqu'à l'esclavage.
 

Au Sénégal, la mère des enfants des rues
L'Islam sénégalais et ses puissantes confréries

Le scandale des petits talibés exploités par des marabouts indélicats s'inscrit dans dans  un paysage très particulier, celui d'une société très religieuse, à 95% musulmane, où les esprits sont encadrés par de puissantes confréries. Le point sur le sujet avec cette enquête de Jeune Afrique parue en mars 2012 à l'occasion de la dernière élection présidentielle.
 
 
 
 
 





1.Posté par ZAOUI le 05/04/2015 10:15
Bravo pour vos actions, nous aussi à travers l'association POUR UNE ENFANCE nous venons en aide aux enfants talibés.
http://www.pouruneenfance.com

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