Ce portrait, signé Georges Grard, a été publié dans le magazine L'Handispensable (numéro 12), partenaire d'Histoires Ordinaires. Renseignements et abonnement (20 € par an) sur le site de la revue.
François Sohm a un parcours et une vie hors du commun. Une vie d’homme libre et rebelle ! Né le 11 juin 1955 à Nancy, il vit avec sa famille à Toul à 20 km de Nancy. Mais le mieux est de l’écouter… « J’ai eu deux frères dont un frère jumeau, un « vrai jumeau », et deux sœurs. A l’âge de deux ans, en plein été, je jouais précisément avec mon frère dans le jardin sous l’œil protecteur de notre mère. Je suis tombé soudainement Me suis relevé et suis retombé plusieurs fois... Ma mère, qui me l’a raconté plus tard, me disait qu’elle avait remarqué que ma jambe droite ne me supportait plus, qu’elle pliait. Le soir, j’étais entièrement paralysé avec en plus des difficultés respiratoires. Nous étions en août 1957. »
« A cette époque, alors que j’ai bien évidemment été pris en charge par des médecins, aucun d’entre eux n’a diagnostiqué une attaque de polio, et dans un premier temps j’ai été soigné à Nancy pour une méningite ! Finalement, un médecin affirmé que c’était un cas de polio. En 1957, rien n’était prévu pour accueillir des polios sauf à Rennes. Garches était complet. Mes parents ont décidé de m’y conduire et de m’y laisser. Au vu de la distance et des conditions de voyage, ils ne pouvaient venir me voir qu’une seule fois par mois. J’ai eu une famille d’accueil à Rennes qui m’a sorti du centre tous les dimanches…. Et ce qui est très drôle et émouvant, c’est que j’ai retrouvé cette famille il y a un mois. Les parents sont décédés mais je suis en contact avec le fils qui avait huit ans de plus que moi et se souvient d’un petit garçon que ses parents recueillaient une fois par semaine… »
« A cette époque, alors que j’ai bien évidemment été pris en charge par des médecins, aucun d’entre eux n’a diagnostiqué une attaque de polio, et dans un premier temps j’ai été soigné à Nancy pour une méningite ! Finalement, un médecin affirmé que c’était un cas de polio. En 1957, rien n’était prévu pour accueillir des polios sauf à Rennes. Garches était complet. Mes parents ont décidé de m’y conduire et de m’y laisser. Au vu de la distance et des conditions de voyage, ils ne pouvaient venir me voir qu’une seule fois par mois. J’ai eu une famille d’accueil à Rennes qui m’a sorti du centre tous les dimanches…. Et ce qui est très drôle et émouvant, c’est que j’ai retrouvé cette famille il y a un mois. Les parents sont décédés mais je suis en contact avec le fils qui avait huit ans de plus que moi et se souvient d’un petit garçon que ses parents recueillaient une fois par semaine… »
« A partir de ce moment-là, j’ai eu très soif de liberté »
Par chance, un Centre pour polios s’ouvre à Flavigny dans la banlieue de Nancy et le petit François passe enfin ces week-ends avec sa famille. Il subit de nombreuses opérations tout au long de son enfance et de son adolescence, et, à 18 ans, il peut marcher sans appareillage, simplement accompagné d’une canne. « A partir de ce moment-là, j’ai eu très soif de liberté, liberté qui m’a été nécessaire toute la vie. C’est-à-dire que je n’ai jamais été capable de me "ranger" dans un mode de vie précis. Je ne pouvais obéir qu’à moi-même. Je voulais rattraper le temps perdu et le vivre à ma façon et pas à celle que d’autres, sans aucune méchanceté d’ailleurs, voulaient m’imposer », insiste le futur grand musicien.
« Mes frères et sœurs faisaient tous du sport et mes parents m’ont demandé si je souhaitais faire du piano. J’ai dit oui tout de suite parce que je passais mon temps sur le clavier à jouer les airs que j’entendais à la radio. Mon premier cours eut lieu en novembre 1967, j’avais 12 ans et c’est tard pour commencer le piano mais les opérations que je subissais suivies de convalescences prolongées dans les centres pour handicapés, m’interdisaient d’envisager autre chose. J’ai adoré mes cours de piano classique même si je n’étais pas un brillant élève car je passais mon temps à écrire des harmonies sur mon cahier de musique et ma gentille jeune professeur me rappelait doucement à l’ordre ! »
« Mes frères et sœurs faisaient tous du sport et mes parents m’ont demandé si je souhaitais faire du piano. J’ai dit oui tout de suite parce que je passais mon temps sur le clavier à jouer les airs que j’entendais à la radio. Mon premier cours eut lieu en novembre 1967, j’avais 12 ans et c’est tard pour commencer le piano mais les opérations que je subissais suivies de convalescences prolongées dans les centres pour handicapés, m’interdisaient d’envisager autre chose. J’ai adoré mes cours de piano classique même si je n’étais pas un brillant élève car je passais mon temps à écrire des harmonies sur mon cahier de musique et ma gentille jeune professeur me rappelait doucement à l’ordre ! »
Aux cours de musique, « il me plaisait d’apprendre ce que j’avais envie d’apprendre »
« L’école et le lycée, jusqu’au bac que je n’ai pas eu, ont été une des pires expériences de ma vie à cause sans doute de ce côté obligé, subi… Des années à devoir apprendre des choses qui ne m’intéressaient pas et aucun horizon ne semblait s’ouvrir… j’avais besoin de respirer et de contrôler ma vie pour être le plus heureux possible. Une petite anecdote, lors des résultats du Bac, c’est la directrice qui les donnait un par un dans la cour du Lycée. Arrivé à mon nom, j’étais, a-t-elle dit, une exception académique tant ma nullité était grande. Tout le lycée me regardait et j’ai alors répondu avec une rare insolence : "Eh bien, chère Madame, de cette façon, vous vous souviendrez de moi !" J’ai eu comme réponse de fantastiques et très longs applaudissements de la part de tout le lycée. La directrice a fini par sourire gentiment. »
Heureusement, la musique était là. Et après le bac si mouvementé, François décide de faire des études… musicales bien sûr. « Seulement il n’était pas question de recommencer des écoles ou autres facs (la fac de musicologie était possible sans bac). Je détestais les écoles. Alors je suis alors voir le professeur d’écriture du conservatoire de Nancy et lui ai demandé s’il donnait des cours privés. J’ai passé cinq ans à apprendre chez lui. J’ai déménagé ensuite à Paris et j’ai continué les cours privés avec de grands maîtres. Ces cours privés n’étaient pas la solution la moins onéreuse, c’est certain, mais ils me rendaient heureux et il me plaisait d’apprendre ce que j’avais envie d’apprendre sans penser à des diplômes…Si je vous disais qu’aujourd’hui, à 61 ans j’étudie encore, seul, mais j’aime découvrir ! »
Heureusement, la musique était là. Et après le bac si mouvementé, François décide de faire des études… musicales bien sûr. « Seulement il n’était pas question de recommencer des écoles ou autres facs (la fac de musicologie était possible sans bac). Je détestais les écoles. Alors je suis alors voir le professeur d’écriture du conservatoire de Nancy et lui ai demandé s’il donnait des cours privés. J’ai passé cinq ans à apprendre chez lui. J’ai déménagé ensuite à Paris et j’ai continué les cours privés avec de grands maîtres. Ces cours privés n’étaient pas la solution la moins onéreuse, c’est certain, mais ils me rendaient heureux et il me plaisait d’apprendre ce que j’avais envie d’apprendre sans penser à des diplômes…Si je vous disais qu’aujourd’hui, à 61 ans j’étudie encore, seul, mais j’aime découvrir ! »
De la musique aux langues : l'allemand, l'italien, le japonais...
« La vie de musicien que j’ai vécue m’a fait vivre la vie que j’avais envie de vivre même si j’ai fait beaucoup de ménages (Ndlr : de la « musique alimentaire » comme on dit dans le métier.) » En 1984, François Sohm rencontre un jour un producteur qui organise la fête de Force Ouvrière et cherche un arrangeur pour orchestrer des chansons révolutionnaires. C’est ainsi qu’il se retrouve durant deux ans à diriger l’Orchestre Colonne et les Chœurs de l’Opéra de Paris. « J’ai donc écrit les arrangements de "Ah, ça ira", "Le Temps des Cerises" et, bien évidemment, "L’Internationale". Ce sont des choses qui marquent surtout devant un public de 12 000 personnes ! »
« Le lendemain je reprenais mon métier à jouer devant quatre personnes au Lucernaire ou dans les hôtels parisiens (Ndlr : François a accompagné également de nombreuses vedettes !). La musique m’a sans aucun doute sorti de mon handicap à tel point que, sans le nier, je vivais sans y penser. J’aime marcher, contrairement aux apparences : l’été dernier, j’ai par exemple marché 1 h 30 chaque jour pendant deux mois faisant ainsi mes 5 km par jour. J’ai toujours été heureux de vivre la vie que je me suis choisie. J’ai du temps à l’âge adulte pour me consacrer aux études et pas uniquement de la musique. J’apprends les langues depuis 10 ans chaque jour sans exception. J’aime l’allemand et l’italien que je travaille assidûment sans penser à autre chose que le plaisir de découvrir d’autres pays. Il y a un an je me suis mis au japonais qui est une langue formidable. »
« Le lendemain je reprenais mon métier à jouer devant quatre personnes au Lucernaire ou dans les hôtels parisiens (Ndlr : François a accompagné également de nombreuses vedettes !). La musique m’a sans aucun doute sorti de mon handicap à tel point que, sans le nier, je vivais sans y penser. J’aime marcher, contrairement aux apparences : l’été dernier, j’ai par exemple marché 1 h 30 chaque jour pendant deux mois faisant ainsi mes 5 km par jour. J’ai toujours été heureux de vivre la vie que je me suis choisie. J’ai du temps à l’âge adulte pour me consacrer aux études et pas uniquement de la musique. J’apprends les langues depuis 10 ans chaque jour sans exception. J’aime l’allemand et l’italien que je travaille assidûment sans penser à autre chose que le plaisir de découvrir d’autres pays. Il y a un an je me suis mis au japonais qui est une langue formidable. »
Libéré d'« un système où je me sentais captif »
« J’ai été traumatisé, conclut-il, par un système où je me sentais captif. Et, je crois, qu’il y a un parallèle entre mon handicap et le système scolaire. J’ai vécu les deux comme un enfermement. D’un côté, j’étais limité dans mon corps ; de l’autre, on limitait mon espace de vie. Je me suis senti enfermé pendant des années et j’ai vraiment mal vécu cette période. Vers 20 ans, je marchais enfin et l’école était terminée. Là commençait une autre vie ! La liberté, il faut se l’inventer chaque jour ! »
Georges Grard
Les intertitres sont de la rédaction d'Histoires Ordinaires
Georges Grard
Les intertitres sont de la rédaction d'Histoires Ordinaires
« La liberté, il faut se l’inventer chaque jour ! »