Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

Censuré deux fois par le gouvernement français après sa publication en 1958, ce récit essentiel de Henri Alleg, sur ses tortures subies lors de la guerre d’Algérie, rappelle au théâtre un scandaleux pan de notre histoire. Créée en 2021, présente au dernier festival d'Avignon, La Question, mise en scène par Laurent Meininger, a été présentée au TNB, à Rennes, début avril.


LA QUESTION au TNB cette semaine

04/04/2024


LA QUESTION

La Question a bouleversé l’opinion et le texte ici mis à nu par Stanislas
Nordey continue son œuvre au cœur du politique. Le magnifique comédien Stanislas Nordey est mis en scène par Laurent Meininger.
Le texte est là, devant nous, brut, pur, clinique, incarné par le comédien sur un
plateau nu, sur un fond de fils mouvants, vaguement immersif et sur un plateau vide, devenant par moment miroir.
Nordey est là, tel que le texte.
Nordey, un corps littéral qui débarque d’entre nous et se fond à la fin au noir,
le nôtre. Magnifique. Effrayant. Nécessaire.
La Question est ce texte brut, pur, clinique qu’Henri Alleg a publié chez Minuit,
en 1958. Alleg, directeur d’Alger Républicain, est ce journaliste engagé du côté
de la décolonisation et, partant, des ennemis de la France.
Ce sont ces derniers qui le soumettent à la question.
Où as-tu été hébergé et par qui, la nuit qui a précédé ton arrestation ?
Quatre jours durant, quatre jours durs, quatre jours de torture, il dit plus
souvent supplice, il dit cela dans la voix retenue de Stanislas Nordey, il dit cela
au plus près du corps soulevé d’électricité, des testicules courbés d’arc, des fils
nus sur sa poitrine, du bâillon de bouche et du robinet qui coule à l’étouffer, le
noyer sous le regard hilare de paras fous.
Des hommes d’hier qui pourraient revenir dans l’ombre d’aujourd’hui.

C’est pour cela que ce moment Alleg est indispensable. Cette Gestapo toujours
prête à nier la République, ces gestapistes à l’époque partisans de l’Algérie
française, aujourd’hui insidieusement enfouis sous un racisme d’atmosphère,
une dette jamais remboursée, une haine à bas bruit qu’RN veut dire.
L’horreur vécue et dénoncée par Henri Alleg qui a survécu contrairement à son
compagnon de déroute Maurice Audin, comment nos corps peuvent résister,
c’est aussi la question de ce livre, cette horreur vécue et dénoncée interroge et
nous questionne ? Garderait-on le silence ? L’enjeu d’aujourd’hui dans l’Europe
assoupie est-il une cause de dépassement ? Comment l’extrême droite qui n’a
rien dépassé obère-t-elle le pouvoir critique ? Quoi, qui pour secouer les
consciences ?
Alleg nous dit la possibilité que cela jamais ne soit terminé. Ces guerres civiles
sont les pires. Elles nous séparent, elles nous sépareront.
Ses trois mois d’emprisonnement originent cet écrit d’Henri Alleg.

Plaidons pour l’humaine humanité alors qu’au contraire l’humain est cet être
sombre qui se nourrit de prédation, viole, torture, sadise et ça continue. Malgré
le plaidoyer des justes. Dont celui d’Alleg.
Qui, pour écrire et pour guérir ?
Qui, pour parler et apaiser ?
Il n’est sans doute pas né ou peut-être dans une maternité du monde, il crie
depuis Gaza dévastée, Kyïv terrorisée et les cent lieux d’en ce moment où la
guerre entre hommes a lieu.

Gilles Cervera

Cinéma | Actualité | Le parlement des voisins | Livres | Théâtre