Rebelles non-violents

Dernier numéro d'ANV : Albert Camus ou le refus du meurtre

Jeudi 29 Août 2013


Dernier numéro d'ANV : Albert Camus ou le refus du meurtre
François Vaillant, rédacteur en chef d'Alternatives Non Violentes, nous présente le dernier numéro de la revue : Albert Camus ou le refus du meurtre.   Pour commander ce n° 166, voir sur le site :  www.alternatives-non-violentes.org  ou commander par écrit à :  ANV Centre 308, 82 rue Jeanne d’Arc, 76000 Rouen

Editorial de François Vaillant
 
Albert Camus (1913-1960) vient d’une famille pauvre des banlieues d’Alger, sa mère, Catherine, femme de ménage, n’a jamais su lire. Son père, Lucien, caviste, est mort à la guerre de 1914-18, laissant son enfant orphelin à l’âge de trois ans et demi.

Albert Camus s’est battu du côté des ouvriers exploités, mais comme il a eu le courage de critiquer âprement la violence des régimes communistes en URSS puis en Europe de l’Est, certains le réduisent à un anti-communiste.   Camus a insufflé la révolte, la dignité et la liberté dans ses romans et pièces de théâtre. Certains bourgeois tranquilles et quelques capitalistes affairés en quête de références littéraires cherchent toujours s’emparer de son héritage intellectuel. Il n’est pas leur philosophe.

Le président de l’époque a déjà voulu, en 2009, faire un coup de force en projetant de faire entrer au Panthéon les restes de l’écrivain. Sa famille refusa, par simple décence. Qu’on l’entende bien, pour Camus : « la société bourgeoise parle de liberté sans la critiquer . »(1) ; et,  par ailleurs, « Pendant cent cinquante ans, sauf dans le Paris de la Commune, dernier refuge de la révolution révoltée, le prolétariat n’a eu d’autre mission historique que d’être trahi . »(2) 

À l’occasion du 100ième anniversaire de la naissance d’Albert Camus, tout le monde semble vouloir s’attirer l’écrivain à soi. ANV va-t-il tomber dans le tort qu’il dénonce ? Autant dire tout de suite notre position. Albert Camus n’est pas un auteur ayant étudié et compris la non-violence, mais les adeptes de la non-violence trouvent chez lui une formidable matière à réflexion, notamment celle qui concerne le refus de légitimer comme de justifier le meurtre. Et c’est précisément sur ce refus que l’Histoire rend raison à Camus au sujet de la guerre d’Algérie, et contre Sartre, et pour l’abolition de la peine de mort.

 
Pour Camus, la révolte devant l’absurde est le mouvement qui assure la dignité de l’être humain. La révolte est ce premier moteur de la conscience morale qui révèle l’exigence de justice qui habite les hommes. La philosophie de la non-violence ne dit rien d’autre à son commencement. Face aux injustices commises par des hommes, l’idée de justice surgit mais en même temps elle appelle, pour les adeptes de la non-violence, la décision pour l’action. La pertinence et la force de l’action non-violente initiée par Gandhi (boycott, désobéissance civile…) ont échappé à Camus. Il a néanmoins perçu et défendu avec courage, notamment lors de la guerre d’Algérie, que « quand l’opprimé prend les armes au nom de la justice, il fait un pas sur la terre de l’injustice  ». (3) 

Le refus de la violence révolutionnaire est partout manifeste chez Camus, mais son ‘non à la violence’ n’est pas parvenu à se traduire par un ‘oui’ franc et massif pour l’action non-violente. En avril 1958, deux ans avant de mourir dans un accident de voiture, Camus a cependant écrit, à propos de la révolte algérienne : « Après tout, Gandhi a prouvé qu’on pouvait lutter pour son peuple et vaincre, sans cesser un seul jour de rester estimable. Quelle que soit la cause que l’on défend, elle restera déshonorée par le massacre aveugle d’une foule innocente où le tueur sait d’avance qu’il atteindra la femme et l’enfant. » (4)

Ceux qui voulaient Camus au Panthéon savent-ils que Camus a rédigé de sa plume l’Appel approuvé par le CSOC (Comité de secours aux objecteurs de conscience) à l’occasion du lancement, avec Louis Lecoin, de la campagne pour obtenir un statut pour les objecteurs de conscience ? On lit dans cet Appel : « Au surplus, la non-violence, qu’on prétend si souvent tourner en dérision, s’est révélée en maints cas très efficace, alors que la résistance armée a manqué le plus souvent son but. L’importance du mouvement de Gandhi, à cet égard, n’est plus à dire.  » (5) Camus était sur le chemin de la non-violence comme nous étions jusqu’à maintenant sur le sien. Le principal demeure la rencontre, enfin !

François VAILLANT  


 [1] Albert Camus, « Restaurer la valeur de liberté », dans Albert Camus et les libertaires (1948-1960), dans L’Homme révolté, dans la Pléiade II, Paris, 1981, p. 278. [2] Albert Camus, L’Homme révolté, dans la Pléiade II, Paris, 1981, p. 622. [3] Dans le dernier article de « Cahiers Albert Camus », cité par Jean Daniel dans Le Nouvel Observateur n° 1984, 14 novembre 2002. [4] Albert Camus, « Avant-propos », dans Actuelles III. Chroniques algériennes 1939-1958, Gallimard, 1958, p. 17. [5] Dans Albert Camus et les libertaires (1948-1960), écrits rassemblés par Lou Marin, Marseille, Égrégores Éditions, 2008, p. 95, cité dans Lou Marin, Camus et sa critique libertaire de la violence, Montpellier, Indigène Éditions, 2010, p. 21.


Repères biographiques  

1911 : naissance d’Albert Camus à Mondovi (département de Constantine), en Algérie.
1921 : Déménagement de la famille à Belcourt, un quartier populaire d’Alger.
1923 : À la communale, Camus est remarqué par son instituteur qui le prépare au concours des bourses des lycées et collèges en lui donnant gratuitement des cours.
1930 : Reçu à la première partie du baccalauréat, Camus entre en classe de philosophie. La tuberculose se déclare.
1933 : Il milite dans un mouvement antifasciste. Études de philo à la faculté d’Alger.
1934 : Progression de la tuberculose. Épouse Simone Hié.
1936 : DES de philo sur St Augusti et Plotin. Rupture avec Simone Hié.
1937 : Camus quitte le PC. Parution de L’envers et l’endroit.
1938 : Camus achève Noces. Il n’a pas le droit de se présenter à l’agrégation de philo en raison de  sa tuberculose.
1939 : Série de reportages, comme journaliste à Alger républicain, sur la misère en Kabylie.
1940 : Mariage avec Francine Faure. Départ pour Paris où il devient secrétaire de rédaction à Paris-soir. Il achève L’Étranger.
1941 : Retour à Oran. Il termine Le Mythe de Sisyphe.
1943 : Camus travaille à La Peste, il rencontre Sartre.
1944 : Publication de Caligula chez Gallimard. Premier éditorial dans Combat, quatre jours avant la libération de Paris. Polémique avec Mauriac sur la question de l’épuration.
1945 : Condamnation des violences commises à Sétif. Le 8 août : éditorial sur Hiroshima.
1947 : Publication de La Peste chez Gallimard.
1949 : Voyage en Amérique latine, écriture des Justes.
1951 : Termine la rédaction de L’Homme révolté.
1956 : Camus lance à Alger un « Appel pour une trêve civile ». Publication de La Chute.
1957 : Publication de Réflexions sur la peine capitale. Prix Nobel de littérature.
1958 : Publications des Chroniques algériennes.
1960 : Le 4 janvier, décès d’Albert Camus et de Michel Gallimard dans un accident de voiture au lieu-dit Le Petit-Villeblevin (Yonne). Dans la voiture est retrouvé le manuscrit du Premier Homme. La tombe d’Albert Camus est au cimetière de Lourmarin (Vaucluse).

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Marie-Anne Divet
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Ce qui m'a intéressée dans les idées de Gandhi, c'est le choix. Ou de réagir à la violence par la violence ou de répondre, en me creusant la tête, d'une autre manière, qui respecte l'être humain, comme un autre moi-même. J'aime cette obligation de faire autrement, d'une façon active et créative, une manière d'être à l'autre et non d'avoir l'autre.
Pédagogue de profession, j'aime cette idée que nous puissions collaborer, lecteurs/lectrices, expert/e/s, pour partager nos questions, mettre en commun nos réflexions et mutualiser nos ressources pour agir au quotidien là où nous vivons.

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