« La pêche pour moi c’est une passion, j’ai commencé à l’âge de 5 ans avec mon père », confie-t-il. En taquinant le poisson dans la Loizance, la Minette et leurs affluents, le jeune Jean-Paul regarde aussi l'eau et plus tard ne supporte pas qu'elle se dégrade. La qualité de l'eau devient son combat, celle des ruisseaux et rivières qui l’entourent mais aussi celle utilisée ou rejetée par son entreprise, une laiterie où il est responsable Recherche et Développement. Une entreprise qu’il n'hésite pas, au risque de perdre son emploi, à poursuivre en justice pour pollution en 1979.
Une nature bouleversée
« Je suis né le 1er avril 1953, le jour du poisson. » Jean-Paul est de la génération qui a connu les grands bouleversements agricoles des années 60, ceux de l’intensification des productions et du remembrement. « Quand j’ai commencé à pêcher, l’eau était claire, il y avait du poisson, des anguilles, de la truite et surtout du saumon, le milieu naturel n’était pas trop dégradé. »

"Et là, mon enfance est partie avec les cailloux de la rivière".
Mais avec le remembrement beaucoup de talus vont disparaitre ainsi que les zones humides qui filtrent l’eau. « A la moindre averse l’eau chargée de terre se déverse dans les rivières en asphyxiant les poissons qui y vivent » Plus grave selon lui, le remembrement s’est accompagné d’opérations de recalibrage des cours d’eau, les méandres sont supprimés, les seuils d’eau abaissés de 70 cm, les fonds des rivières sont raclés à la pelleteuse.
« Et là, mon enfance est partie avec les cailloux de la rivière. Ces cailloux, ils servaient d’abris et de gardes manger aux poissons et au fur et à mesure des recalibrages les ruisseaux sont devenus stériles. ».Pourtant, malgré l’opposition de certains riverains au curage, le président de l’association de pêche de l’époque ne dit rien.
Comme tous les pêcheurs, Jean-Paul est adhérent d’une association "La Gaule Antrainaise". « Si personne ne réagit, c’est parce que les pêcheurs sont soit des agriculteurs pour la plupart favorables au remembrement, soit des non agriculteurs mais qui ont besoin des droits de passage pour accéder à la rivière, il ne faut donc pas faire de bruit. »
Jean Paul va se fâcher. « En 1976, première alerte, nous avons connu une sécheresse importante, la pêche avait fermé, les anciens ne se souvenaient pas d’avoir vu les rivières aussi basses et surtout sales, les ruisseaux étaient à sec, les poissons sur le dos, à quelques-uns nous sommes allés sauver les quelques truites qui surnageaient encore dans les rares poches d’eau pour les remettre un peu plus loin dans la Loizance. »
Pour beaucoup, la mortalité n’était pas due à la pollution mais à la chaleur trop forte, un déni de réalité. Plus grave, quelques années plus tard, en 1979, plusieurs grosses pollutions s’enchainent, l’une à la suite d’un déversement de boues dans la rivière après le vidage malencontreux d’un étang par des pêcheurs, l’autre à la suite d’un déversement d’eau issue d’un débordement de la station d’épuration de la laiterie où il travaille…
Résultat, plus aucun poisson sur des kilomètres. « J’en pleurais », pourtant, malgré le désastre, le président de l’association ne réagit pas. Jean-Paul, soutenu par quelques jeunes, décide de le renverser. Le nouveau président est tout aussi frileux. Jean-Paul se retrouve alors en première ligne pour engager des poursuites judiciaires contre… la laiterie dans laquelle il est jeune employé.
« Et là, mon enfance est partie avec les cailloux de la rivière. Ces cailloux, ils servaient d’abris et de gardes manger aux poissons et au fur et à mesure des recalibrages les ruisseaux sont devenus stériles. ».Pourtant, malgré l’opposition de certains riverains au curage, le président de l’association de pêche de l’époque ne dit rien.
Entre prise de conscience lente et déni de la réalité
Comme tous les pêcheurs, Jean-Paul est adhérent d’une association "La Gaule Antrainaise". « Si personne ne réagit, c’est parce que les pêcheurs sont soit des agriculteurs pour la plupart favorables au remembrement, soit des non agriculteurs mais qui ont besoin des droits de passage pour accéder à la rivière, il ne faut donc pas faire de bruit. »
Jean Paul va se fâcher. « En 1976, première alerte, nous avons connu une sécheresse importante, la pêche avait fermé, les anciens ne se souvenaient pas d’avoir vu les rivières aussi basses et surtout sales, les ruisseaux étaient à sec, les poissons sur le dos, à quelques-uns nous sommes allés sauver les quelques truites qui surnageaient encore dans les rares poches d’eau pour les remettre un peu plus loin dans la Loizance. »
Pour beaucoup, la mortalité n’était pas due à la pollution mais à la chaleur trop forte, un déni de réalité. Plus grave, quelques années plus tard, en 1979, plusieurs grosses pollutions s’enchainent, l’une à la suite d’un déversement de boues dans la rivière après le vidage malencontreux d’un étang par des pêcheurs, l’autre à la suite d’un déversement d’eau issue d’un débordement de la station d’épuration de la laiterie où il travaille…
Résultat, plus aucun poisson sur des kilomètres. « J’en pleurais », pourtant, malgré le désastre, le président de l’association ne réagit pas. Jean-Paul, soutenu par quelques jeunes, décide de le renverser. Le nouveau président est tout aussi frileux. Jean-Paul se retrouve alors en première ligne pour engager des poursuites judiciaires contre… la laiterie dans laquelle il est jeune employé.

"Nous étions considérés comme des empêcheurs de polluer en rond"
Un combat de sept années… suivi de biens d’autres
Le combat porté avec le soutien de la fédération de pêche est gagné en 1986 mais perdu en appel en 1988. Jean-Paul est toujours dans l’entreprise. « D’une part, les collègues au courant de l’action en justice n’ont rien dit au patron et d’autre part, en tant que responsable Recherche Développement, je n’ai eu de cesse de proposer des améliorations techniques : par exemple, recycler l’eau, une énorme quantité d’eau issue du process de séchage ou canaliser les eaux de la cour pour qu’en cas de déversements accidentels de produits souillés ils n’aillent pas directement dans la rivière. » Il ajoute : « Ma chance, le nouveau directeur était aussi pêcheur donc assez compréhensif. »
Agir pour sanctionner les pollueurs tout en faisant en sorte que l’un des pollueurs potentiels, la laiterie où il travaille, ne pollue plus est devenu son combat de président de l’association de pêche qu’il était devenu. Et les combats n’ont pas manqué. Contre l’abattoir local qui déversait directement du sang dans la rivière, contre la distillerie plus en aval qui, elle aussi déversait des produits toxiques directement dans le Couesnon et asphyxiait en quelques heures, les poissons et les rares saumons encore présents dans la rivière. Contre une andouillerie dont ils obtiennent en 1993 la condamnation du propriétaire à 3 mois de prison ferme pour pollution grave.
Agir pour sanctionner les pollueurs tout en faisant en sorte que l’un des pollueurs potentiels, la laiterie où il travaille, ne pollue plus est devenu son combat de président de l’association de pêche qu’il était devenu. Et les combats n’ont pas manqué. Contre l’abattoir local qui déversait directement du sang dans la rivière, contre la distillerie plus en aval qui, elle aussi déversait des produits toxiques directement dans le Couesnon et asphyxiait en quelques heures, les poissons et les rares saumons encore présents dans la rivière. Contre une andouillerie dont ils obtiennent en 1993 la condamnation du propriétaire à 3 mois de prison ferme pour pollution grave.
Vus comme des pêcheurs extrémistes
Ces combats, Jean-Paul et la Gaule Antrainaise les mènent surtout avec le soutien de la fédération régionale de la pêche, moins avec les autres associations locales trop frileuses. « Nous étions considérés comme des empêcheurs de polluer en rond, très, très mal vus y compris par certains pêcheurs eux-mêmes. » Ils avaient le soutien de l’association Eau et Rivières de Bretagne. « Nous étions catalogués comme des extrémistes de l’environnement alors que nous n’étions qu’une association de défense de notre loisir. » Pourtant, des résultats, « les extrémistes », ils en en obtiennent.

La Loizance © Archives La Gaule antrainaise
Le retour du saumon dans le Couesnon
A force, d’avertissements, de recours en justice et de sanctions, la plupart des entreprises concernées par les rejets dans la rivière se mettent aux normes à partir de 1990. L’association mène alors une opération pour faire revenir le saumon. C’est un succès malgré le scepticisme du CSP (Conseil scientifique de la Pèche) qui considérait le Couesnon comme une rivière boueuse sans intérêt. Un premier combat gagné.
Parallèlement à un travail auprès des enfants avec les écoles, ils engagent des opérations de restauration et d’entretien de la rivière pour éviter le retour des pelleteuses. C’est à la main, avec leurs propres moyens humains, bénévoles et financiers, qu’ils nettoient des kilomètres de berges. « Les cailloux qu’il nous ont enlevé avec leurs pelleteuses nous voulons les remettre. ».
A la question de savoir si aujourd’hui, fort du travail mené depuis près de 50 ans, Jean-Paul Lorand est optimiste, sa réponse est normande. « Optimiste mais inquiet- wait and see - mais je n’aime pas le wait, on n’a pas le droit d’abandonner, ce serait un manque de respect pour ceux qui ont œuvré avec moi et s’il n’y a plus de poissons, c’est qu’il n’y aura plus d’eau de qualité pour les générations futures. »
Citoyen responsable, il ajoute : « Je ne peux pas me résoudre à baisser les bras, Il faut continuer le combat, un combat difficile avec une politique actuelle qui remet sans cesse en cause le peu d’acquis obtenus, que ce soit sur les pesticides ou plus récemment sur les missions de l’OFB, L’Office Français de la Biodiversité. »
Jean Yves Dagnet
Parallèlement à un travail auprès des enfants avec les écoles, ils engagent des opérations de restauration et d’entretien de la rivière pour éviter le retour des pelleteuses. C’est à la main, avec leurs propres moyens humains, bénévoles et financiers, qu’ils nettoient des kilomètres de berges. « Les cailloux qu’il nous ont enlevé avec leurs pelleteuses nous voulons les remettre. ».
Un optimisme prudent
A la question de savoir si aujourd’hui, fort du travail mené depuis près de 50 ans, Jean-Paul Lorand est optimiste, sa réponse est normande. « Optimiste mais inquiet- wait and see - mais je n’aime pas le wait, on n’a pas le droit d’abandonner, ce serait un manque de respect pour ceux qui ont œuvré avec moi et s’il n’y a plus de poissons, c’est qu’il n’y aura plus d’eau de qualité pour les générations futures. »
Citoyen responsable, il ajoute : « Je ne peux pas me résoudre à baisser les bras, Il faut continuer le combat, un combat difficile avec une politique actuelle qui remet sans cesse en cause le peu d’acquis obtenus, que ce soit sur les pesticides ou plus récemment sur les missions de l’OFB, L’Office Français de la Biodiversité. »
Jean Yves Dagnet