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Pradeep a inspiré Emeric, postier devenu forestier
En 2011, le Lyonnais Emeric Bigot est de passage dans la région. Le salarié de La Poste, passionné de nature, séjourne dans l'ONG Tatun Bharat Sangh, connue pour avoir repris l'usage des johads, petits barrages en terre traditionnels. Pradeep est là aussi et on le comprend : l’eau, c'est l’avenir de son projet. Les deux hommes sympathisent, discutent, gardent contact. Deux ans plus tard, en 2013, Emeric Bigot est chez Pradeep.
« Pradeep s’était installé. Il avait construit une hutte, avait planté quelques arbres. » Emeric retrouve un homme toujours aussi déterminé mais « très affaibli » : il vit dans des conditions très précaires, il sort en outre d'une crise de palu. Dans la hutte, durant quelques heures, Emeric Bigot partage avec Pradeep la présence nocturne de bêtes sauvages, panthères, chacals... Le jour, il retrouve une terre semi-désertique appauvrie par la forte présence humaine, le déboisement provoqué par la pauvreté. Mais Pradeep résiste et s'enracine en même temps que ses arbres et ses plantes.
Une « rencontre inspirante », dit Emeric aujourd'hui. A l’approche de ses 40 ans, il a lui aussi bifurqué, repris les études, quitté La Poste et est devenu technicien forestier. Il travaille aujourd’hui à l'association PEFC Auvergne - Rhône Alpes. Protéger, régénérer, sauver les arbres : à quelque 8 000 km à vol d’oiseau des feuillus alpins aux arbres sacrés du Rajasthan, Emeric Bigot et Pradeep Choudhary ont le même projet de vie et restent en contact. Les deux hommes ne devraient pas tarder à se revoir : « Je compte y retourner bientôt », dit Emeric Bigot, pour « travailler, partager nos connaissances. »
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Pradeep, frère d'Elzéard, "l'homme qui plantait les arbres" de Jean Giono
Alors que j’écoutais Pradeep Choudhary, déclinant les vertus des plantes médicinales qu’il touchait délicatement de ses doigts, j’ai eu comme un éclair. Cet homme, me suis-je dit, c’est l’homme qui plantait des arbres, le héros de la nouvelle de Jean Giono.
Rappelez-vous : l’auteur rencontre Elzéard Bouffier, un berger de Haute-Provence. Il est occupé à sélectionner « un tas de glands ». Il en choisit cent, qu'il met dans un sac. Le lendemain, Elzéard prend la route avec son troupeau. En chemin, il s’arrête dans un petite clairière désertique. A l’aide d’une « tringle de fer », il fait un trou dans lequel il dépose un gland puis le rebouche. Ce jour-là, il en plante cent. « Il en avait planté cent mille. Sur les cent mille, vingt mille était sortis. Sur ces vingt mille, il pensait encore en perdre la moitié, du fait des rongeurs ou de tout ce qu'il y a d'impossible à prévoir dans les desseins de la Providence. Restaient dix mille chênes qui allaient pousser dans cet endroit où il n'y avait rien auparavant »
1914, Giono revient de la guerre. Il retourne voir le planteur. La création d'Elzéard fait alors « onze kilomètres de long et trois kilomètres dans sa plus grande largeur ». Giono est impressionné: « Quand on se souvenait que tout était sorti des mains et de l'âme de cet homme – sans moyens techniques – on comprenait que les humains pourraient être aussi efficaces que Dieu dans d'autres domaines que la destruction ».
Elzéard a-t-il inspiré Pradeep ? Peut-être. Mais il n’est pas le seul. Abdul Kareem a créé, en 19 ans, une forêt « sortie de nulle part », en Inde, en utilisant la même méthode qu'Elzéard. "Trees for the Future” a aidé 470 000 personnes, à planter, à ce jour, 370 000 000 arbres. Wangari Maathai, prix Nobel de 2004, a fondé en 1977, le Mouvement de la Ceinture Verte au Kenya: plus de 50 millions d'arbres ont poussé. La campagne « A Billion Tree Campaign » de l'UNEP ( Programme des Nations unies pour l'environnement ) a permis de planter 45 millions de graines à travers le monde. En France, l'ONF, depuis 2011, travaille sur le "Projet Giono" qui aide à la migration assistée des essences d'arbres vers le nord, en raison des contraintes du réchauffement climatique.
Marie-Anne Divet
Pour aller plus loin :
Waangari, "La femme qui plantait des arbres" (Kenya)
Le dossier de l'ONF sur la défense des forêts face au changement climatique
L'opération 5 millions d'arbres du Dr Jane Goodall
L'action de Trees for the future
© Michel Rouger
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Grâce à Ekta Parishad, les champs des villageois ont aussi reverdi
Au village tout proche de Leela Dheeroda, le travail et la vie ont aussi beaucoup changé pendant que Pradeep plantait de son côté. Grâce notamment à Ekta Parishad, la grande organisation de lutte non-violente des petits paysans indiens et à son partenaire MJVS.
"Entre le silence et la violence, il y a un espace pour la non-violence active" affirme Rajakopal, le président-fondateur de ce mouvement populaire né en 1991 et fédération informelle de 35 organisations communautaires. Même si l'Inde a une économie en plein essor, une grande partie de la population en est exclue : les dalits (les intouchables), les adivasis (les peuples tribaux vivant des ressources de la forêt) et les paysans sans terre.
Le mouvement les aide à s'organiser pour mener des actions collectives afin de faire pression sur le gouvernement indien pour qu'il applique les lois visant à la redistribution équitable des terres et des ressources naturelles. Pour lutter, Ekta Parishad utilise les méthodes de lutte non violente : marches, grèves de la faim, blocages des routes ou autres expressions de la désobéissance civile.
Ekta Parishad est aussi sur le terrain et apporte un appui technique et logistique aux communautés villageoises comme Leela Dheeroda pour qu'elles gèrent de manière autonome et durable leurs ressources afin qu'elles retrouvent toute leur dignité.
A ce jour, Ekta Parishad a réussi à récupérer 347 000 "terres" pour les paysans sans terre du Madhya Pradesh et obtenu la prise en compte de 580 000 crimes commis contre les tribus vivant dans les forêts.
Depuis 2012, Ekta Parishad par le biais de MJVS (Manav Jeevan Vikas Samiti), développe avec Gareema India et l'association nantaise Tamadi, le tourisme rural, un moyen de diversifier les sources de revenus et de créer des emplois sans compromettre l'environnement et l'écologie.