Midi vient à peine de sonner dans les locaux de Singa, du côté de la gare Saint-Lazare. Nathanaël regarde sa montre. Mais ce n'est pas pour vérifier l'heure. Où qu'il soit, il reste connecté. Les sms bourdonnent et les rendez-vous s'accumulent pour le tout jeune président de Singa : un collectif, une association, une idée pour réapprendre à vivre ensemble.
Sur la première page du site, on peut lire « Accueillir les réfugiés pour renforcer la société ». C'est la ligne de conduite des huit salariés et des nombreux bénévoles qui épaulent Nathanaël Molle, co-fondateur de la structure avec Guillaume Capelle. Au début de 2012, tous deux diplômés de l'ILERI, l'Institut d'étude des relations internationales, ils décident de créer Singa. Une réponse à un constat partagé lors de leur stage de fin d'études : « Si l'on veut accueillir les réfugiés, il faut pouvoir accompagner leurs projets porfessionels, leurs envies personnelles, ça va bien plus loin qu'une autorisation de séjour sur notre territoire. »
« C'est comme cela que nous pourrons faire changer les regards des gens, explique Nathanaël ; les réfugiés sont avant tout une richesse pour notre société, et pas seulement un coût ! C'est important de déceler leurs potentiels et de mettre en place des solutions pour accompagner leur nouveau départ. » Singa n'apporte donc pas une aide d'urgence, elle n'en a d'ailleurs pas les moyens. Elle n'est pas dans l'humanitaire : « Je ne veux pas faire de l'humanitaire, je veux travailler dans l'humain. »
Sur la première page du site, on peut lire « Accueillir les réfugiés pour renforcer la société ». C'est la ligne de conduite des huit salariés et des nombreux bénévoles qui épaulent Nathanaël Molle, co-fondateur de la structure avec Guillaume Capelle. Au début de 2012, tous deux diplômés de l'ILERI, l'Institut d'étude des relations internationales, ils décident de créer Singa. Une réponse à un constat partagé lors de leur stage de fin d'études : « Si l'on veut accueillir les réfugiés, il faut pouvoir accompagner leurs projets porfessionels, leurs envies personnelles, ça va bien plus loin qu'une autorisation de séjour sur notre territoire. »
« C'est comme cela que nous pourrons faire changer les regards des gens, explique Nathanaël ; les réfugiés sont avant tout une richesse pour notre société, et pas seulement un coût ! C'est important de déceler leurs potentiels et de mettre en place des solutions pour accompagner leur nouveau départ. » Singa n'apporte donc pas une aide d'urgence, elle n'en a d'ailleurs pas les moyens. Elle n'est pas dans l'humanitaire : « Je ne veux pas faire de l'humanitaire, je veux travailler dans l'humain. »
Un jeune franco-brésilien entre Mali, Thaïlande et Sri Lanka
Né à Récife, la grande ville du Nordeste brésilien, Nathanaël Molle porte haut ses deux cultures. La française, celle de son père, ingénieur engagé dans la politique de l'eau dans les pays en voie de développement ; la brésilienne, celle de sa mère. Elle est institutrice et s'emploie à aider les enfants, souvent les plus fragiles, s'investit dans des orphelinats. Elle deviendra également la directrice d'école des premières années maliennes à quelques centaines de kilomètres au nord de Bamako.
Ces années ont été difficiles pour le jeune Nathanaël. Il se souvient d'avoir été rejeté, lui, "l'étranger" : « Personne ne voulait jouer avec moi et je me sentais seul. » Les liens seront difficiles à nouer avec les autres enfants et Nathanaël ressentira pour la première fois ce sentiment de ne pas appartenir au groupe.
Avec ses parents, Nathanaël part pour la Thailande. Il y vivra sept ans. Sept ans pour apprendre le thai et s'ouvrir aux autres. Sept ans pour profiter de chaque rencontre, comme durant ce mois passé dans un village de réfugiés Karens, persécutés depuis des dizaines d'années par le gouvernement birman. « Une expérience humaine incroyable » pour Nathanaël qui forge son regard sur le monde et se convainc de l'importance du lien à tisser entre les hommes pour espérer vivre ensemble. Singa vient de là. C'est ainsi que l'on dit « lien » en lingala, une langue parlée au Congo.
Ces années ont été difficiles pour le jeune Nathanaël. Il se souvient d'avoir été rejeté, lui, "l'étranger" : « Personne ne voulait jouer avec moi et je me sentais seul. » Les liens seront difficiles à nouer avec les autres enfants et Nathanaël ressentira pour la première fois ce sentiment de ne pas appartenir au groupe.
Avec ses parents, Nathanaël part pour la Thailande. Il y vivra sept ans. Sept ans pour apprendre le thai et s'ouvrir aux autres. Sept ans pour profiter de chaque rencontre, comme durant ce mois passé dans un village de réfugiés Karens, persécutés depuis des dizaines d'années par le gouvernement birman. « Une expérience humaine incroyable » pour Nathanaël qui forge son regard sur le monde et se convainc de l'importance du lien à tisser entre les hommes pour espérer vivre ensemble. Singa vient de là. C'est ainsi que l'on dit « lien » en lingala, une langue parlée au Congo.
Donner le statut de réfugié ne suffit pas
Aujourd'hui, selon le HCR, près de 53 millions de personnes dans le monde ont été obligées de fuir leur pays, d'abandonner leurs foyers pour échapper à des persécutions en raison de leur nationalité, de leur religion, de leur appartance à un groupe social ou politique. C'est un travail de titan pour les organismes et les associations qui s'engagent dans l'accueil de ces populations mais rien n'effraie le jeune homme de 29 ans.
Depuis près de quatre ans maintenant que Singa travaille auprès des réfugiés, la priorité de Nathanaël Molle n'a pas varié : « Que se passe-t-il une fois reçu l'accord des autorités pour rester en France ? L'acte administratif ne suffit pas, il tendrait même même à exclure. La langue, le réseau professionnel, les formations diplômantes et le système d'équivalence sont autant de secteurs où il faut investir pour intégrer les réfugiés. En France, il y a un réel soutien pendant la demande mais rien après, une fois le document obtenu ! »
Depuis près de quatre ans maintenant que Singa travaille auprès des réfugiés, la priorité de Nathanaël Molle n'a pas varié : « Que se passe-t-il une fois reçu l'accord des autorités pour rester en France ? L'acte administratif ne suffit pas, il tendrait même même à exclure. La langue, le réseau professionnel, les formations diplômantes et le système d'équivalence sont autant de secteurs où il faut investir pour intégrer les réfugiés. En France, il y a un réel soutien pendant la demande mais rien après, une fois le document obtenu ! »
Parmi les 500 accompagnants bénévoles, 10 % de réfugiés
Nathanaël ne manque pas de solutions pour faire face aux demandes. Il organise un réseau de bénévoles et structure un ensemble d'actions un peu partout en France pour accompagner des projets, créer du lien.
« Avec Singa, nous organisons des tutorats : un face à face de trois heures puis chaque réfugié obtient un accompagnement personnalisé. Nous avons 500 bénévoles à travers la France. C'est avant tout un système d'échange. Les cours sont dispensés par les bénévoles mais 10% d'entre eux le sont par les réfugiés eux-mêmes. »
Un accompagnement à la carte pour chaque personne qui vient présenter son idée. C'est en véritable chef d'entreprise qu'il organise son emploi du temps. Le plus important reste de trouver les ressources suffisantes pour pérenniser chaque action engagée par les acteurs de Singa.
« Avec Singa, nous organisons des tutorats : un face à face de trois heures puis chaque réfugié obtient un accompagnement personnalisé. Nous avons 500 bénévoles à travers la France. C'est avant tout un système d'échange. Les cours sont dispensés par les bénévoles mais 10% d'entre eux le sont par les réfugiés eux-mêmes. »
Un accompagnement à la carte pour chaque personne qui vient présenter son idée. C'est en véritable chef d'entreprise qu'il organise son emploi du temps. Le plus important reste de trouver les ressources suffisantes pour pérenniser chaque action engagée par les acteurs de Singa.
Construire une "seconde vie"
Au lycée, un projet d'école en prison
Sa compétence, il a commencé à l'acquérir très jeune et aussi très loin de Paris, à Colombo, la capitale du Sri-Lanka. « J'y ai passé mon bac mais appris surtout à créer puis développer un projet social. Dans mon école, les jeunes étaient poussés à prendre des initiatives et des décisions. » Nathanaël, devenu rapidement vice-président des élèves, est resté là quatre ans et a pu concrétiser un beau projet d'école en prison dans un quartier du centre de la capitale.
« Il y avait près d'une centaine d'enfants dont les mères étaient emprisonnées, la situation était catastrophique, les violences quotidiennes. Il fallait trouver un moyen de les protéger. Nous avons dû sensibiliser pour connaître les gestes et les attitudes à avoir lorsque l'on devient mère. Ce qui n'est pas du tout évident quand on n'y est pas préparé. Ce projet a été une vraie école de la vie. »
En décembre 2004, après le passage du tsunami, Nathanaël réussit à lever 50 000 dollars pour reconstruire deux écoles très touchées par la vague. « J'ai travaillé avec ''Save thé children" et je me suis senti vraiment utile. Je ne me sentais pas les nerfs assez solides pour travailler sur des terrains de guerre ; des horreurs, j'en ai vu beaucoup déjà… des exécutions sur le chemin de l'école, le couvre-feu, des armes partout... »
« Il y avait près d'une centaine d'enfants dont les mères étaient emprisonnées, la situation était catastrophique, les violences quotidiennes. Il fallait trouver un moyen de les protéger. Nous avons dû sensibiliser pour connaître les gestes et les attitudes à avoir lorsque l'on devient mère. Ce qui n'est pas du tout évident quand on n'y est pas préparé. Ce projet a été une vraie école de la vie. »
En décembre 2004, après le passage du tsunami, Nathanaël réussit à lever 50 000 dollars pour reconstruire deux écoles très touchées par la vague. « J'ai travaillé avec ''Save thé children" et je me suis senti vraiment utile. Je ne me sentais pas les nerfs assez solides pour travailler sur des terrains de guerre ; des horreurs, j'en ai vu beaucoup déjà… des exécutions sur le chemin de l'école, le couvre-feu, des armes partout... »
« La seule intégration possible »
En revanche, dès la fin de ses études, il lance son projet d'accueil et d'accompagnement des réfugiés en France. Rapidement, Singa prend de l'ampleur. Les demandes d'asile sont de plus en plus nombreuses. En juin 2015, l'équipe de Singa lance le projet CALM, un acronyme bien inspiré pour l'accueil des personnes réfugiées : CALM signifie "comme à la maison". (NDLR : depuis la rédaction de cet article est né le programme J'accueille) Le principe est simple : mettre en relation, via une plateforme accessible sur smartphone et tablette, des réfugiés, mal-logés ou pas-logés, et des Français ayant la capacité et l'envie d'accueillir sous leur toit ces personnes en détresse.
En ce début d'année, une centaine de personnes sont logées de cette manière et la demande est de plus en plus pressante. Un vrai réussite pour ce programme d'accueil chez soi, un complément intelligent pour renforcer le réseau des CADA ( centre d'accueil de demandeurs d'asile ) largement saturés.
Mais, au-delà de cet accueil, le développement de projet reste la priorité de Singa : « Construire une "seconde vie", s'offrir un "nouveau départ", c'est tout ce que souhaitent les réfugiés qui demandent l'asile », insiste Nathanael qui veut en faire des ambassadeurs de la réussite : « La seule intégration possible », dit-il, dans une société qui doit sans attendre redonner du sens au "vivre ensemble".
Stéphane Huonnic
En ce début d'année, une centaine de personnes sont logées de cette manière et la demande est de plus en plus pressante. Un vrai réussite pour ce programme d'accueil chez soi, un complément intelligent pour renforcer le réseau des CADA ( centre d'accueil de demandeurs d'asile ) largement saturés.
Mais, au-delà de cet accueil, le développement de projet reste la priorité de Singa : « Construire une "seconde vie", s'offrir un "nouveau départ", c'est tout ce que souhaitent les réfugiés qui demandent l'asile », insiste Nathanael qui veut en faire des ambassadeurs de la réussite : « La seule intégration possible », dit-il, dans une société qui doit sans attendre redonner du sens au "vivre ensemble".
Stéphane Huonnic