Sur les terres rudes du Ségala
D’emblée Pierre Lafragette présente le décor.
« Ici nous sommes dans le Ségala, aux confins du Cantal et du Lot, les terres sont difficiles, acides avec un sous-sol granitique pas très favorable à l’agriculture. »Effectivement, lorsque l’on traverse la région, les terres cultivées sont rares, la forêt est présente partout, entrecoupée de belles prairies sur lesquelles pâturent des vaches.
« La moitié du territoire est boisé, le reste c’est de la prairie sur des terrains en pente, les quelques terres cultivables le sont pour faire un peu de maïs ou des céréales à paille ». « Dans le passé notre identité c’était la châtaigne » ajoute Fabien Cadiergues, « les gens étaient pauvres et beaucoup de paysans étaient des doubles actifs. »
« L’essentiel c’est d’avoir la terre pour travailler, pas de la posséder. »
Un regroupement de cinq exploitations
Et lorsqu’on est pauvre le bon moyen pour s’en sortir c’est l’entraide et la coopération. « Ici la culture du collectif est ancrée ». Les parents de Pierre ont démarré sur une exploitation de 15 hectares, « ils ont travaillé dur pour la faire évoluer progressivement » avec le recours, déjà, du collectif, la coopérative Sicaseli créée en 1985 pour fournir approvisionnement (aliments pour bétail, engrais…) et services (trois salariés) tel l'épandage d’amendements calcaires pour améliorer les sols acides du Ségala.
En 1989, Pierre Lafragette reprend l'exploitation avec son frère. Elle fait maintenant 60 ha, pas énorme pour deux exploitants. Ils y élèvent des vaches laitières et des vaches allaitantes (veaux sous la mère). En 2000, au moment de la mise aux normes des bâtiments d’élevage, ils se posent la question : quelle est la meilleure solution pour gagner sa vie sans se tuer au travail ? Ils y réfléchissent avec des voisins avec lesquels ils s’entraident depuis longtemps.
Ils décident alors de mutualiser cinq exploitations et de créer un GFA (Groupement Foncier Agricole) pour ne pas avoir à acheter tout le foncier : « L’essentiel c’est d’avoir la terre pour travailler, pas de la posséder. » Ils regroupent tous les bâtiments sur un même site pour mutualiser les coûts et les usages.
En 1989, Pierre Lafragette reprend l'exploitation avec son frère. Elle fait maintenant 60 ha, pas énorme pour deux exploitants. Ils y élèvent des vaches laitières et des vaches allaitantes (veaux sous la mère). En 2000, au moment de la mise aux normes des bâtiments d’élevage, ils se posent la question : quelle est la meilleure solution pour gagner sa vie sans se tuer au travail ? Ils y réfléchissent avec des voisins avec lesquels ils s’entraident depuis longtemps.
Ils décident alors de mutualiser cinq exploitations et de créer un GFA (Groupement Foncier Agricole) pour ne pas avoir à acheter tout le foncier : « L’essentiel c’est d’avoir la terre pour travailler, pas de la posséder. » Ils regroupent tous les bâtiments sur un même site pour mutualiser les coûts et les usages.
« Lorsque des gens de l’extérieur voient les bâtiments, ils sont un peu effrayés mais nous vivons à neuf sur le site avec une production laitière, une production viande (vaches allaitantes) et une production de canard, le revenu de chacun d’entre nous est correct, 20 000 euros annuels avec des conditions de travail intéressantes. »Cette culture du collectif appliquée à son exploitation l’est tout autant pour la coopérative dont il est le président depuis 1996.
Les « Fermes de Figeac » : une coopérative de territoire.
« Fermes de Figeac » est le nouveau nom donné en 2011 à la Sicaseli. Originalité : son activité s’exerce sur cinq cantons, un tout petit territoire. Alors qu’à cette époque - les années 80 - la plupart des autres coopératives ne voient leur survie que par les regroupements et fusions, la Sicaseli refuse cette stratégie.
En 1992 la réforme de la PAC (Politique Agricole Commune) puis la crise de la vache folle en 1997 bousculent les éleveurs adhérents. Pierre Lafragette la subit de plein fouet :
« On a choisi de coopérer à l’échelle du territoire, de garder les manettes, car nous étions convaincus que la richesse ne dépend pas de la taille. »Ils s’appuient alors sur leur métier de base, le conseil et l’approvisionnement des agriculteurs et un magasin « Gamm vert » d’abord réservé aux agriculteurs puis aux autres habitant à partir de 199.
En 1992 la réforme de la PAC (Politique Agricole Commune) puis la crise de la vache folle en 1997 bousculent les éleveurs adhérents. Pierre Lafragette la subit de plein fouet :
« Nous venions de créer au sein de la coopérative notre propre unité de production d’aliment pour le bétail, la crise de la consommation de viande nous fragilisait. »Les coopérateurs prennent le temps de regarder ce qui se fait ailleurs, d’abord dans les Pays de l’Est puis au Brésil :
« Des fermes de 1 000 hectares avec 1 000 vaches par travailleur, là, il y a quelque chose qui déconne. »Ils vont aussi au Japon, un pays où le nombre important de coopératives de consommateurs les impressionnent :
« Les Japonais nous montrent que la consommation éthique est possible. »Ces voyages renforcent leur volonté de travailler sur l’autonomie, celle des adhérents :
« Produire notre luzerne pour l’alimentation de nos animaux plutôt que d’importer du soja qui coûte cher et détruit la forêt amazonienne » et « vendre une partie de notre production de viande dans nos magasins Gamm vert, faire en sorte que la viande produite ici soit consommée ici. »
Produire de l’alimentation et de l’énergie localement
"On découvre d’autres dimensions pour notre métier"
Fabien Cadiergues, est un jeune adhérent, il a repris l’exploitation de ses parents en 2010.
« J’élève des animaux de race à viande, des blondes d’aquitaine, une partie de ma production, les broutards, part en Italie avec les aléas du marché, l’autre, les génisses, est transformée dans des abattoirs locaux et vendue sur place dans nos magasins avec une meilleure rémunération pour le producteur. »Fabien Cadiergues évoque d’autres voyages organisés par la coopérative au fil des ans.
« A Freiburg en Allemagne nous avions découvert un pays largement en avance sur nous en matière de production d’énergie renouvelable adossée l’agriculture. »Les jeunes coopérateurs sont aussi allés dans le Mené, un pays du centre Bretagne très défavorisé au départ, mais qui a su se mobiliser pour trouver des solutions.
« Nous avons été accueilli dans un territoire qui nous ressemble et qui vise l’autonomie énergétique, on découvre d’autres dimensions pour notre métier, produire de l’énergie. »
L'éolien avec les salariés de la coopérative et des habitants.
Quelques années plus tard, cent-dix agriculteurs mutualisent, avec le soutien technique et financier de la coopérative, l’installation de milliers de panneaux solaires. Ils produisent ensemble 8 millions de Kwh par an. Un revenu complémentaire pour les éleveurs, partagé avec la coopérative qui le réinvestit sur le territoire. Après la recherche d’une meilleure autonomie alimentaire des élevages, l’autonomie énergétique est engagée.
En 2009, la coopérative est à l’initiative de la construction du premier parc éolien participatif du Lot.
En 2009, la coopérative est à l’initiative de la construction du premier parc éolien participatif du Lot.
« Des salariés de la coopérative se sont organisé pour porter un emprunt, des habitants ont fait de même sous forme de cigales et en moins de trois mois ils ont réuni plus de 2 millions d’Euros, la coopérative a fait le lien avec les banques très réticentes au départ. »Aujourd’hui huit éoliennes tournent sur le plus haut sommet du Ségala. C’est aussi le résultat d’une réelle volonté de dialogue et de coopération avec les habitants du territoire.
De l’énergie à partir des déchets
Autre initiative inspirée de l’Allemagne et du Mené : produire de l’énergie à partir des déchets des élevages via la méthanisation. C’est Fabien Cadiergues qui porte ce dossier.
« Ici, nous n’avons pas comme dans d’autres régions de problèmes de nitrates mais nous produisons beaucoup de fumier avec nos animaux, il est stocké pendant l’hiver en bout de parcelle avec des risques de lessivage et donc de pollution bactériologique, la méthanisation va aussi permettre de détruire ces bactéries. »La méthanisation est controversée car elle nécessite l’incorporation de matière végétale pour fonctionner, du maïs - par exemple - est parfois produit uniquement pour alimenter le méthanisateur, il faut donc rester vigilant.
« Nous récupérons les résidus de culture et testons actuellement les couverts végétaux en inter culture. »Comme tous les autres projets cette nouvelle source d’énergie bénéficie du portage et des conseils de la coopérative.
« Ce sont les jeunes agriculteurs qui s’y investissent autour de petits collectifs, une dizaine d’exploitation par méthaniseur, quatre au total de taille moyenne (500 KWh) capables d’alimenter chacun 2 000 foyers hors chauffage. »
L'un des cinq magasins
Coopérer aussi avec tous les acteurs du territoire
Pierre Lafragette et Fabien Cadiergues, deux éleveurs "ordinaires" parmi les 450 adhérents de la coopérative, l’un installé en 1989, l’autre en 2010, deux générations mais une volonté commune : vivre de leur métier sur des terres à priori hostiles et pour cela faire vivre la coopération et inter coopérer :
« On veut intensifier cette approche en travaillant avec toutes les parties prenantes du territoire. »
Leur volonté de dialogue avec les habitants du territoire permet d’engager d’autres projets, avec des collectivités locales ou des associations, par exemple autour de la charte paysagère.
« Il y a toujours eu un lien entre la prairie et les paysage, ici on n’a jamais enlevé de haie, c’est notre patrimoine » souligne Pierre. « On a créé une crèche inter entreprise et mené une réflexion pour faciliter l’hébergement pour nos salariés dans des communes autour de Figeac qui souhaitent réhabiliter leur cœur de bourg » ajoute Fabien.
Finalement, ce qui les mène c’est l’innovation sociale, économique et environnementale au service de leurs cinq cantons, une approche territoriale éloignée des approches filières de beaucoup de coopératives agricoles où l’adhérent est trop souvent celui sur lequel on fait la marge.
Texte et photos : Jean-Yves Dagnet
Pour aller plus loin
Un blog. Fermes de Figeac