Patrick Digue.mp3 (14.36 Mo)
Il en faut de la poigne, de la gouaille et surtout, de la conviction, pour mener tout ce petit monde ! Et Patrick en a plein la besace ! D’emblée, il accepte la proposition que lui fait, en 2002, le directeur de la Maison familiale de Guipry-Messac d’accueillir dans sa ferme, un jeune en difficulté.
Patrick, agriculteur de passion et de conviction, sort d’une période difficile. Lâché par les banques et les conseillers agricoles, il commence juste à retrouver l’équilibre financier de son exploitation. Il se dit qu’un complément de revenu n’est pas superflu. Le jeune s’installe, trouve sa place et voilà Patrick piqué au vif : « Je voyais que je pouvais l’aider, qu’il retrouvait confiance en lui. Alors j’ai accepté les autres propositions des services sociaux. » Bientôt, deux, trois autres jeunes rejoignent l’équipe.
Patrick, agriculteur de passion et de conviction, sort d’une période difficile. Lâché par les banques et les conseillers agricoles, il commence juste à retrouver l’équilibre financier de son exploitation. Il se dit qu’un complément de revenu n’est pas superflu. Le jeune s’installe, trouve sa place et voilà Patrick piqué au vif : « Je voyais que je pouvais l’aider, qu’il retrouvait confiance en lui. Alors j’ai accepté les autres propositions des services sociaux. » Bientôt, deux, trois autres jeunes rejoignent l’équipe.
Le chant du coq au petit matin !
Le dépaysement est immédiat, la proposition sans concession. Généralement, les jeunes arrivent à La Fléchais en fin de journée. Tandis que les tours urbaines et les cités s’éloignent, la nuit tombe peu à peu. Arbres, prés et troupeaux de vache défilent jusqu’à Lalleu, petite commune près de Rennes, au bout de nulle part… « C’est quand ils se réveillent le matin, au chant du coq, qu’ils réalisent vraiment et qu’ils se demandent où ils sont tombés ! Mais le groupe ne tarde pas à les mettre au parfum et la journée à la ferme commence. »
Le goût de l’humain et du don de soi
Patrick a la fibre sociale, le goût de l’humain et du don de soi. Il accompagne les jeunes dans leur formation en maison familiale rurale, une institution qu’il connaît bien pour avoir lui-même profité de son accompagnement : « Beaucoup de gamins ici, connaissent des difficultés, ont été parfois rejetés du système scolaire traditionnel. Je sais que le chemin est long pour reconstruire de la confiance en soi et qu’il faut beaucoup de reconnaissance. »
Patrick Digue est né à Lalleu. Après un bac élevage vaches et porcs et une maîtrise en gestion-comptabilité, il reprend l’exploitation familiale pour s’installer en 1992 à titre individuel, « à la suite d’une rupture de gaec qui n’avait pas fonctionné ». Sur les 60 hectares de terre, il élève 40 vaches laitières et une centaine de génisses. Avec le soutien de l'association Accueil Paysan, il devient accueillant familial social dans la réinsertion professionnelle de jeunes « en rupture du monde » tandis que sa femme, Danielle, travaille à l’extérieur.
Patrick Digue est né à Lalleu. Après un bac élevage vaches et porcs et une maîtrise en gestion-comptabilité, il reprend l’exploitation familiale pour s’installer en 1992 à titre individuel, « à la suite d’une rupture de gaec qui n’avait pas fonctionné ». Sur les 60 hectares de terre, il élève 40 vaches laitières et une centaine de génisses. Avec le soutien de l'association Accueil Paysan, il devient accueillant familial social dans la réinsertion professionnelle de jeunes « en rupture du monde » tandis que sa femme, Danielle, travaille à l’extérieur.
Entre l’établissement spécialisé et la prison
« La première chose que je propose aux jeunes qui arrivent, c’est de se poser, prendre le temps de découvrir le lieu. Beaucoup ont des affaires judiciaires compliquées mais je ne veux rien savoir ! La liberté, ça leur parle ! Beaucoup en ont été privée et ils savent ce que c’est que de tourner des journées entières dans une cellule. Ensuite, je les écoute et seulement, je leur demande ce qu’ils veulent faire. » Rapidement, l’initiative commence à porter ses fruits et ne tarde pas à intéresser les services de la protection judiciaire ainsi que les travailleurs sociaux du département. Il faut dire qu’entre l’établissement spécialisé et la prison, les occasions d’accueil sont plutôt rares.
Patrick est de plus en plus sollicité, tant et si bien qu’on lui accorde un agrément pour accueillir six jeunes, que des garçons, 24 heures sur 24, tout au long de l’année plus deux à la journée : « Je perçois un prix de journée par jeune accueilli. Avec ça, je dois tout prendre en charge : les repas – qui nous sont livrés par l’Esat de Retiers-, le linge, l’argent de poche, les vêtements et tous les frais divers. Quand ils arrivent chez nous, ils ont juste un sac à dos ! L’exploitation sert de support social pour l’accueil des jeunes. Mon revenu principal aujourd’hui, c’est l’accompagnement social. J’ai pu embaucher un jeune vacher de 20 ans qui assure le suivi de l’exploitation, lui aussi formé en maison familiale rurale ! »
Patrick est de plus en plus sollicité, tant et si bien qu’on lui accorde un agrément pour accueillir six jeunes, que des garçons, 24 heures sur 24, tout au long de l’année plus deux à la journée : « Je perçois un prix de journée par jeune accueilli. Avec ça, je dois tout prendre en charge : les repas – qui nous sont livrés par l’Esat de Retiers-, le linge, l’argent de poche, les vêtements et tous les frais divers. Quand ils arrivent chez nous, ils ont juste un sac à dos ! L’exploitation sert de support social pour l’accueil des jeunes. Mon revenu principal aujourd’hui, c’est l’accompagnement social. J’ai pu embaucher un jeune vacher de 20 ans qui assure le suivi de l’exploitation, lui aussi formé en maison familiale rurale ! »
Une règle : partager la vie de la ferme
Aux jeunes qui sont accueillis, Patrick Digue n’exige qu’une seule règle : se respecter mutuellement et partager la vie de la ferme. Alors chaque jour, vaille que vaille et par tous les temps, chacun participe aux soins aux animaux, fumier, litière, traite, travaux en tout genre…
« Ça ne convient pas à tout le monde d’autant que si un jeune fait des conneries, c’est le groupe qui le rappelle à l’ordre ! Parfois, il se fait éjecter s’il y a incompatibilité. Mais généralement, c’est tout bonheur et tout positif ! Je pense à un jeune qui ne connaissait rien à l’agriculture et qui avait quitté l’école à l’âge de 9 ans. Il s’est pris au jeu et peut aujourd’hui gérer seul une partie de l’exploitation, assurer la traite, mener le tracteur ou la pelle mécanique… Un autre qui est là depuis deux ans. Il a repris sa scolarité il y a un an et demi et va entrer en formation. Son traitement médical a diminué de 70 %.
Un autre encore avait vécu trois mois dans la rue, mangé dans les poubelles. Il était complètement déstructuré... Aujourd’hui, quatre mois après, il est en formation, il part à vélo pour aller à Janzé prendre le train seul et suit une formation. Il a arrêté son traitement… Et un autre encore qui voulait être charpentier – il ne savait pas enfoncer une pointe ! J’ai appelé un copain qui a bien voulu le prendre en stage. Il était tellement motivé qu’il est devenu bardeur après avoir passé ses caces (certificats d’aptitude). Il a une copine, est en train de faire sa maison en bois. Il m’invite au baptême de son premier enfant ! Ça, ce sont des petites choses qui font bougrement plaisir ! »
« Ça ne convient pas à tout le monde d’autant que si un jeune fait des conneries, c’est le groupe qui le rappelle à l’ordre ! Parfois, il se fait éjecter s’il y a incompatibilité. Mais généralement, c’est tout bonheur et tout positif ! Je pense à un jeune qui ne connaissait rien à l’agriculture et qui avait quitté l’école à l’âge de 9 ans. Il s’est pris au jeu et peut aujourd’hui gérer seul une partie de l’exploitation, assurer la traite, mener le tracteur ou la pelle mécanique… Un autre qui est là depuis deux ans. Il a repris sa scolarité il y a un an et demi et va entrer en formation. Son traitement médical a diminué de 70 %.
Un autre encore avait vécu trois mois dans la rue, mangé dans les poubelles. Il était complètement déstructuré... Aujourd’hui, quatre mois après, il est en formation, il part à vélo pour aller à Janzé prendre le train seul et suit une formation. Il a arrêté son traitement… Et un autre encore qui voulait être charpentier – il ne savait pas enfoncer une pointe ! J’ai appelé un copain qui a bien voulu le prendre en stage. Il était tellement motivé qu’il est devenu bardeur après avoir passé ses caces (certificats d’aptitude). Il a une copine, est en train de faire sa maison en bois. Il m’invite au baptême de son premier enfant ! Ça, ce sont des petites choses qui font bougrement plaisir ! »
« Ce qu’ils ont fait avant ne me regarde pas ! »
La durée des séjours chez Patrick varie entre un jour et trois ans. Régulièrement, des évaluations sont faites avec les travailleurs sociaux chargés du suivi : « Tous sont des écorchés vif, des mal-aimés, des enfants cabossés, détruits, déscolarisés, dévalorisés. Jamais, on n’a reconnu leur talent, leur savoir-faire. Bien souvent, il n’y a plus de place nulle part pour les accueillir et les travailleurs sociaux sont désemparés. Ce qu’ils ont fait avant ne me regarde pas. Quand ils arrivent ici, ils savent que c’est peu une dernière chance, une alternative à la rue ou à la tôle ! Je leur dis : à toi de jouer… »
Une fois passé le temps de l’installation, place à l’avenir. Patrick tente au plus tôt de mettre les jeunes en devenir : « On parle assez vite d’envie de métier, de projet professionnel. Dès qu’ils expriment quelque chose, je fais tout pour les aider. Je connais un paquet d’artisans et d’entreprises prêts à les accueillir en stage. On construit un calendrier ensemble en fonction de dates butoir. A la fin du stage, on fait un point tous les trois : le jeune, l’artisan et moi-même et on décide de la suite. S’il le faut, c’est moi qui les emmène. Actuellement, j’accueille un jeune qui rêve d’être boulanger. Je le conduis tous les matins au boulot à trois heures ! »
Une fois passé le temps de l’installation, place à l’avenir. Patrick tente au plus tôt de mettre les jeunes en devenir : « On parle assez vite d’envie de métier, de projet professionnel. Dès qu’ils expriment quelque chose, je fais tout pour les aider. Je connais un paquet d’artisans et d’entreprises prêts à les accueillir en stage. On construit un calendrier ensemble en fonction de dates butoir. A la fin du stage, on fait un point tous les trois : le jeune, l’artisan et moi-même et on décide de la suite. S’il le faut, c’est moi qui les emmène. Actuellement, j’accueille un jeune qui rêve d’être boulanger. Je le conduis tous les matins au boulot à trois heures ! »
Ensemble pour le meilleur et pour le pire
Depuis le début du projet, Patrick Digue a déjà accueilli une trentaine de jeunes, « sans aucune distinction sociale… toutes les religions, toutes les cultures. Un jeune va à la messe tous les dimanches, c’est sa liberté. Le jour où il y a du porc au menu, on prévoit un autre plat pour ceux qui n’en mangent pas. Chacun est libre de penser, de s’exprimer, sans juger l’autre. Je suis toujours vigilant à ça. » Patrick envisage désormais une extension du contrat afin d’accueillir au-delà des 18 ans fatidiques, avec la mise en place d’une mesure de protection et de mise sous tutelle.
Il est sur tous les fronts y compris celui du changement de représentations : « Dès qu’il y a une connerie faite sur la commune, certains pensent : c’est les jeunes à Patrick ! Dès que j’entends ça, j’interviens tout de suite pour chercher à comprendre, réparer ou… casser la rumeur. On me soutient sur la commune. En cas de difficulté, un éducateur peut intervenir mais pas après 17 h ! Après, c’est la gendarmerie qui prend le relais. Je ne cache rien aux jeunes de la vie de la ferme, histoire de les responsabiliser. On fait corps tous ensemble et les jeunes me respectent comme ce n’est pas possible ! On tremble, on s’inquiète ensemble mais on se réjouit et on fait la fête ensemble aussi. La fraternité s’instaure rapidement entre nous et malgré moi. Chacun sait par où l’autre est passé, les galères, la souffrance, l’abandon et presque tout le temps… le peu ou le manque de reconnaissance. Ils savent qu’ensemble, ils peuvent se reconstruire, s’en sortir. »
Il est sur tous les fronts y compris celui du changement de représentations : « Dès qu’il y a une connerie faite sur la commune, certains pensent : c’est les jeunes à Patrick ! Dès que j’entends ça, j’interviens tout de suite pour chercher à comprendre, réparer ou… casser la rumeur. On me soutient sur la commune. En cas de difficulté, un éducateur peut intervenir mais pas après 17 h ! Après, c’est la gendarmerie qui prend le relais. Je ne cache rien aux jeunes de la vie de la ferme, histoire de les responsabiliser. On fait corps tous ensemble et les jeunes me respectent comme ce n’est pas possible ! On tremble, on s’inquiète ensemble mais on se réjouit et on fait la fête ensemble aussi. La fraternité s’instaure rapidement entre nous et malgré moi. Chacun sait par où l’autre est passé, les galères, la souffrance, l’abandon et presque tout le temps… le peu ou le manque de reconnaissance. Ils savent qu’ensemble, ils peuvent se reconstruire, s’en sortir. »
« Jamais, je ne laisserai un gamin sur le bord de la route »
Ils ne sont que onze agriculteurs en France à proposer ainsi un accueil de jeunes sous main de justice : « C’est pourtant, estime Patrick, un beau projet de diversification pour le milieu agricole et un complément de revenu qui n’est pas négligeable. Mais c’est vrai, c’est un engagement. Il faut beaucoup de compréhension, de patience, de disponibilité 24 heures sur 24. Un gamin dans la mouise, j’essaierai toujours de trouver une solution pour l’accompagner. Mais il faut qu’il accepte ce qu’on lui propose : se lever le matin, bosser, respecter les règles de vie commune. Si tu veux manger, tu participes, sinon, tu repars. Jamais, je ne laisserai un gamin sur le bord de la route mais c’est du donnant-donnant. Voilà le contrat. »
Tugdual Ruellan
Tugdual Ruellan
Accueil Paysan, respectueux de l'homme et de son environnement
Accueil Paysan est née en 1987 dans la mouvance de Peuple et Culture Isère. C’est une période durant laquelle paysans, chercheurs et animateurs modélisent ensemble des pratiques d'accueil intégrées à une production agricole, respectueuse de l'homme et de son environnement : « L’idée est de rassembler dans une même dynamique des paysans qui souhaitent promouvoir un accueil spécifique, dans un souci d’ouverture et d’échange, et d'un aménagement harmonieux du territoire ».
Site ICI .
Accueil Paysan est née en 1987 dans la mouvance de Peuple et Culture Isère. C’est une période durant laquelle paysans, chercheurs et animateurs modélisent ensemble des pratiques d'accueil intégrées à une production agricole, respectueuse de l'homme et de son environnement : « L’idée est de rassembler dans une même dynamique des paysans qui souhaitent promouvoir un accueil spécifique, dans un souci d’ouverture et d’échange, et d'un aménagement harmonieux du territoire ».
Site ICI .