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01/12/2010

Au Kenya, la lutte héroïque des paysans de Nyumba Sita


Des multinationales raflent aujourd'hui des milliers d'hectares de terres aux petits paysans des pays pauvres. Au Kenya, les villageois de Nyumba Sita mènent une lutte désespérée.


Au Kenya,  la lutte héroïque des paysans de Nyumba Sita

« Notre vie est ici. Pas dans les bidonvilles de Nairobi. On ne partira pas. » À Nyumba Sita, sur les bords de l’Océan Indien, les maisons ont été rasées par les bulldozers et les puits comblés. Assiettes, casseroles, livres de classe, tout est parti à la benne. Mais les paysans s’accrochent. Reviennent après le départ des équipes de chantiers pour construire des abris de fortune. S’entassent dans des maisons construites avec des feuillages de cocotiers. « J’ai pleuré quand je les ai vus détruire l’école », soupire Sofia Ali Ngozi, l’institutrice du village.


Au profit de l'éthanol

Au sud de Mombasa, sur la route qui file vers la Tanzanie, la Kwale Sugar International Company fait place nette. Avec l’objectif de relancer la culture de canne à sucre pour développer la production d’éthanol. 
 

La mer est tout au bout d’un chemin de sable. Ce jour là, ils sont trois-cents peut-être à me guetter à l’entrée d’un champ. L’un des hommes tient un banc à la main. « C’est tout ce qu’il nous reste. Ce sera pour vous asseoir à l’ombre de notre dernier arbre. » Femmes en boubous multicolores, cohorte d’enfants rieurs et les hommes au visage grave. Chaleur écrasante à peine atténuée par la brise de l’océan.

« On a toujours vécu ici. On vivait de la pêche et des mangues ou noix de cajou vendues sur les marchés, on n’avait presque rien, mais nos enfants allaient à l’école et on rêvait d’un avenir meilleur », explique un habitanrt du village, Rama Ali Mwazoa. Aider les population locales, c’est justement la promesse faite par la Kwale International Sugar Company. 


Le premier engagement comprend la construction d’un poste de police avec une cellule, vient ensuite la rénovation de la mosquée locale. L’entreprise veut également s’appuyer sur « les meilleures pratiques environnementales et agricoles. »  Qu’est ce qui coince alors? « On est ici chez nous », protestent les villageois. Ils mettent en avant leur droit d’occupation coutumier; la société s’appuie, elle, sur des titres de propriété négociés avec les autorités locales.  
 


Un peuple dépossédé
Un peuple dépossédé

Battu à mort

Un peu à l’écart, le vieux paysan Juma Rashid Tsawa accueille le visiteur avec un sourire las. Mains calleuses, blanches de terre, veste rapiécée en jean. Quelques branches ficelées lui tiennent désormais lieu de maison. Le vieil homme n’a plus de larmes pour pleurer. Lorsque son fils a voulu s’opposer aux hommes venus détruire sa maison, ils  l’ont roué de coups. Battu à mort avec des barres de fer. À l’hôpital, les médecins n’ont rien pu faire.
 

« Pendant trois mois, il n’a rien dit. Pas un mot », témoigne Hajji Mwakio. Lui se bat avec d’autres associations locales pour aider les villageois à faire valoir leurs droits auprès des tribunaux. Ils s’appuient sur internet et le téléphone portable pour conduire leurs actions. Envoient des SOS sur la toile aux grandes ONG internationales. Ils sont notamment relayés en France par Peuples Solidaires.
 

Cette guérilla médiatique et juridique oblige les autorités kenyanes à réagir. Un peu plus au nord dans la région de Malindi, le gouvernement vient de demander à une société italienne de revoir sa copie. Elle avait acquis plusieurs milliers d’hectares pour cultiver du jatropha et recruté des hommes de main pour menacer les paysans. Au mois de juin, ils avaient même bloqué des routes et rossé une équipe de journalistes de Nairobi. Le projet est à l’arrêt.
 

Patrice MOYON.





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